Veronika Hepburn ♦ You can't leave this world behind !

Elle avait le contrôle d'absolument tout.
Chaque phrase qu'elle prononçait était calculée à la virgule près.
Chaque geste qu'elle esquissait était mesuré au centimètre près.
Chaque aliment qu'elle mangeait était consommé avec le nombre précis de calories qui l'accompagnait en tête.
Chaque chose qu'elle faisait, elle le contrôlait. Tout du moins, dans son monde.

Veronika était une une mordue de l'ordre. Tout était carré, clair et concis dans sa tête. Mais les autres venaient gâcher cette parfaite harmonie. Alors, Veronika contournait l'obligation sociale. Elle se retirait à la société, et ajustait son monde à ses envies. Rien n'était plus savoureusement parfait que lorsqu'elle était seule avec elle-même, à envisager les mensonges qu'elle pourrait servir à ses colocataires pour excuser son manque d'appétit ce soir-là, ou la raison pour laquelle les cernes sous ses yeux commençaient à dévorer son visage.

Elle était le maître du monde à 18 ans, et cela avait quelque chose de terriblement gratifiant.

Cependant, son monde commençait à se dégrader. Ses chutes de tension ne passaient plus inaperçues et on murmurait sur son passage. Elle était bizarre, imprévisible, toujours le nez plongé dans ses bouquins de biologie, l'air de celle qui sait et qui ne doute plus. Mais dans sa tête, les questions ont toujours fusé de toute part. Elle n'en avait cure. Cependant, elle se transformait lentement en squelette, puis en fantôme, hantant les couloirs de son université sans poser un regard sur ses confrères humains. Elle avait le contrôle, mais quelque chose n'allait pas. Elle ne comprenait pas.

Veronika fit un court séjour à l'hôpital. Ou plutôt : on la força à séjourner à l'hôpital. Elle était trop maigre, elle risquait de mourir. Elle ne saisissait pas comment de pareilles inepties avaient pu effleurer l'esprit de ses proches. Elle n'était plus le maître du monde, même plus le maître d'elle-même. Elle comprit que son monde avait implosé. Elle devait se reconstruire.

Elle devint plus ouverte, plus rieuse, elle se lança dans des études de biologie qui la passionnèrent. Et désormais, elle est la Veronika qu'on connaît, un sourire ironique constamment accroché aux lèvres et une remarque acerbe toujours dans la poche.