aeipathy

« Pourquoi je les scalpe… pourquoi je perds mon temps à leur arracher leur identité, c’est votre job de deviner »
« Connaître votre motif permettrez de vous éviter une peine de cent dix ans »
« Et si je n’en possède pas, c’est chez les fous que je trouverai refuge »


Les noms sont inscrits, les photos à son regard, les corps démunis de leur peau, ne reste que les tissus inférieurs. A noter, une absence de cœur, un cadeau pour les familles. Le pourri qu’il ne conserve pas. Pas d’envie. Le procès s’étend sur une semaine. Le nom qui fait la une. Ce n’est qu’un jeu de plus pour celui qui s’accorde un sourire aux familles à qui il a volé un membre. Pas de pitié, pas de conscience, pas de regret. Les actes sont assumés. Pourquoi qu’ils demandent encore. Le rire qui répond. La folie qu’il avance, le pion pour éviter les chiens de la prison.

Six ans qu’il habite une cage, là-bas, à l’institut pour les cinglés, les malades, les assassins sans conscience de leurs actes. Des cas intéressants qu’il observe, quelque uns à qui il adresse parfois la parole, mais ce n’est pas assez. Bélisaire craint d’y perdre ses connaissances à côtoyer les imbéciles. Et puis, ce sont des étudiants qui défilent devant lui. Son cas n’est pas résolu, une pièce est manquante. Un motif. Ecorcher par plaisir sadique, ce n’est pas suffisant, c’est en surface. Autre chose. Ils creusent à l’enfance, cherchent à comprendre de quoi il a manqué. Amour des parents. Un orphelin. Familles d’accueil qui se succèdent. Numéro 1 qu’il renvoie. Après, c’est l’accident de sa femme qui est évoqué. Numéro 12 touche une idée intéressante mais elle pleure à quelques remarques salaces. « Je baiserai volontiers ta bouche » Au-revoir. D’autres qui se suivent, et ce sont les mêmes constats, les mêmes jeux. L’ennui. Jusqu’à elle. La téméraire. Juste une gosse. « Un rêve si vous pouviez sortir ? Que ferais-tu ? » Une qui commence par une autre question, une qui prend le temps de discuter. « Une cigarette » L’odeur est imprimée à la nouvelle. C’est de sa faute si il répond quelque chose d’aussi idiot. Le goudron qu’il ne s’est pas enfilé dans les poumons depuis des années. « Accepterais-tu de m’en donner une ? Je promets de te rendre un paquet à ma sortie » Il s’avance aux barreaux. Les mots sont à la certitude que bientôt il sera dehors. Pourtant, la condamnation est pour quarante ans. La mort qu’elle glisse à ses doigts, le contact qu’il prolonge d’un instant, les yeux qui perforent à l’inconnue. C’est l’éphémère du touché qu’il capture. Puis un gardien écarte la petite. Des recommandations, encore. Et lui se permet un sourire, un amusement. « Vous enfreignez les règles, faites attention, vous pourriez devenir ma partenaire de cellule » Plus qu’une envie. Les mots reprennent finalement. C’est à elle qu’il donne le dialogue. « Huit ans c'est long, votre libido en sûrement pris un coup » La réponse est absente. Il dévie à d’autres sujets. Pas l’envie de parler de ça. Pas encore.

« Pense à moi… ce soir » Le clin d’œil comme au-revoir.

Dix ans.
C’est l’évasion.
Nouveau nom. Autre pays.
Et la cigarette qu’il encoche à ses lèvres.

Londres. Le jeu sur le globe. Ici ou là, peu importe. Loin des US. A la bâtisse possédée par la famille égorgée. Les porcs de l’enfance. Son héritage qu’il retrouve. Lui le dernier survivant d’une prétendue boucherie. L’enfant qui a menti, l’enfant qui s’est élevé à l’empire des autres. C’est là-bas qu’il revient. Trois ans maintenant. L’identité nouvelle qu’il a forgée. Oswald Carroll. L’aisance pour acheter le silence. Les papiers à modifier. Professeur. Lui qui enseigne ses propres décadences.