i'll be there for you (la coloc')

C’était la meilleure décision. Une décision difficile, mais la meilleure décision quand même. Aksel allait vivre avec ces personnes pendant un temps indéfini, et il savait qu’il ne pourrait pas leur cacher ses démons bien longtemps. Il préférait avoir le contrôle de la situation lorsque cela arriverait, alors pour se faire, il avait décidé de les réunir pour leur parler. Hors de question que par accident, quelqu’un rentre dans la salle de bain et voit son corps, ou tout simplement Phoebe venant pour se coucher alors qu’Aksel est en train de se changer. Non, hors de question, cela lui été déjà arrivé une fois et il avait totalement été pris au dépourvu. Cela ne devait plus jamais se produire. Du coup, il avait demandé à tous ses colocataires de bien vouloir s’asseoir dans le salon car il avait quelque chose à leur annoncer. Malheureusement, Maggie et sa nièce étaient absentes, mais il ne savait pas s’il aurait à nouveau le courage de leur parler de tout ça, alors c’était maintenant ou jamais. De toute manière, Maggie lui avait promis qu’ils parleraient de tout ça tous les deux, histoire de la tenir au courant. Une boule d’angoisse lui donnait l’impression d’avoir avalé du plomb, mais il était prêt à subir les regards, les questionnements, les murmures. C’était pour le mieux, il le savait au fond de lui.

Il avait fait exprès de mettre un débardeur – oui il en avait quelques-uns – avec une veste par-dessus, histoire de pouvoir au moins leur montrer ses bras et ses épaules, pour qu’ils comprennent vraiment l’étendue des dégâts. Mais avant cela, il fallait les conditionner et raconter des choses que certains savaient déjà, mais pas tous. Au moins, cela serait clair pour tout le monde. Avec toutes ces paires d’yeux braqués sur lui, Aksel sentit l’angoisse monter d’un cran, mais il était bien obligé de parler maintenant. « Hum, salut. C’est gentil de bien vouloir m’écouter, car je dois vous dire que c’est n’est pas facile à dire et pas facile à entendre non plus, et quand on y pense, pas facile à voir. Enfin, vous comprendrez une fois que j’aurai expliqué de toute façon- enfin bref. » Il s’embrouillait. Il prit une profonde inspiration avant de continuer, ses mains tremblant légèrement. Il savait raconter son histoire, il n’avait aucun mal avec ça. Mais montrer toutes ses cicatrices… c’était une autre histoire. « Hum, certains le savent déjà, mais suite au départ de mon père quand j’avais trois ans, ma mère s’est mise à me battre. J’ai subi ça jusqu’à mes 18 ans, et ensuite je me suis enfui de la maison pour aller à New-York. Ca a certes eu un impact psychologique sur moi, mais j’ai pratiquement réussi à mettre tout ça derrière moi et je peux en parler sans fondre en larmes. Ce n’est pas le souci. Le souci c’est que… que ça a laissé des marques. Des marques physiques. Sur moi. Et je ne supporte pas qu’on puisse les voir. Sauf que… eh bien on est beaucoup ici, et je sais que ça va arriver alors… » Il fit à nouveau une pause, reprenant son souffle, et rassemblant son courage. Il pouvait le faire. Il devait le faire. « … alors je préfère vous le montrez maintenant, vous le dire, que vous soyez tous au courant et que vous ne soyez pas surpris ou choqué en ouvrant la porte de la salle de bain ou quoi. » Et parce que désormais les paroles ne servaient plus à rien, il ouvrit la fermeture éclair de son gilet, le retira et le laissa tomber au sol. Il eut l’impression que des projecteurs éclairèrent brusquement la peau nouvellement dévoilée et il prit une inspiration tremblante, n’osant pas les regarder, ses yeux se remplissant de larmes. « Voilà. Ca… ça c’est moi et je peux pas le changer. Je sais que c’est laid et que c’est dur à voir mais… mais je veux pouvoir être à l’aise ici, avec vous, et éviter les accidents ou quoi et j’ai… j’ai besoin de ça pour avancer, pour vraiment mettre tout ça derrière moi. Alors s’il vous plait ne soyez… ne soyez pas trop dur avec moi. »