“In three words I can sum up everything I've learned about life: it goes on.”
― Robert Frost
Il était temps de se resociabiliser. Un soupir s’échappa de ses lèvres pendant qu’elle observait son reflet dans un miroir. Aucun de ses sourires n’étaient convaincants, ils paraissaient fatigués, à la limite du faux et pourtant, elle se devait bien d’en réussir au moins un si elle ne voulait pas alarmer Ilijah. Lassée, elle se laissa tomber sur le lit. Elle ne se rappelait pas que paraître de bonne humeur était aussi épuisant, tout semblait si facile avant. Non, non et non ! Elle se releva brusquement, pleine d’entrain. Il était hors de question qu’elle se laisse encore aller, elle s’était laissée du temps pour se remettre de son deuil ou quelque chose qui y ressemblait plus ou moins, c’était fini maintenant, elle se devait de reprendre le poil de la bête. Et comme pour la soutenir, Sparkle émit un gémissement avant de s’allonger à ses pieds. Ces derniers temps, bien qu’elle déprimait, le jeune labrador chocolat lui avait permis de penser à autre chose, il était si mignon et en même temps, de ne pas se sentir trop seule lorsqu’Austin ou Rosa n’étaient pas là. Donc au final, sa compagnie depuis le soir du bal se résumait à Austin, Rosa et Sparkle, bien assez pour qu’elle n’ai pas eu envie de se tailler les veines. Elle n’était pas encore assez désespérée pour arriver à de telles extrémités, enfin… Elle resserra son gilet de mailles par réflexe. Elle ne pouvait pas le refermer, ça paraîtrait louche dans un bar chauffé et en même temps, ne pas le mettre serait une erreur. Doucement, elle retira le tissu et analysa la chose, juste au dessus de sa poitrine, du côté gauche. Les plaies s’étaient ré-ouvertes, sans doute pendant la nuit. Rosa avait raison, ces griffures faisaient peurs et si elle n’arrêtait pas de se mutiler dans son sommeil, elle risquerait d’en garder des cicatrices. Cachant à nouveau ses blessures, elle attrapa Sparkle pour lui faire un bisou sur la truffe. Elle ne voulait pas le laisser seul à cause de son âge alors elle le confia à la voisine qui avait un jack russel, lui aussi se devait d’être sociable.
Avant de partir, elle laissa un mot pour Austin histoire qu’il ne cherche pas son corps en bas de l’immeuble ou qu’il appelle la police. Elle avait conscience qu’elle représentait une source de tourments pour lui alors si elle le pouvait, elle préférait lui éviter une crise cardiaque. Le soir du bal, il l’avait sauvée d’une crise d’angoisse en l’amenant chez lui et depuis, elle n’avait pas quitté son domicile. Leur relation avait toujours été étrange, très compliquée allant de l’entente parfaite jusqu’à la dispute la plus chaotique. Elle l’avait toujours considéré comme un personnage arrogant et narcissique, gentil lorsqu’il le voulait mais incroyablement narcissique. Le voir prendre soin d’elle lui permettait de découvrir une nouvelle facette de lui très agréable. Elle lui était reconnaissante, elle n’oublierait jamais.
Son manteau par dessus le gilet, elle s’engouffra à l’arrière de la voiture où son chauffeur personnel lui adressa un sourire franc avant de lui souhaiter les meilleurs voeux pour cette année. Sa bienveillance la toucha, elle se surprit à lui rendre son sourire d’un naturel qu’elle ne se croyait plus capable de montrer. La vie ne s’arrêtait pas à lui ou à leur rupture, bien au contraire. Le chemin lui parut étrangement rapide, parler de tout et de rien faisait du bien.
Arrivée devant l’endroit de rendez-vous, elle entra à l’intérieur, entourée d’un groupe d’hommes la surpassant en taille. Elle fut entraînée malgré elle au coeur de la salle, lorsqu’elle pu enfin sortir du flux, elle repéra un visage familier. Ses lèvres se détendirent. A pas de loup, elle s’approcha par derrière et au moment où il s’apprêtait à se tourner, elle recouvrit ses yeux de ses mains. Le voisin d’à côté comprit le manège et demanda à sa place d’une voix grave
“Qui c’est ?” Sa petite farce l’amusait. Près de lui, son coeur semblait à nouveau battre normalement comme entouré d’une aura protectrice. Malicieusement, elle se pencha et déposa un baiser sur sa joue.