Wait a second, when you say "on the line", you wanna say "online" ?

« Hé Clarke, attrape ! » C'est avec un choc sourd que le ballon de foot cogne avec force dans la tête de May, faisant tomber sa paire de lunettes par terre ainsi que son smartphone que la rouquine tenait dans les mains, le nez scotché à l'écran. Elle pousse un juron et regarde dans la direction d'où venait l'objet l'ayant percuté de plein fouet. Ses yeux se posent sur Aaron Winter, le fils du proviseur, en train de rire aux éclats, entouré de ses potes aussi cons que lui. Ce garçon si détesté par Clarke, possédant tous les défauts qu'elle ne peut supporter, et qui pourtant, sont les mêmes que les siens. Toujours aussi fier et toujours aussi stupide, Aaron semble se féliciter intérieurement de son action. Les cours de sport sont ses préférés, premièrement parce que c'est sa discipline, et deuxièmement, parce qu'il peut dégommer qui il veux avec le balle ou le ballon. Aujourd'hui, c'est sa cible préféré qui a été visée : la nerd du fond de la classe, calculatrice et froide, ne participant pas au cours d'activité sportive, choisissant de s'isoler dans un coin du terrain pour pianoter sur son portable. Pas étonnant, vu que Clarke et Aaron se détestent au plus haut point, et ce, depuis la maternelle. La haine qui les unis reste toujours la même, les suivant au fil des années, s'accroissant de plus en plus, alors que les deux jeunes gens grandissent. May se relève en ayant ramassé ses Ray-Ban et lui lance un regard glacial. Pas la peine de lui courir derrière pour lui foutre une gifle ou encore de tenter de lui prendre son ballon pour lui rendre la pareil. Chétive et mince, l'activité physique n'est pas faite pour May. C'est simple : elle n'a jamais fait de sport de toute sa vie. Petite, alors que ses frères s'amusaient dans le jardin, s'adonnant à différents jeux et bêtises, elle penchait plutôt à lire des livres ou tenter de démonter son ordinateur pour en savoir le fonctionnement, sans jamais réussir à le remonter correctement. Durant toute sa scolarité, elle ne participait pas aux cours d'E.P.S., trop périlleux pour elle. Mais ce jour là, c'est presque terminé. Nous sommes en avril, et bientôt, May va quitter le lycée, sa ville, son pays, pour intégrer une autre école, loin de tout, loin d'Aaron, des filles stupides de sa classe et loin de sa famille. Cela ne la dérange pas plus que ça, au contraire. C'est une période de renouveau qui s'annonce, pour son plus grand bonheur. « Bravo, Aaron. Tu te sens puissant après ça ? » lance Clarke en s'efforçant de penser aux prochains mois qui arrivent, pour ne pas s'emporter, en même temps que le coup de sifflet du professeur. C'est en regardant Winter s'arrêter de rire bêtement et lui tourner le dos pour aller sur la touche qu'elle se dirige elle aussi sur un banc, s'affalant de tout son maigre poids dessus, sans lâcher son cellulaire.


« Viens par là, ma chérie », lance la mère de Clarke à sa fille, parmi le brouhaha de la foule dans l'aéroport. Elle l'attire vers elle et la serre dans ses bras. Avec un soupire, May se laisse faire, sachant qu'il ne sert à rien de se débattre, tant la poigne de sa génitrice est forte. Aujourd'hui, elle pars. Aujourd'hui, elle a la chance de quitter son pays où il fait toujours froid, son village de pêcheur  et sa petite maison familiale au bord de la Mer du Nord, pour se rendre dans une grande ville, une capitale qui plus est, se construire un avenir. Pour Clarke, c'est l'occasion rêvée de partir. Elle n'aura pas une autre opportunité comme celle-là. Dans son village, il est tellement rare de voir des gens  quitter le pays que la moitié de la petite population de la bourgade la plus proche de Fredrikshamn a fait le déplacement. Certains n'avaient surement jamais vu un aéroport. Les anciens sont presque tous présent, tout comme presque les jeunes. Beaucoup de personnes de la classe de Clarke sont présentes, même Aaron. D'ailleurs, elle se demande pourquoi il est là, mais se garde bien d'aller lui demander. Bientôt, il ne sera plus qu'un lointain souvenir, tout comme les reste. Quand la maman de May la lâche enfin, une larme coule le long de sa joue, et sa fille lui dit d'un ton pathétique : « Arrête M'man, c'est stupide. Je reste quand même sur le continent Européen . » Sa mère ne relève pas. Elle a tellement l'habitude d'entendre sa benjamine parler d'une telle façon qu'elle n'y fait plus attention depuis longtemps. Son mari n'est pas là. Il n'a pas tenu à venir. Lui et sa fille ne se parle plus depuis plusieurs années. Elle ne sait même pas s'il est au courant que sa seule fille part pour l'Angleterre en ce moment même. Clarke ne doit pas l'avoir averti. Celle-ci embrasse ses frères, le départ étant imminent. Bien qu'elle n'ait jamais été proche d'eux comme elle l'aurait du l'être, elle tiens à leur dire au revoir. Une fois les adieux faits, May n'ayant aucunement l'émotion de tristesse se dessinant sur son visage comme sur la plupart des gens présents, elle salut de la main la trentaine de personne ayant fait le déplacement juste pour voir quelqu'un de leur bled paumé partir vivre ailleurs. Ses yeux se pose brièvement sur Aaron, qui était en train de la regarder avec des yeux mauvais. Elle lui lance un sourire carnassier puis lui tourne le dos, comme à l'assemblée. Son avion va bientôt partir, pas question d'être en retard. Sa valise roulant derrière elle,  Clarke ne se retourne pas. Et pour rien au monde elle ne le ferait.


Cela fait deux jours que Clarke a quitté son pays natal pour cette ville qui ne dors presque jamais. A peine deux jours, et May se sent comme chez elle, comme si elle n'avait jamais habité ailleurs, comme si elle était née ici. Et pourtant. Elle ne ressent aucun manque, vis-à-vis de ce qui est maintenant son ancienne vie et qui paraît si lointaine. Aujourd'hui, Clarke est allée valider son inscription à l'université de Londres chez qui elle a été acceptée pour faire ses études d'informatique. Son petit appartement Londonien est dorénavant à elle, et pour se rendre à son université, elle prendra le bus, moyen simple, rapide et efficace. Pour gagner un peu d'argent et lui permettre de tenir un rythme de vie correct, May s'est déjà trouvé un petit boulot en tant que babysitter, grâce à sa nouvelle voisine et ses relations. Tout est parfait. Absolument parfait. C'est une nouvelle vie qui commence pour May. Et elle ne compte pas la gaspiller comme celle d'avant, cette fois.