08aout2000_New York City + Nous n'avions jamais marché aussi vite pour rentrer à la maison. Je rêvais de demander à maman pourquoi elle me tirait si fort par le bras pour qu'on y arrive, mais j'étais suffisamment intelligent pour comprendre que ce n'était pas le moment de poser des questions. Arrivée à la maison, elle me disait de prendre mon quatre-heure alors qu'elle filait à vive allure dans les escaliers. Si mon estomac criait famine, ma curiosité était encore plus grande : après avoir pris une barre de céréales, je la suivais à pas de loups, sachant parfaitement qu'elle me ferait une remarque si elle me voyait manger dans les chambres. Je la découvrais dans la mienne, toujours dans la même précipitation, plaçant une bonne partie de mes vêtements sans la moindre délicatesse dans un sac de voyage. J'en oubliais l’interdiction de manger à l'étage, elle aussi.
« Qu'est ce que tu fais? » Finissais-je par demander. Il n'était pas question de vacances de dernière minute, je n'étais pas bête.
« Tu pars à Londres avec papa, Loys et les filles. Vous manquez beaucoup à la famille. » Elle me prenait pour un idiot, je poussais un soupire histoire qu'elle comprenne mon ennuie face à son mensonge. Oui, je leur manquais, terriblement. Ma tante me le répétait au téléphone pratiquement chaque semaine, ce qui n'expliquait pas la précipitation.
« Et l'école? » Ajoutais-je pour la pincer. Bingo.
« Ne t'inquiètes pas de ça Eli ! Je vous rejoindrai au plus vite. » Ne t'inquiètes pas de l'école... De quoi devais-je donc avoir peur si manquer mes cours lui semblait justifié? Je détestais cette situation et sentais cette boule se former au centre de mon estomac. Elle ne me mentait
jamais. Mon sac prêt après plusieurs aller-retour entre leur chambre, la salle de bain et la mienne, Maman finissait par s’agenouiller devant moi pour me rendre les mains. Si c'était censé me rassurer, ce n'était pas le cas.
« J'ai quelques soucis au boulot, j'ai besoin de vous savoir en sécurité le temps que je règle ça. Et puis dés que c'est réglé, je vous rejoins. » Maman m'avait souvent dit qu'elle travaillait contre "les méchants" qui pouvaient parfois ne pas apprécier son jugement, mais de là à nous évincer, j'avais beaucoup de mal à comprendre.
« Range ta chambre, je vais préparer le sac de papa. » Un baiser s'écrasait contre mon front alors qu'elle filait avec la même hâte dans l'autre chambre.
« Edwin, j'ai besoin que tu rentres au plus vite. » Marquant une pause, elle se tournait et je retenais ma respiration tout en reculant d'un pas pour qu'elle ne me remarque pas, juste dérrière la porte de leur chambre.
« Vos affaires sont prêtes, tu pars pour Londres ce soir avec les petits. » Elle raccrochait. Mon père ignorait qu'on partait et elle ne lui laissait pas le choix. Allez-y comprendre quelque chose à dix ans...
17septembre2010_New York City +
« Tu m'as demandé mon avis, tu l'as Elias. Je suis contre. » Je levais les yeux au ciel, mains dans les poches, avant d'adresser un regard désolé à mon père. Désolé de lui avoir demandé un avis que je connaissais et que je ne suivrais pas.
« On a passé deux ans loin de New York en cavale, qu'est ce qui te fait rêver? Tu ne crois pas que je me suis déjà fait bien assez de soucis pour toi? Pour ta mère? » continuait-il, pour appuyer son avis négatif. Je savais tout cela, je n'avais pas besoin de l'entendre.
« En cavale... tu exagères un peu, on était dans la famille. » Complètement interdit de séjour sur le sol américain jusqu'à ce que maman aie la confirmation que chacun des hommes à nos trousses étaient morts ou enfermés, mais tout de même. J'avais perdu une année à l'école - bien vite rattrapée - et des amis, mais en dehors de cela, notre vie avait continué on ne peut plus normalement. A Londres, c'était là l'unique différence.
« Et l'accident? Le nombre d'heures passées à attendre que ta mère passe la porte en vie? Ce n'est pas ce que je veux pour toi et je suis sur qu'elle fera tout pour t'en empêcher. » L'accident... Il avait eut lieu deux ans avant ma naissance, bien que j'en ai entendu parlé des centaines de fois. Quant à ma mère, je lui faisais confiance, je savais qu'elle nous reviendrait toujours. Je ne m'inquiétais pas. Une moue se dessinait sur mes lèvres lorsque papa me signalait qu'il ne serait pas le seul à me désapprouver. J'allais le décevoir une seconde fois en deux minutes, mais j'étais persuadé que c'est de ma mère qu'il le serait par dessus tout.
« J'en ai déjà parlé à maman... » Son regard se fronçait, septique.
« Et? » Demandait-il simplement. Je baissais les yeux, ce n'était pas à moi de lui dire. A prendre les foudres adressées à maman, mais puisqu'on en était là...
« Elle pense que j'ai le potentiel pour réussir. » Et pourtant, personne ne me sur-protégeait plus sur cette terre qu'elle. Théodora Ioannis était la personne la mieux placée pour prendre soin de moi mais aussi pour savoir le chemin glissant que je prenais et les risques auxquels j'allais m'exposer. Mais elle me soutenait, envers et contre tous. Contre mon père, qui en vue du regard qu'il m'adressait, n'allait pas la laisser s'en sortir à bon compte cette fois. La laisse de Liloo en main, il l'attachait sortait en claquant la porte. Tant pis, ma décision était prise : je commençais les tests pour entrer au FBI dés la semaine prochaine.
12octobre2012_New York City + On parlait voiture, j'avais l'estomac retourné. Assis à table, Charlie à mes côtés, je jetais un coup d’œil à son père de temps en temps alors que chaque fourchette portée à ma bouche était un supplice. J'allais vomir, il savait. J'ignorais ce qui me poussait à le croire mais son attitude n'était pas la même et je n'avais pas de back up. Je n'avais rien prévu, inconsciemment, voyant un simple repas de famille en ce rendez-vous.
« Papa montre lui la vieille Berline au garage. » J'aimerais protesté, il ne me fera rien en présence de Charlie, mais ça ne ferait que m’enfoncer un peu plus. Confirmé ses possibles doutes. Je me faisais peut-être des films. Je lui adressais un sourire et me levait de table pour le suivre., adressant un dernier regard à ma petite amie.
« Va, je débarrasse. » Si elle pouvait me supplier de l'aider, ça m’arrangerait. Je marchais jusqu'au garage et laissait Derek découvrir la voiture. Ma main glissait le long de sa carrosserie, elle était magnifique... au point que j'en oubliais mes inquiétudes, l'écoutant me décrire le modèle. Jusqu'à ce clic si familier. Celui d'une arme qu'on charge, cette même arme pointée sur ma tempe. Automatiquement je levais les mains d'un geste lent pour lui prouver que je n'étais pas armé en retour. Je ne l'étais pas, enfoiré. Abruti. Inconscient. Naïf, et j'en passais.
« Moi qui comptait vous demander sa main... » « Ne bronche pas Hanwell ou j'te descends. » J'essayais de me détendre, de continuer à jouer le jeu mais j'étais foutu. Il avait compris que je n'étais pas là par hasard. Après deux ans, j'avais relâcher ma garde, je ne pensais même plus être capable de me trahir mais j'avais du le faire pour en arriver dans cette position. Écrasé contre une voiture, prêt à me faire explosé la cervelle. Toutes mes pensées allaient vers Charlie qui ignorait tout... si elle pouvait débarquer là, oserait-il me descendre devant elle? Non. Peut-être. Tant de personnes étaient mortes sous ses ordres, une de plus ou une de moins? Aucune différence.
« Elle ne vous pardonnera jamais. » Il chargeait son arme en guise de réponse. Puis le coup de feu. En une fraction de seconde... Son corps qui me lâchait et s'écroulait au sol dans une marre de sang alors que ma mère plongeait dans mes bras. Les agents du FBI qui pénétraient à plusieurs dans le garage, venu de nul part. Je la serrais sans réaliser, les yeux braqués sur Scott. J'étais forcé de détourner les yeux quand maman m'attrapait le visage entre ses mains pour me forcer à la regarder.
« Toujours avoir un back up, t'aurais pu y laisser ta vie Elias! » Elle me serrait une nouvelle fois. Elle n'avait pas confiance en moi, elle m'avait suivi... et venait de me sauver la vie, m'empêchant de lui faire la moindre remarque à ce sujet.
« Tu n'étais au courant de rien! Tu ne dis rien, joue le jeu jusqu'au bout. » Elle se précipitait pour terminer sa phrase alors que Charlie apparaissait dans mon champs de vision. Détruite. Je plongeais vers elle pour enfuir sa tête contre ma poitrine, l'empêcher de voir son père abattu. Par ma mère. Par ma faute.
22novembre2012_New York City +
« Elias, t'as pas l'air de comprendre, c'est fini! Retire moi ce bandeau ridicule des yeux! » Ce n'était pas fini, ça ne faisait que commencé au contraire. Soufflant légèrement un "chut" en posant un doigt sur ses lèvres, continuant de la guider et elle se laissait faire, fatiguée de batailler avec moi. J'avais des crampes au ventre mais celles-ci ne m'empêcheraient pas d'aller jusqu'au bout. Nous y étions, la fête foraine ou nous nous étions rencontré deux ans plus tôt, ou je l'avais aimée au premier regard.
« Ça ne me fera pas changer d'avis... » Soupirait-elle, bien consciente de l'endroit ou nous nous trouvions. Il faut dire que la musique des divers manèges ne m'aidaient pas à le dissimuler. Mais le lieu n'était pas la surprise. Mes amis, nos amis, se tenaient face à nous, m'adressaient des signes d'encouragement pour me signaler que tout allait bien se passer. Ils avaient foi en notre couple, autant que moi. Sauf qu'ils ignoraient les réelles raisons de notre séparation. Je retirais délicatement le ruban de ses yeux, gardant ma main devant ces derniers en observant une dernière fois les pancartes qu'ils avaient en main, lui demandant sa main.
« Ouvre les yeux. » Parvenais-je à articule. Elle aimait tant Love actually, j'avais tenté de recréer la même ambiance d'une manière tout à fait différente en même temps... et je craignais que cela ne change rien. Les yeux baissés au sol, je n'osais regarder le résultat de toute cette mise en scène mais surtout sa réaction, bien que mon meilleur ami qui filmait le tout - souvenir en cas de succès - me donnait des coups de coudes encourageants. Son silence était une torture, tout comme les larmes qui roulaient sur ses joues sans que je ne puisse distingué s'il s'agissait de tristesse ou de joie. Son regard venait de me répondre alors que je sentais la terre s'écrouler sous mes pieds.
« Tu savais que ça ne changerait rien. T'as vraiment cru que me piéger devant tout le monde allait changer quelque chose? » Elle était désolée, énervée. Pas autant que moi. Oui j'y avais cru. Pas parce que nos amis étaient là, pour le lieu, les pancartes... mais juste pour nous, parce que ce que nous avions était réelles, peu importe mes manipulations. Sur ces paroles, je la laissais disparaître.
Il faut se battre pour ce qu'on veut vraiment... tout comme il fallait savoir reconnaître une défaite. Quelques secondes. Un signe suffisait à faire comprendre à nos proches de ne pas s'en mêler, alors que je traversais la foule pour la rattraper.
« Je t'aime. Je ne veux pas de ce mariage pour le bébé et tu le sais... tout était prévu, j'attendais juste le bon moment, je ne voulais pas tout précipiter mais on a plus aucune raison de ralentir maintenant. » Elle savait déjà tout ça, mais le lui répéter finirait peut-être par le lui faire admettre.
« Tu m'as menti Eli... pendant deux ans, tu m'as menti. Tu m'as piégé, tu m'as mis en danger et ce bébé que tu veux tellement, il le sera aussi! Chaque jour. » Je ne pouvais pas dévoiler ma couverture après deux mois de rendez-vous, pas même après deux ans. Surtout quand notre rencontre était une mise en scène pour enquêter sur son père. Elle savait tout, je n'avais pas suivi les conseils de ma mère, refusant de vivre le reste de ma vie dans le mensonge. J'avais tout risqué en lui avouant tout, ce qu'elle ne comprenait pas, ne voyait pas.
« Je ne me suis jamais retrouvé en danger... Ma mère a toujours fait en sorte qu'on soit hors de portée et ce sera pareil pour vous. » Elle soupirait.
« J'en veux pas de ce bébé, ni de ce mariage. J'ai 22 ans, j'ai une vie devant moi... Tu as refusé que j'avorte? Bravo, le délais est dépassé. Tu refuses qu'il aille à l'adoption? Encore une fois, tu gagnes Eli! Dans 5 mois il est tout à toi, mais ne compte pas sur moi pour faire partie de vos vies. Dés qu'il est là, je quitte cette ville maudite. J'en ai fini avec ça. » Ça. Notre histoire. Notre bébé. Notre vie. Juste "ça". Je gagnais peut-être à ses yeux, mais c'était un échec aux miens. Mais mon fils allait vivre. Parmi les siens, jusqu'à ce qu'elle réalise son erreur et rattrape le temps perdu à ses côtés, je m'en faisais la promesse.
28mars2014_New York City + Assis dans le fauteuil, j'enroulais mes bras autour de Maya qui était assise sur mes jambes et posait ma joue contre son bras en observant mes parents. Lyla était scotchée à son téléphone, indifférente, mais je la savais anxieuse. Qu'allait-il nous sortir cette fois-ci pour nous avoir rassembler? Je n'étais pas vraiment paniqué, rien ne pouvait se mettre entre eux... mais intrigué, ça oui. Aloysia jouait avec Noam, visiblement plus à l'aise que nous avec cette réunion. En fait, elle avait carrément l'air de s'en moquer. Mon père commençait par nous remercier d'être là et parler de choses et d'autres, sans importance.
« Viens-en aux faits papa. » Lyla avait un sourire et un ton doux malgré son impatience.
« J'ai rendu ma démission au FBI. » Je tournais la tête vers ma mère, surpris. Enfin pas tant que ça... Elle avait après tout 58 ans, il fallait bien qu'elle s'arrête un jour. Mais sa carrière, elle l'aimait autant qu'elle nous aimait nous, autant que moi je l'aimais. J'étais presque vexé qu'elle ne m'en ai pas touché un mot à moi avant les autres... mais passons.
« Et vous savez à quel point retourner à Londres est important pour moi... On sait que ça fait énormément de changement et on ne vous force à rien, mais on aimerait s'installer là-bas, auprès de la famille. » Il ne nous obligeait à rien. J'étais stoïque, je ne savais même pas quoi répondre et resserrait juste mon étreinte autour de la taille de Maya, comme si on pouvait m'enlever ma petite soeur d'une seconde à l'autre.
« On en a déjà parlé à Loys et elle tient à rester à Yale... On aimerait vraiment vous avoir avec nous... Mais c'est votre choix. On ne veut pas vous forcer à quitter les USA, on peut en discuter... Si Elias reste et veut bien de vous. » Concrètement sa condition tenait moyennement, les filles avaient 18 ans et pouvaient rester même seules. Mais il était hors de question que je laisse les jumelles vivre ailleurs qu'avec moi, peu importe l'aboutissement de cette conversation. J'étais un peu pris de court et paniqué à l'idée de séparer la famille même si il fallait bien que ça arrive un jour. Lyla était dégoûtée de devoir partir et prête à se séparer des parents pour rester avec moi et ici, même si l'idée ne l'enchantait pas. Maya n'envisageait pas vraiment qu'on puisse faire moitié moitié et tenait à ce qu'on suive tous le mouvement, d'autant plus qu'elle avait échoué à NYADA. Moi, j'étais perdu. Incapable d'envisager ma vie sans eux ou sans le FBI.
On embarquait finalement pour Londres un mois plus tard, tous ensembles en dehors d'Aloysia. Maman s'était arrangée avec la mère de Roméo pour que j'ai une place presque assurée au MI5 et avait fini par me convaincre qu'attendre le retour de Charlie ne servait à rien. Noam avait maintenant un an et un mois, si elle avait voulu de lui, de nous, elle nous l'aurait fait savoir depuis le temps... London, here we are.