I'm gonna get fat, aren't I ? - Axel Rosenbach

Un cri. Le milieu de la nuit. Une jeune femme hurle sa douleur alors que son ventre semble sur le point d'exploser. Elle a peur, elle panique. C'est sa voisine qui est venue l'aider. C'est une petite vieille, elle a entendu les cris et les pleurs, elle a appelé les pompiers. Elle tient la main de la jeune femme. C'est pas un monde hein, la pauvre petite Emy, 23 ans, est seule dans son appartement pour accoucher. N'a-t-elle dont pas de famille ? Et le père alors, où est-il ? Josette, 60 ans, lui applique une serviette humide sur le front. Elle lui dit de respirer, que tout va bien se passer. Qu'à son époque, toutes les femmes accouchaient comme ça, que ça va aller. Emy sourit. Entre ses larmes et ses cris, elle sourit. Elle est contente de donner la vie, même si celui pour qui elle est venue en Angleterre l'a quittée. C'était trois ans auparavant. Emy a rencontré un bel Anglais qui se promenait à Berlin. Il s'appelait Jason et ils se sont tout de suite plus. Ils se sont aimés, du plus fort qu'ils pouvaient. Et quand Jason a du repartir à Londres, Emy l'a suivi. Sans hésiter un seul instant, elle est partie vivre en Angleterre avec celui qu'elle pensait être l'homme de sa vie. Et il l'a été. Un temps. Après il est parti pour une autre. Loin. Aux Etats-Unis. Elle croit, elle ne sait plus. Ce qu'elle sait, c'est que le résultat de leur amour est sur le point de venir au monde. Elle l'aime déjà, ce petit bonhomme qui lui déchire les entrailles. Et quand les pompiers arrivent enfin chez elle, Josette l'a presque sorti en entier. Elle se débrouille bien, elle sait comment faire. En aidant Emy, elle lui raconte qu'elle a été infirmière. Une chance, hein ? Et quand les pompiers prennent le relais, elle reste à côté. Elle tient la main de sa petite voisine en lui tapotant tendrement la joue. Un cri se fait entendre à nouveau, mais ce n'est plus la même voix. C'est celle d'un bébé. Il respire pour la première fois l'air ambiant. Il paraît que ça lui fait mal et que c'est pour ça qu'il pleure. Et on le donne à sa maman. Un instant avant d'aller le nettoyer. Et ils partent à l’hôpital. Axel.

Une nouvelle maison. Dans la banlieue proche de Londres. Le petit garçon tient la main de sa maman, il a un peu peur. L'homme avec eux tient dans ses bras un petit bébé. Une petite fille. Elle s'appelle Lena et elle est née il y a quelques mois. Il n'a pas très bien compris mais Lena est à moitié sa sœur. Il ne sait pas très bien ce que c'est, une moitié. Ni comment un bébé peut être à moitié sa sœur. On lui a beaucoup expliqué mais lui, la seule chose qu'il voit, c'est que ce n'est pas une moitié de bébé. En tout cas, elle crie comme un bébé normal. Mais bon, elle est jolie, il l'aime bien. En plus, il aime bien son prénom. Et puis il est préoccupé par autre chose. La maison dans laquelle ils viennent d'entrer est presque vide. Enfin non, elle est remplie de carton. Axel aimait bien son ancienne chambre, elle était au dessus de la cuisine et sentait toujours bon. En plus, il avait dessiné de jolies choses sur le bas d'un des murs. Bon, sa mère lui avait crié dessus pour cela mais il trouvait ça beau lui. Et Emy lui a expliqué que comme Harry et elle avaient eu un bébé et qu'ils allaient se marier, il fallait qu'ils puissent vivre tous ensemble, comme une famille. Comme celle de ses copains. Lui, le seul avantage qu'il y voyait était qu'il y avait un jardin, dans cette maison.

La même maison. La décoration a changé. Cette fois-ci, on voit bien qu'elle est habitée par quatre personnes. Il n'est plus question de cartons ou quelque chose dans le genre. Quoique. Dans la chambre d'Axel, ça n'a pas l'air d'être la joie. Debout à côté de son lit, il crie. Il crie sur sa mère qui essaie tant bien que mal de le calmer. Dans la cuisine, Lena, Harry et une jeune fille se regardent à peine, gênés. La jeune fille n'est autre que la petite amie du moment d'Axel. Elle était là quand Emy  annonça à son fils la nouvelle qui l'avait mis dans cet état. Ce n'est rien de bien grave, elle veut juste repartir vivre en Allemagne. Son nouveau mari est prêt à partir avec elle et rien ne la retient ici. Rien sauf Axel. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il réagisse de la sorte. Il apparaît clairement qu'il ne veut pas s'en aller. Elle perd patience. Il ne s'en sort pas à l'université et il voudrait rester ici ? Elle a peur pour lui. Qu'est-ce qu'il va faire tout seul ? Sans argent, sans emploi ? Mais il ne se démonte pas. Tout ce qu'il gardait dans sa tête sort et c'est comme s'il ne pouvait pas se retenir. Il n'a pas envie d'être en cours, il sèche la plupart du temps. Il ne veut pas être avocat, médecin ou politicien. Non, il a envie de faire de la cuisine. Parce qu'il aime ça. Et il n'aime pas le sourire ironique qui s'affiche sur le visage de sa mère. Il s'énerve encore plus. Le regard ancré dans celui de sa génitrice, il lui affirme qu'il ne quittera pas l'Angleterre. Jamais. Il n'a aucune envie de s'en aller. Quand Emy abandonne enfin, c'est Lena qui le rejoint. Elle a les larmes aux yeux, la morue. Axel ne la connaît que trop bien, même si elle n'est que sa demi-soeur, il sait qu'elle va essayer de le convaincre en lâchant une armée de larmes. Mais elle n'y arrivera pas. Il a beau l'aimer de tout son cœur, elle n'est pas celle qui le fera laisser toute sa vie pour l'ancien pays de sa mère. Alors il la prend dans ses bras, il la serre contre lui. Elle pleure, ça y est. Il lui promet qu'il passera souvent, et qu'elle aussi, pourra venir le voir. Quand elle arrête de pleurer, la vie reprend son rythme normal dans la maison. Il reste encore du temps avant que ses parents ne déménagent.

Petit bâtiment londonien. C'est un restaurant qui fait des hamburgers maison. Il paraît que le cuistot est top. Et le cuistot, c'est Axel. Il a eu raison de rester à Londres, apparemment. D'ailleurs, il est dans la cuisine en ce moment. Il cuisine pour une cliente prestigieuse : Lena. Elle est chez lui pour le week-end, elle a réussi à pleurer assez pour que ses parents la laissent partir. Elle attend patiemment que son grand frère lui fasse parvenir le hamburger dont il lui parle tant. Et elle fait semblant d'être déçue alors qu'elle le mange plus vite qu'elle n'a jamais rien mangé. Il sourit en la regardant derrière la porte. Quand il finit son service, il la rejoint dehors. Elle a les yeux rouges, elle a pleuré. Il n'a pas besoin de lui demander pourquoi, elle lui a raconté avant de venir. Elle vit son premier gros chagrin d'amour, c'est pour ça qu'elle est là. Elle a toujours eu besoin qu'Axel la protège, alors il lui a paru naturel de venir pleurer dans ses bras. Comme quand ils étaient beaucoup plus jeunes, comme avant. Ça ne le dérange pas, il a une certaine aptitude à réconforter les gens. Alors il attend, il la ramène chez lui, il écoute... Et enfin, elle sourit.