(✰) message posté Ven 29 Jan 2016 - 19:59 par Nathanael E. Keynes
The trial
ft. Nikolaï Ledosvkoï && Jo A. Beauchamp && Nathanael E. Keynes
Mardi 28.07.2015 • Central London • La City • Tribunal
Est-ce que ça pouvait vraiment devenir plus bizarre que ça, sérieusement ? Je suis venu soutenir ma mère dans sa démarche pour divorcer de mon géniteur, et appuyer sa demande par la plainte pour coups et blessures que j'ai portée contre lui. En soi, c'était déjà pas forcément évident, parce qu'aussi en colère contre lui puis-je être, et aussi venimeux puisse être mon discours dès qu'il s'agit de lui, il reste celui qui ma transmis son patrimoine génétique. Celui qui était censé être génétiquement programmé pour m'aimer. Tout à l'heure, face à cette salle d'audience, c'est pas vraiment le sentiment que son regard laissait. Le jour où il m'a tapé dessus parce que j'ai évoqué ma relation homosexuelle devant lui et refusé l'alliance qu'il fomentait avec Prim, non plus. En réalité, il y a bien longtemps que je ne me souviens pas avoir vu la moindre affection dans le moindre regard qu'il ait posé sur moi. Et loin de m'en contrefoutre - ce qui serait sans doute la meilleure réaction que je pourrais avoir - ça me bouffe toujours autant, quoi que je veuille bien en dire.
Et voilà qu'on découvre qu'il mène carrément une double vie depuis quoi, vingt ans ? Un peu moins peut-être, mais à ce niveau-là, ça ne change plus grand chose. Et je me retrouve entre ma mère, qui découvre cette magnifique nouvelle, Nik, notre avocat et ami, qui se retrouve avec un élément supplémentaire au dossier, et de taille, et cette demi-soeur, donc, dont, contre toute attente, je meurs d'envie de savoir davantage. Jo. Installée près de moi, juste derrière Maman, pour le reste du procès, relativement expéditif. En même temps, les dés sont jetés, maintenant que mon très cher père n'a pas pu résister à l'envie de m'en coller une... J'ai laissé Nik et Maman partir, promettant de revenir les voir tous deux très vite, mais pas vraiment désireux de laisser filer tout de suite la rouquine dont je partage le sang.
« Euh… Non… J’ai pris ma journée… »
On est manifestement tous les deux assez embarrassés. Mais je suis quand même assez content qu'elle ne décline pas ma proposition de faire plus ample connaissance.
« Euh… Oui, bien sûr… Mais peut-être pas ici ? »
Il va sans dire que les locaux du tribunal ne sont pas vraiment le meilleur endroit pour découvrir un membre de sa famille caché toutes ces années. Je lui propose donc d'aller prendre un café - ou autre chose - quelque part, on est en centre ville, je ne doute pas qu'on trouve un salon de thé ou un bar quelconque rapidement. Quoi que je ne sais même pas si elle est en âge d'entrer dans un bar, en fait...
Il s'avère rapidement que ça n'est pas le cas, et c'est à la table d'un salon de thé sage qu'on s'installe pour discuter. Des questions, j'en ai douze millions, que je tente de trier pour ne pas non plus la harceler... Son nom, déjà, quel âge elle a, aussi. Ce qu'elle est venue faire ici, puisque manifestement, elle a grandi en France - son accent trompe difficilement. Qui est sa mère, et comment elle supporte la situation, elle, aussi. Et puis ce qu'elle aime faire, ce qu'elle attend de l'avenir. Comme si l'histoire de nos parents n'était qu'un détail. Comme si le sordide de notre rencontre n'avait pas d'importance. J'ai une soeur - demi-soeur, d'accord - et je n'en reviens pas vraiment. Qui aime la musique et l'écriture. Et rêve depuis des lustres de faire ma connaissance. Et aussi étrange que cela puisse paraître, d'autant plus qu'en réalité, malgré notre long échange aujourd'hui, nous ne nous connaissons absolument pas, je me rends compte que plus encore que toutes les personnes de mon entourage, j'ai envie de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'elle ait tout ce dont elle ait besoin. Pour la protéger, aussi... C'est sans doute idiot, mais c'est plus fort que moi. Et le mot famille vient de prendre une dimension toute autre que celle que j'ai toujours connue.