- Papa, pourquoi maman ne vient jamais me voir ? C'est pas très gentil !- Tu sais ma chérie, ta maman t'aime très fort même si elle n'est pas là pour te le dire.- Mais pourquoi elle est pas là ? Elle est partie où ?- Elle est quelque part où elle est très heureuse, d'où elle te regarde tous les jours.Je n'eus pas le temps d'en demander plus, nous étions arrivés à l'école maternelle. Comme tous les jours mon père m'avait pris par la main pour y aller, je ne comprenais pas pourquoi c'était toujours lui qui m'y amenait alors que mes copines venaient avec leurs mamans ou leurs nounous. La mienne n'était jamais là.
- Papa, tu crois que j'aurai une carte d'anniversaire de maman demain ?Ce fut sans doute la question de trop. Nous étions un 4 avril, un jour seulement avant mon anniversaire. Comme tous les ans j'allais courir à la boite aux lettres le lendemain quand le facteur serait enfin passé ... J'espérai toujours une carte de ma maman. J'allais sur mes 8 ans et mon père me racontait toujours que ma mère était quelque part où elle était heureuse mais d'où elle ne pouvait pas m'écrire ou me téléphoner. Petite, inconsciente, je n'en savais rien. Rien du tout. Mais ce jour là mon père craqua. La faute au temps surement, à la pression d'être un père célibataire ou tout simplement parce que j'étais surement en âge de comprendre à présent. Il s'agenouilla devant moi et me serra très fort dans ses bras.
- Ma puce, ta maman est là-haut. Il leva les yeux au ciel. C'est un ange, elle est avec papi maintenant.La mort de mon grand-père paternel m'avait drôlement marqué. Je n'avais pas compris pourquoi il n'était plus là quand j'allais chez ma grand-mère après l'école pour le goûter. Et puis ... Je ne me souviens plus exactement comment mais mon père m'a apprit qu'il était parti pour toujours, qu'il était au ciel maintenant, qu'il était l'une des centaines d'étoiles qui brillait le soir au-dessus de ma fenêtre. C'est ainsi que je compris que ma mère n'était pas exilée à l'autre bout du monde, perdue en pleine jungle comme j'avais pu l'imaginer ... Non. Elle était morte. A la veille de mon huitième anniversaire, je fondis en larmes. Bien sûr comme n'importe quel enfant je demandais "Pourquoi ?", j'aurai sans doute dû me retenir. Mon père m'avoua qu'elle était décédée en me mettant au monde, qu'il y avait eu des complications lors de l'accouchement. Voilà comment à huit ans je me suis mise à me détester, que je pris la décision de ne plus fêter mon anniversaire, que je me sentis coupable ... J'avais tué ma propre mère.
La culpabilité était un fardeau bien trop lourd pour mes frêles épaules de gamine. Disons alors que je fis ma crise d'adolescence bien avant l'heure. Je fus détestable, négligeai mes amis et pestai contre ma famille côté maternelle ceux-ci ayant coupé les ponts dès ma naissance. Sympa la rancœur. J'essayai cependant de faire de mon mieux pour soutenir mon père, le pauvre me voyait m'enfoncer et devait gérer nos soucis financiers. Vous imaginez bien que ce n'était pas tous les jours facile pour un père célibataire de joindre les deux bouts : un seul salaire, un enfant à charge, des crédits sur le dos ... La galère. S'ajouta bientôt à cela des séances régulières chez le psychologue. Dans un premier temps, je refusai d'y aller. Non, je n'étais pas folle, non, je n'avais pas besoin d'aide. Et puis ... Y'a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis comme on dit. Je commençais tout doucement à m'ouvrir mais ce fut long et douloureux. J'étais plutôt solitaire au collège, noyant mon chagrin dans mes devoirs -qui me valait au final le titre de la première de classe-. A l'aube de mon entrée au lycée, j'avais enfin conduis à la défaite certains de mes démons. J'allais mieux, du moins partiellement. J'avais à nouveau ces petites étincelles dans les yeux, une certaine joie de vivre. A croire qu'au final mes séances de psy avaient servi à quelque chose.
Mes années lycée furent plutôt riches en émotion. La cause ? Un beau jeune homme répondant au nom d'Oliver. Il avait suffit d'une sélection pour les équipes de Baseball et de Softball du lycée pour que le charme opère. Les deux élus capitaines réunis comme si cela avait été écrit. J'étais bien, même mieux que bien. Oliver me réapprit à vivre, à être une adolescente comme les autres, que mes blessures faisaient ma force. Il m'avait rendu mon âme. Comme toute petite-amie qui se respecte, je me pomponnais pour lui plaire. Adieu la Mackenzie version garçon manquée (grandir avec un père, ça laisse des traces tout de même), j'étais plus femme, la jeune fille comme les autres en robe, talons et maquillage discret. Bien vite je me perdis dans ce nouveau monde de féminité m'extasiant devant les plus grands tops, les couturiers de renom ... Une nouvelle passion pour moi. Passion que je ne pouvais assouvir dans les magasins, les fins de mois étaient toujours durs d'ailleurs je faisais des petits jobs par-ci par-là pour aider mon père au niveau des finances mais ce n'était jamais suffisant. Du coup, j'appris les joies de la couture, des croquis, des aiguilles plantées dans les doigts à la moindre maladresse ... J'étais plutôt douée. Mais autre chose m'attirait : la psychologie. J'obtenu mon diplôme haut la main toujours en tête de mon lycée. Là, je reçu la grande nouvelle : j'avais obtenu une bourse universitaire pour étudier la psychologie à Fordham, New-York. New-York non de Dieu ! Au-revoir Eugene, au-revoir Papa, au-revoir l'Oregon ... Au-revoir Oliver.
Voilà comment je m'étais retrouvée à New-York à la rentrée suivante. J'étais heureuse certes mais seule. Oliver avait été accepté dans un centre de formation pour les jeunes Baseballeurs en devenir en Californie, mon père était resté dans ma ville natale. Ce fut un nouveau quotidien, un nouveau train de vie, j'appris à vivre en colocation mais je déchantais vite. Au bout d'un mois, d'un seul, je dû me rendre à l'évidence : la psychologie, ce n'était pas pour moi. Comment pouvais-je aider les autres alors que je n'arrivai pas à faire le deuil de ma mère ? A laisser ma culpabilité s'envoler ? C'était impossible. Cependant, à la vue de mes résultats ma réorientation ne fut pas un problème -et heureusement !- c'est ainsi que j'attéris en stylisme. La mode devint mon nouveau milieu de prédilection et selon mes professeurs, j'avais du talent. Au bout de quelques mois, encouragée par Emy Conway -une nouvelle connaissance que j'estimais déjà beaucoup- je me lançai le défis de faire mon propre défilé au sein de mon université. Mon culot paya. Je fus remarquée par la célèbre agence Emilie Harris qui m'offrit un poste de stagiaire styliste. Il ne m'en fallut pas plus pour arrêter mes études et me lancer dans cette nouvelle histoire. Enfin j'entrai dans la cours des grands, moi, Mackenzie Janett Howard petite banlieusarde de la côté Ouest.
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je m'étais remise de ma rupture avec Oliver -la distance rendant la chose trop difficile- et je m'étais faite un nouveau cercle d'amis sur lesquels je pouvais compter à cent pourcent. Mais comme un bonheur ne vient jamais seul ... Stella -l'une de mes colocataires- nous annonça qu'elle partait pour l'autre bout du pays me laissant Carter & moi seuls dans un appartement pour trois. J'avais perdu mon bras droit, Stella et moi étions inséparables, nous travaillions même ensemble chez Emilie Harris, nous partagions tout, chaque instant du jour et de la nuit. & Tel un coup de vent, elle était partie le lendemain. Solitude, amertume, détresse, chagrin ... J'étais seule à nouveau. Carter ne semblait pas me soutenir comme je l'attendais de sa part. Il découchait cinq nuits par semaine sans prévenir et ce, même les soirs que l'on s'était promis de passé ensemble. Lorsque que je fus au plus mal, il m'assegnit le coup de couteau fatal : il partait avec son mec à San Francisco. Bordel. A partir de ce jour là, je fis la connaissance de ma nouvelle meilleure amie : la déprime. J'inventais des excuses à dormir debout à ma patronne pour passer mes journées sous la couette, pathétique. Un soir, mademoiselle Burberry m'invita à sortir. Je ne saurai dire pourquoi mais je me rendis au lieu du rendez-vous. Nous nous incrustâmes dans une soirée des plus huppée où l'alcool coulait à flot ... La drogue aussi. Il m'a suffit d'un joint, d'une ligne et j'étais accro. Voilà comment la Grosse Pomme et les désillusions firent de moi une droguée.
Carter était parti, c’était comme si j’avais perdu une partie de moi, mon bras droit, un battement de cœur sur deux… mon meilleur ami… le frère que je n’avais jamais eu. Comme ça, en un claquement de doigts, du jour au lendemain. Mais en l’espace de quelques heures, quelques petites heures qui m’avaient été si chères, ma première expérience de la poudre blanche annihila tous ces souvenirs. Au-revoir Carter, le trou béat dans ma poitrine, ma souffrance. Inutile donc de faire un dessin du pourquoi du comment j’avais sombré dans les joies des produits illicites en y laissant mon blé… quitte à me mettre sur la paille – du moins plus que je ne l’étais déjà. Je vivais la nuit et dormais le jour. Je ne me pointais plus au bureau, ou peut-être qu’une journée par semaine… et encore.
La descente aux enfers dura plusieurs mois… j’étais devenue une vraie loque, moi la Mackenzie autrefois si pétillante et dynamique, si joyeuse… dire que j’étais l’ombre de moi-même aurait été un euphémisme, car même mon ombre était plus heureuse de vivre. M’enfin. Je ne souhaitais pas que ce cercle vicieux prenne fin puisqu’au final je m’y plaisais bien, mais il faut croire que le destin en avait destiné autrement. Le destin ou plutôt un certain tatoué, un certain Samuel Jered McKelhann, mon sauveur. Un sauveur drogué lui aussi, comme si nous étions prédits pour faire la paire. Nous nous étions retrouvés quelques fois à des soirées pleines de junkies où l’on s’échangeait nos joins tel des gamins qui partagent leur gouter à la maternelle. Et puis un soir… un soir où j’y étais surement allée un peu trop fort dans les doses comparé à d’habitude, je perdis totalement le contrôle de mon petit être décharné. Plus rien. Pas de souvenirs. Le blackout total… Et merde.
Le lendemain matin fut des plus surprenants, je me réveillais en sous-vêtements dans une chambre qui m’était totalement inconnue. Ma tête me faisait un mal de chien bordel… ! Et impossible de trouver mes fringues. Putain. J’enfilais une chemise qui trainait là et partie à la recherche de mon hôte qui se révéla être le McKelhann. Je l’accusais d’avoir abusé de moi avant de comprendre que non, il avait été un gentleman… et puis, et puis… Ne me demandez pas comment mais je finis par l’embrasser avant de filer en courant avec sa chemise sur le dos. Pathétique. PATHÉTIQUE.
Et depuis ce fameux matin où le McKelhann m’avait préparé des petits pains pour le petit déjeuner… je ne pouvais cesser de penser à lui. Bordelius… voilà que je retombais amoureuse, une première depuis… pfiou. Une éternité. Je comptais le recroiser à une de nos petites soirées entre junkies mais il répondait aux abonnés absents, personne n’avait entendu parler de lui depuis quelque temps. Putain. Alors prenant mon courage à deux mains un bon matin, je me décidais d’aller lui rendre sa chemise, son précieux. J’étais encore prête à détaler comme un lapin jusqu’à la dernière seconde… jusqu’à ce qu’il ouvre sa porte et se retrouve face à moi dans un sale état. Mon cœur se brisa, mes jambes s’immobilisèrent et ma conscience bien déterminée à comprendre ce qu’il s’était passé. Accident. Avion. Nouvel an. Rescapé. Putain. Je réalisais que j’avais failli le perdre sans même lui avouer ce que j’avais sur le cœur, et je m’en serai voulu, tellement voulu. J’y remédiais… et la suite de l’histoire fut des plus belles, non, la plus belle enfaite. Parce qu’il était parfait. Absolument parfait. Tout ce dont j’avais rêvé.
A croire que deux junkies étaient plus forts qu’un seul. Avec Sam j’avançais, j’allais mieux, je me détachais de mon addiction si prononcée autrefois… Il me faisait un bien fou. Je reprenais le boulot petit à petit également, redoublant d’effort après avoir été à deux doigts de me faire foutre à la porte. Voilà. Ne parlons pas non plus du voyage surprise en Crète qu’il m’avait offert… en CRETE à MOI, moi qui n’avait jamais quitté le sol Américain. Des vacances de rêve avec l’homme de mes rêves… quoi demander de plus ? Je dirais rien, mais c’était nous sous-estimer. Là-bas, en Europe, à des kilomètres de chez nous, nous décidions d’emménager ensemble dès notre retour.
La vie avec Sam était des plus belles. Il était des plus attentionnés, des plus adorables, des plus aimants… et j’en passe. J’étais, et je suis, tout bonnement la femme la plus heureuse au monde. D’autant plus que tout me réussissait dernièrement… ma vie privée… et mon boulot ! J’avais définitivement remis le pied à l’étrier et repris mon panache de styliste autrefois gâchée par mon ancienne amie la poudre blanche. L’annonce de ma promotion fut tout simplement la cerise sur le gâteau à mon bonheur. Je passais du statut de simple stagiaire à styliste. Et le meilleur était à venir… La célèbre agence Américaine Emilie Harris Fashion Design ouvrait ses bureaux Londoniens avec l’ambition de conquérir les dressings des Européennes, et l’on me proposa de faire partie du voyage. Un honneur. Mais hors de question de partir sans Sam, ou même de le quitter. Si lui voulait rester à New-York alors je resterai. Mais non… encore une fois il avait été des plus parfaits.
Les cartons à refaire, un avion à prendre, l’Atlantique à traverser et… Hello London !