Gummy Bear - Declan

Depuis sa toute petite enfance, Declan a présenté une sorte de retard de maturité, dans le sens où il préférait jouer avec les plus petits et n'était que peu loquace. D'ailleurs, il n'avait jamais vraiment apprécié la présence des autres, préférant largement dessiner -ou plutôt gribouiller- dans son coin. Cependant, il présentait des facilités à l'école, une mémoire hors du commun et s'en sortait comme un chef, même si son état d'esprit et son comportement alertèrent ses proches qui l'envoyèrent chez un psychiatre. Ce dernier trouva en lui un sujet d'études extraordinaire, même s'il n'était pas évident, pour ne pas dire impossible, d'avoir une conversation complète avec ce gamin. Jusqu'à l'âge de dix ans, il présenta des signes de ce qui ressemblait à de l'hyperactivité, ne laissant aucun répit à sa mère. Cette dernière le couvait d'ailleurs un peu trop, ne le laissant pas respirer une minute. Declan a toujours été très proche de sa génitrice, elle était toute sa vie, il l'aimait plus que tout au monde. Elle était d'ailleurs la seule qui trouvait normal tous ses petits problèmes et n'émettait pas de jugement négatif. Elle ne lui criait jamais dessus lorsqu'il mouillait ses draps ou se réveillait en hurlant lors de la nuit. De même, elle ne critiquait jamais le fait qu'il emmène toujours son ours en peluche à l'école et ne disait jamais qu'il fallait qu'il mûrisse. Elle le laissait même parfois dessiner sur les murs pour "le laisser libérer sa créativité". C'était une artiste, elle avait cela dans le sang, elle n'était pas comme tout le monde, on la considérait d'ailleurs souvent comme une marginale. Son père, quant à lui, avait toujours eu moins de patience à son égard et ne cessait de répéter qu'il fallait cesser de l'infantiliser et le pousser à grandir. Ces parents se disputaient énormément à ce sujet. Ce fut d'ailleurs pour cela, que lorsqu'il atteignit les onze ans, sa famille l'envoya dans un internat.  Il n'y tînt pas plus d'un mois. La séparation de sa mère et les moqueries de ses camarades  finirent par lui faire perdre sa joie de vivre naturelle. Il revînt donc à la maison très rapidement, mais préfère oublier cet épisode stressant de sa vie. En rentrant il avait remarqué que les choses n'étaient plus comme avant. Ses parents se disputaient encore plus souvent qu'auparavant et sa mère pleurait tout le temps. Il essayait de la consoler, mais souvent, elle lui disait de déguerpir... Ce qui le rendait encore plus triste.

Lorsqu'il eut douze ans, le jour de son anniversaire, il découvrit sa mère pendue dans la chambre parentale. Ce fut un événement des plus traumatisants, d'autant que son père n'avait par la suite cessé de lui répéter que c'était de sa faute, que s'il n'était pas aussi stupide qu'il l'était, que s'il avait été un garçon "normal", sa mère aurait été bien plus heureuse. Declan n'avait jamais compris pourquoi sa maman avait mis fin à ses jours et encore moins en quoi cela était sa faute, mais si son papa le disait, c'était que ce devait être vrai. Il faut toujours écouter son père. L'année qui suivit, les dessins de Declan devinrent sombres, et il ne représentait que des scènes de désolation. Il passait également des heures à dessiner son journal intime sous forme de bande-dessinée Il ne parlait plus à personne et son père s'énervait de plus en plus. Son professeur demandait à ce qu'il soit mis en école spéciale car il ne communiquait plus avec le monde. Ce ne fut que vers ses treize ans qu'il recouvra la parole, du jour au lendemain, comme si de rien était. Comme s'il avait fait un rêve, ou plutôt un cauchemar, et qu'en se levant ce matin-là, il s'était vraiment réveillé.

Son père avait complètement perdu patience et depuis quelques temps, laissait dévaler toute sa haine, sa tristesse et sa colère sur Declan. Il lui arrivait de le frapper ou de l'insulter. Les années passant, c'était devenu quelque chose de quotidien... Notre jeune garçon avait l'impression d'être sans arrêt puni et son père lui faisait parfois vraiment très mal. Il l'humiliait, le battait. Il faut dire que le paternel Mercury avait perdu son travail et buvait maintenant tout l'argent des allocations qu'il percevait. Les rares moments où il restait sobre, il présentait ses excuses à son fils, lui expliquait tendrement que ce n'était pas simple mais qu'il finirait par sortir de l'alcool, et prenait soin de lui. Declan l'aime beaucoup et ne dit jamais rien lorsqu'il lui fait du tort. Il ne veut pas que son père ait des ennuis à cause de lui. En plus, c'est lui seul le fautif, non? Il est responsable de la mort de sa maman... Et si elle n'était pas morte, son père ne serait pas entré dans le désespoir et n'aurait pas bu.

Alors tous les soirs, il se tait, serre Doudou contre lui, et dessine en espérant que son père ne rentrera pas ivre dans sa chambre. Il dessine tout ce qui lui arrive, mais aussi sa mère en portrait. Celle qu'il avait connu heureuse.