What are you doing here?! - Octoffin

Comme chaque matin dès que l'aube décidait de pointer le bout de son nez pour illuminer la chambre de Griffin, cette même pièce dont il ne fermait jamais le volet pour pouvoir profiter pleinement de la lumière du soleil lorsqu'il se levait, le jeune homme se leva avec la ferme intention de faire son jogging. C'était devenu plus qu'une habitude. Partir en footing était vital pour lui, désormais. S'il ne courrait pas un peu avant d'attaquer sa journée, il se sentait étrangement trop plein d'énergie, inattentif et il avait bien du mal à rester concentré plus de cinq minutes sur quelque chose autre que ses pensées partant dans tous les sens. C'est pourquoi cette matinée ne ferait pas exception à la règle. L'Anglais se leva en baillant, habillé d'un simple caleçon lui faisant office de pyjama pour la nuit, pour se traîner jusqu'à la salle de bain, et prendre une bonne douche qui eut au moins le don de la réveiller un peu. Il se coiffa grossièrement en revenant devant son miroir, sa tignasse n'étant de toute façon pas coiffable de manière générale, et se brossa simplement les dents histoire de ne pas faire tomber toutes les personnes qu'il croiserait sur son chemin.
Il enfila son jogging, un banal tee-shirt noir, ses baskets et, constatant que la journée était magnifiquement belle, il s'empara de son ipod et de ses lunettes de soleil qu'il mit immédiatement sur son nez. Les écouteurs une fois en place, la musique emplissant ses oreilles, il sortit de chez lui, prenant bien soin de ne pas oublier de fermer la porte à clé, et il descendit les escaliers de son immeuble au pas de course, saluant à peine la concierge qui semblait tout droit sortie d'une Bande Dessinée humoristique, avec son visage peu amène, son balai, et ses cheveux grisonnants. Griffin lui adressa toutefois un sourire éclatant, inutile de se mettre à dos la vieille dame, et puis, il avait été bien éduqué, il pouvait bien faire cela.
Une fois dehors, il respira à plein poumon, tout simplement heureux de prendre l'air, un petit peu comme un enfant qui partait jouer avec un copain pour la journée. Il était parfois un peu ridicule, Griffin, mais il avait toutefois gardé cette petite part d'innocence qui avait été propre à l'enfant qu'il fut autrefois. Encore un côté de sa personnalité que son jumeau critiquerait sans doute avec un sourire mesquin, condescendant, accompagné d'un sourire railleur. Heureusement, cela n'atteignait absolument plus l'aîné, bien habitué depuis tant d'années à ce genre de pratiques qui se voulaient blessantes, mais qui n'étaient plus au final que teintées d'amertume dissoute.

Il se rendit, comme à son habitude, sans même faire attention au chemin qu'il prenait tant c'était devenu machinal, au parc le plus proche, en petites foulées, jetant quelques regards aux passants qui avaient toujours ou presque le regard sombre et l'air blasé. Le genre de visage des gens qui survivaient plus qu'ils ne vivaient. Griffin n'y prêtait plus vraiment attention, il en voyait assez à l’hôpital, et cela l'attristait bien souvent pour qu'il ne se prenne la tête avec cela lorsqu'il n'était pas de service.
Son esprit devait être perdu quelque part entre la lune et le soleil puisque, ne faisant plus attention à où il se dirigeait, quand il sentit un choc violent contre son épaule et qu'il failli perdre l'équilibre, perdant ses écouteurs au passage, la musique laissant place au doux son agressif des aboiements de chien. L'infirmier ne put s'empêcher de pousser une grimace au brutal changement qui fut loin de faire du bien à ses pauvres tympans. La voix, mauvaise, qui résonna ensuite pour lui demander s'il ne savait pas regarder où il allait, le figea presque immédiatement. Elle ne lui était pas inconnue, au contraire même, elle lui était plutôt familière. Un visage s'imposa presque immédiatement à son esprit et il releva les yeux pour voir en face de lui une bouille qu'il aurait cru ne jamais revoir. Un an qu'il ne l'avait plus vu, ce faciès angélique, constellé de tâche de rousseur, aux yeux noisettes, encadré de longs cheveux flamboyants. Toute tension qui avait pu s'accumuler en lui s'envola presque immédiatement, et un immense sourire barra son visage, pas même entaché par la question de la jolie jeune fille, d'un ton tout aussi sifflant que précédemment.

« Salut, October. »

Sa voix était comme toujours douce, quoiqu'un peu tremblante si on y faisait bien attention. Il garda ensuite le silence un moment, passant une main dans une barbe qu'il n'avait décidément pas coupée depuis un moment. Il en oubliait les bonnes manières.

« Désolé pour la collision. Je ne t'ai pas fait mal j'espère ? »

Il était véritablement inquiet maintenant, tout comme il semblait sincèrement heureux de la voir. Une joie qui lui faisait presque du mal quand il songeait à la dernière fois qu'il l'avait vu, à ce baiser, et qu'il constatait qu'il ne l'avait jamais oubliée, finalement. Il poussa un léger soupir et lui sourit de nouveau, moins franchement, cette fois.

« Comment vas-tu… Depuis ? »

Il ne mentionna pas clairement l'épisode, et mit plutôt les mains dans les poches de son jogging, qui retomba un peu sur ses hanches. Il en avait même zappé sa question, le vilain.

Il ne s'était pas attendu à croiser October ici, en plein milieu de Londres, à même pas huit heures du matin, pendant qu'il faisait son jogging matinal, écoutant sa musique préférée en songeant à tout sauf à la jolie rousse qui avait pourtant hanté son esprit pendant des mois après leur baiser durant cette soirée qu'il s'était efforcé d'oublier pour ne pas souffrir. Comment aurait-il pu ne serait-ce qu'imaginer qu'il allait entrer en collision avec elle en plus milieu de Hyde Parc ? Encore, dans ses rêves, il aurait compris, mais dans la réalité, cela aurait été un souhait bien utopique. Il aurait presque envie de se pincer le bras pour être sûr et certain de savoir s'il ne rêvait pas. Il avait pourtant parfaitement conscience d'être bien réveillé, la violence du choc n'étant que trop grande pour une simple création de son esprit embrumée par le sommeil. Elle avait beau lui avoir parlé d'une manière féroce, agressive, la voix sifflante et le ton menaçant, il ne s'était pas énervé, bien au contraire même. Comme toujours, ses beaux yeux noisettes avaient surtout le don de l'attendrir et il se sentait bien incapable d'adresser ne serait-ce qu'un réplique cinglante à sa flamboyante … « amie » au prénom de mois au beau milieu de la magnifique saison d'octobre où ils étaient encore, approchant peu à peu de la période de Noël. Alors il la salua tout d'abord, d'une voix douce, ne pouvant s'empêcher de la regarder, de se repaître de ces traits qu'il avait tout fait pour rejeter dans un coin éloigné, sombre et bouclé de son esprit blessé par ce départ sans la moindre explication bien qu'il ait très bien compris tout seul la raison de cette fuite précipitée. Et ce ne fut qu'après un moment de silence gênant et empli d'une drôle de tension qu'il se souvient lui avoir foncé dedans comme un gros balourd, et qu'il s'enquit alors de son état, inquiet de lui avoir fait mal, conscient aussi de sa carrure qui ne pouvait pas forcément faire que du bien à une jeune femme si frêle qu'était October. Il soupira doucement quand elle lui assura n'avoir mal nulle part, et il lui adressa un pauvre sourire penaud.

« Je suis soulagé. J'avais peur de t'avoir un peu amochée, j'allais vite et je suis un gros boulet quand je m'y mets. Tant mieux si tout va bien. »

Il n'avait même pas fait attention au ton sec qu'elle avait employée. Il était bien trop heureux de l'avoir devant lui pour se soucier du fait qu'elle n'ait pas envie de le voir. Il se sentait bien à côté d'elle et espérait peut-être un peu à tort qu'elle l'était tout autant que lui. S'il connaissait ses pensées, il hallucinerait peut-être. Il poursuivit d'un ton un peu plus assuré que le précédent, un sourire encore plus grand barrant son visage alors qu'il dévoilait sa joie de la voir.

« Non, je vais très bien ! Rien de cassé, je suis en pleine forme. »

Il n'avait pas oublié sa réaction après leur baiser, et ne pouvait pas imaginer ne serait-ce qu'un peu qu'October le trouvait attirant et sexy dans cette tenue. Il ne vit pas pas vraiment le regard qu'elle jeta à son jogging, qui descendit bientôt sur ses hanches alors qu'il mettait les mains dans ses poches, dans un geste réflexe témoignant de la gêne qu'il éprouvait quand même. Il fallait dire que la situation n'était pas banale, et encore moins simple. Leur manière de se comporter l'un envers l'autre avait beaucoup changée en un an.

« Ça va, oui. »

La conversation tournait de toute évidence en boucle. Ils ne savaient pas quoi se dire, et cela se voyait grandement à la distance qu'ils avaient instaurée entre eux, c'est à dire plus que respectable, et au fait que leur regard ne se croisaient pas. En fait, si on suivait la direction des prunelles de Griffin, il était actuellement en train de parler à l'arbre d'en face. Comment allez-vous monsieur le chêne ? Il pourrait faire une tournée avec Chantal Goya, ça marcherait foutrement bien, il était en condition, ne manquait plus que la drogue pour voir des espadons avec des lances à côté de grillages en fer. Il sursauta quand il l'entendit dire qu'elle avait des trucs à faire, et qu'il ne vit bientôt plus que son dos.
Il paniquait presque, ne sachant pas comment réagir. Il n'avait aucune envie de la laisser partir, de la voir s'éloigner de lui une fois de plus, mais pourtant elle avait l'air de tellement y tenir que cela lui en faisait presque mal au cœur. Tous ces efforts pour être loin de lui… Il ne comprenait pas et cela le blessait réellement. Alors, dans un geste presque inconscient, il tendit la main et lui attrapa le poignet, le regard affolé et quelque peu attristé, même. Il aurait bien aimé le cacher, mais il en avait toujours été incapable, surtout avec elle.

« Non, non, attends ! Ne pars pas encore comme ça, s'il te plaît... » Il chassa le ton suppliant de sa voix pour la rendre plus impénétrable, pas la peine de se montrer faible à ses yeux. Il avait tout de même son orgueil de mâle. « Tu m'as manquée, tu sais. Oublie ce qu'il s'est passé, c'était il y a un an, j'aimerais bien que tout redevienne comme avant. Je suis désolé d'avoir tout gâché, j'ai été un vrai con. »