if you play with fire, you're gonna get burned. (robbie)

Premier jour à la grande école, ce jour si important il l'affronte tout seul, parce que leur mère n'a pas daigné sortir du lit pour les emmener à l'école, comme toujours. Son frère lui a bien tenu la main sur tout le trajet, mais il a disparu rejoindre ses copains dès qu'ils ont dépassé les grilles de l'établissement. Ce n'est pas très rassuré qu'il rejoint les autres élèves, quand on appelle son niveau. Il se range à côté d'une petite fille, un peu trop sérieuse à son goût, bien habillée, bien coiffée, le prototype de la petite fille sage et bien élevée. Lui c'est tout le contraire, ses fringues ont été portées par son frère avant lui, le logo du T-shirt est effacé tellement celui-ci a été lavé, il a un trou dans ses cheveux parce que sa sœur a loupé sa coupe en voulant éviter un frisbee qui volait dans le salon. Même son cartable n'est pas neuf, les gens du quartier leur font souvent la charité et leur refile parfois des trucs qui peuvent servir. Par chance la maîtresse choisit de les placer, au moins il aura moins de chance de se retrouver avec la fille trop sage. « Robbie Callaghan ? ». Au lieu de lui désigner tout de suite sa place comme avec les autres, l'enseignante s'arrête pour le dévisager et il s'attend presque à ce qui va suivre. « Callaghan ça a un rapport avec... ? ». Elle fait mine de chercher les prénoms de son frère et de sa sœur, mais Robbie préfère la couper tout de suite, en espérant qu'elle n'en rajoute pas davantage. « Ouais. ». Ce n'est pas toujours évident de deviner qu'ils sont de la même famille tous, n'ayant que les traits de leur mère en commun. Puis, il sait déjà que son frère et sa sœur ont déjà eu cette enseignante, ils lui ont déjà tout raconter à la maison, allant jusqu'à lui faire croire qu'elle était diabolique et qu'elle risquait de le punir à coup de règles sur les doigts. « Y'en a encore beaucoup derrière ? ». Sous son rire faussement bienveillant, on peut facilement sentir le dédain que lui inspire cette famille. « Ouais. ». C'est à peine s'il desserre les dents pour lui répondre, il est soulagé quand elle lui indique finalement sa place et qu'il peut se dégager de son regard moraliste. La famille Callaghan ne lui avait pas laissé que de bons souvenirs et les choses n'allaient pas aller en s'améliorant.


Après avoir traîné dehors avec ses potes, Robbie rentre finalement chez lui en début de soirée, il aurait probablement dû faire ses devoirs ou réviser ses leçons, mais personne n'est là pour vérifier ses allées et venues. La cuisine est vide quand il passe devant et aucune odeur ne semble en sortir. Sa mère est affalée sur le canapé à regarder des émissions stupides à la télévision, les cendres de sa cigarette menaçant de tomber par terre à chaque instant. Au moins elle est sortie de son lit aujourd'hui, voilà ce qu'il se dit. Robbie rejoint la chambre qu'il partage avec deux de ses frères, s'apprêtant à rejoindre la partie de jeux-vidéos qu'ils ont entamé, lorsqu'il sent une pression sur son T-shirt. En baissant les yeux, il découvre sa petite sœur, ours en peluche en mains. « Robbie j'ai faim. ». Face à ses yeux là il ne peut pas résister, il s'est improvisé cuisinier de la famille depuis que les phases de déprime de leur mère sont devenues quasi permanentes. Les plus grands se débrouillent toujours pour manger, mais pour les plus petits c'est une autre histoire. Alors, même s'il a envie de tout faire sauf ça, il part inspecter la cuisine pour constater qu'ils n'ont que des pâtes ou du riz dans leur placard. Son choix se porte sur les pâtes, en farfouillant dans le frigo il trouve quelques tranches de jambon qui traînent pour égayer un peu ce plat si banal. « À table !!!!!!! ». Jamais les enfants Callaghan ne se regroupent aussi vite que lorsqu'il s'agit de manger. « Encore des pâtes ! ». Voilà son petit frère qui commence déjà à se plaindre, mais il ne peut pas vraiment lui reprocher. Personne n'aime manger des pâtes pour le troisième soir de suite, mais ils n'ont pas vraiment le choix. « C'est ça ou rien, on sera ravie de manger ta part. ». Au moins, son frère a la présence d'esprit de ne rien rétorquer et les conversations reprennent tranquillement autour de la table. « J'ai ma paye demain, j'irai faire des courses ! ». Robbie se contente de lever le pouce en direction de sa grande sœur, s'ils attendaient après leur mère, ils risquaient de manger des pâtes pendant un long moment. Avec un parent pareil, on apprend vite la débrouille.


La fatigue peut se lire sur son visage quand il pénètre dans la maison Callaghan. Les joies d'avoir enchaîné deux gardes de nuit. La maison semble calme et vide, jusqu'à ce qu'il tombe sur sa mère fixant pensivement sa tasse de thé dans la cuisine. « Salut, je vais me coucher ! ». Elle daigne finalement levée les yeux vers lui, elle semble aussi fatiguée que lui, alors qu'elle n'a probablement rien fait d'autre que dormir depuis la dernière fois qu'il l'a vu. « Faut que t'ailles chercher ton frère ! ». Il jette un regard vers l'horloge de la cuisine et lance un regard interrogateur, si son frère a déjà réussi à se faire virer du lycée à neuf heures du matin, il allait passer un mauvais moment. « Au commissariat. ». Elle lui dit ça comme si de rien était, sans plus d'explications. En une nuit, son frère avait réussi à se faire arrêter et sa mère ne semblait même pas contrarier ou même s'en soucier. Il sent la colère montée en lui, mais ça ne sert à rien de poser plus de questions, sa mère n'a probablement pas pris la peine d'écouter ce qu'on lui racontait ou même posait des questions. Sans rien dire, complètement résigné, il s'empare des clefs de voiture de sa mère. Sur le chemin il a le temps de fumer plusieurs cigarettes, mais même sa musique préférée à la radio n'arrive pas à calmer ses nerfs. Par chance, il tombe sur des policiers à qui il a déjà eu à faire dans le cadre de son travail et qui se montrent compréhensifs. Seulement, l'un d'eux ne peut s'empêcher de lui faire une remarque. « Vous feriez mieux de surveiller votre frère au lieu de le laisser traîner la nuit ! ». Tous les scénarios possibles pour l'étriper lui passent en tête, mais pourtant il se contente d'hocher la tête et de promettre de faire la morale à son frère. Jusqu'à ce qu'ils aient atteint la voiture, Robbie ne décroche pas un mot. Il s'allume une nouvelle cigarette avant de reprendre la route. « File une clope ste plait, ils ont fait les crevards ! ». Robbie garde les yeux sur la route et sa main sur le volant, même s'il rêverait de foutre une claque derrière la tête à son frère. « Rêve. ». Son portable vibre dans sa poche et il se rappelle soudain les quatre appels en absence d'Hazel qu'il avait vu sur son écran à la fin de sa garde. Il faudra qu'il pense à la rappeler quand il aura réglé cette histoire avec son frère. « Qu'est-ce qui t'arrive ? T'as pas réussi à sauver un chat ? ». L'envie de freiner violemment pour que son frère s'encastre dans le pare-brise est forte, mais il n'en fait rien. Il n'a même pas la force de rappeler à ce petit con de mettre sa ceinture, ni lui faire remarquer que les pompiers ont autres choses à faire que d'aider les chats à descendre des arbres. « Ta gueule ! ». Heureusement la circulation n'est pas horrible aujourd'hui sinon ça aurait été le pompon. Il aurait probablement laissé son frère sur le bas de la route et le laisser se débrouiller. « Tu vas où là ? ». Son frère n'était pas forcément le plus futé, il venait seulement de se rendre compte que Robbie avait pris la route du lycée et pas de la maison. « Je te dépose au lycée, là où tu es censé être. Je te fais confiance pour être créatif pour justifier ton retard. ». Robbie n'a aucune envie de lui faire de cadeau, s'il fait des conneries autant qu'il les assume. Il est déjà bien gentil d'être venu le chercher et de ne pas l'avoir laissé croupir au commissariat pour quelques heures de plus. « Mais j'ai pas dormi... ». Robbie rigole, parce que c'est bien le dernier de ses soucis, son frère pourra toujours dormir en classe comme il en a si souvent l'habitude. « Allez dégage ! ». C'est limite s'il ne le pousse pas à coup de pied en dehors de la voiture. Une fois seule, il en profite pour écouter ses messages et est un peu anxieux en entendant qu'Hazel veut lui parler d'urgence. Sachant ça, il est incapable d'attendre d'avoir dormi pour savoir ce qu'elle a à lui dire. Alors, il prend la route pour rejoindre Hazel sans se douter que le choix le plus dur de sa vie l'attend.


Il n'y avait pas un jour où Robbie ne regrettait pas sa décision. Celle d'avoir laissé tomber Hazel quand elle lui avait annoncé être enceinte, elle voulait le garder, lui pas. À l'époque sa vie était déjà assez chaotique avec sa famille, ramener un gamin dans l'équation n'aurait pas été un cadeau pour son enfant. Enfin c'était ce qu'il croyait être la bonne décision en tout cas, pourtant plus de sept ans plus tard, il en était toujours réduit à se demander si elle avait eu une fille ou un garçon. Le plus souvent il se visualisait une petite fille, une mini-hazel. Le plus frustrant c'est qu'il n'avait personne à qui en parler, il n'avait osé parler à personne de la raison de sa rupture avec Hazel, même pas à sa famille. Il avait expliqué sa rupture soudaine en racontant qu'il avait rencontré quelqu'un d'autre, tout le monde avait paru surpris, ayant constaté que Robbie était complètement sous le charme de la jeune femme, mais personne n'avait osé poser plus de questions que ça. Alors, quand son chef lui annonce qu'il fera partie de ceux qui feront visiter la caserne à une classe d'enfants, son avis est partagé. D'un côté, il aime l'enthousiasme des enfants, mais de l'autre ça lui faisait toujours penser à son enfant qu'il n'avait jamais connu. Les gamins sont bourrés de question et s'agite dans tous les sens quand ils ont l'opportunité d'essayer l'équipement des pompiers, sauf un qui reste toujours un peu à l'écart ne s'intéressant pas du tout à la visite. Profitant que l'attention des autres soit sur son collègue, Robbie se dirige vers le garçon récalcitrant pour découvrir ce qui ne va pas. « Les camions c'est pas ton truc ? ». Robbie essaye d'engager la conversation comme il peut, les enfants ne sont pas toujours facile à comprendre. « J'aime pas les pompiers. ». La voix du petit garçon n'était pas rempli de venin comme on pouvait s'y attendre, il donnait juste une information expliquant son comportement. Son expression n'avait pas changé, toujours désintéresse. « Outch. Une raison particulière ? ». Il est vraiment curieux de savoir et de peut-être réussir à le faire changer d'avis. Puis, il y avait quelque chose chez ce gamin, un je-ne-sais quoi qu'il ne pouvait expliquer. « Mon papa est pompier. ». Robbie a envie de rire devant la désinvolture avec laquelle il dit ça, mais se retient pensant que ce père ne doit pas être le meilleur du monde pour que son fils le déteste à ce point. « C'est qui ? ». Le monde des pompiers est grand à Londres, mais peut-être qu'il le connaît de près ou de loin, il prie pour que ce ne soit pas quelqu'un avec qui il travaille, parce qu'il aurait bien du mal à ne pas faire une remarque sur la façon de s'occuper d'un enfant. « Je sais pas, il voulait pas être mon papa. ». C'est sa manière de hausser les épaules qui le fait réagir, parce qu'il lui fait penser à Hazel, mais il a des yeux clairs, les mêmes yeux que Robbie. Quand il y regarde mieux, la ressemblance entre lui et le petit garçon est frappante. Toutefois, il ne veut pas s'emballer, combien de fois il s'était imaginé croiser son enfant avant de réaliser qu'il se faisait des films. Son cœur bat la chamade quand il décide d'en avoir la confirmation, de savoir si une nouvelle fois il se fait des films. Pourtant tout colle, l'âge, la situation, l'air de famille. « C'est quoi ton nom ? ». Enfin un sourire se fraye un chemin sur le visage du petit garçon. « Rose, Jacob Rose. ». Le petit ricane tout content de son imitation de James Bond, mais Robbie a dû blêmir d'un coup en obtenant la confirmation de ce qu'il suspectait. Après tout ce temps à le chercher, il était enfin face à son fils et il n'avait aucune intention de laisser filer sa chance cette fois. Il n'a aucune idée de comment entamer une relation avec le petit ou même de comment Hazel va le recevoir, mais il est prêt à tout pour avoir ce petit bonhomme dans sa vie et qui sait peut-être devenir son père.