some people think that to be strong is to never feel pain. in reality, the strongest people are the ones who feel it, accept it, and learn and grow from it. ✻✻✻
« Scar, dépêche-toi, on va être en retard. » lançai-je doucement à la porte de notre salle de bain avant de poser les mains sur les roues de mon fauteuil et reculer avec lenteur. Je balayai le salon du regard, tout en esquissant l’ébauche d’un sourire sur mes lèvres. J’entendais ma sœur s’afférer dans la pièce voisine, sans doute en train de se battre avec son mascara ou sa brosse à dent ; cependant, le reste de notre appartement était vide. Notre demi-frère était parti roder ailleurs. Aucune d’entre nous n’avait de visiteurs, d’invités. Notre environnement tout entier paraissait calme et paisible, contrastant avec le rythme effréné qu’avait connu notre quotidien ces derniers jours. J’avais passé mon temps perdue entre la rééducation, les entrainements et mes horaires de babysitting ; je n’avais pas eu le temps de réellement voir Lior, ni même qui que ce soit d’autre en dehors de ma sœur et de mon demi-frère. Pour la première fois depuis quelques mois, j’avais eu une réelle vie. Un réel quotidien. J’avais été attendue ailleurs, eus des excuses pour sortir de chez moi, dus faire une centaine de choses sans avoir suffisamment d’heures pour tout faire. Je n’avais pas attendu que le temps passe, non. Il s’était écoulé tout seul, indépendamment de ma volonté.
Cela avait été comme si j’avais été moi-même différente, quelque part.
Je poussai un soupir serein, les mains posées sur mes cuisses. C’était comme une trêve au sein même de cette vie qui filait entre mes doigts sans que je ne parvienne à m’en rendre compte. J’étais heureuse de voir ma mère, oui ; je supportais mal la distance depuis l’accident, depuis l’instant où j’avais cessé d’être réellement indépendante. Je supportais mal de la savoir loin de moi, loin de nous. J’avais l’impression d’avoir eu le temps de vivre une existence entière depuis la dernière fois que j’avais bien pu la prendre dans mes bras. Cependant, je ne parvenais pas à être complètement paisible non plus ; je ne cessais de me demander
pourquoi elle nous avait demandé de la retrouver à une adresse qui nous était inconnue, au sein même de Londres. Par respect pour elle, je n’avais fait aucune recherche. Et, pourtant, cela m’avait démangé les mains, ne serait-ce que pour apaiser mes tensions intérieures.
Ma sœur finit par sortir de la salle de bain et je lui offris un sourire.
« C’est pas trop tôt. » marmonnai-je d’une voix faussement grinçante.
« Allez, il faut qu’on y aille. » J’attendis qu’elle attrape ses affaires avant d’ouvrir la porte d’entrée, sortant, Scarlet me suivant de près. J’appelai l’ascenseur lorsqu’elle ferma la porte à clef et nous descendîmes au rez-de-chaussée, avant de sortir de notre immeuble.
Nous nous élançâmes dans les rues de Londres côte à côte. Nous nous étions mises d’accord sur le fait que nous profiterions de la proximité de l’adresse pour y aller à pieds ; je n’étais pas prête, psychologiquement, à endurer un trajet de métro sous le regard d’une centaine d’inconnus mal à l’aise avec ma condition, et Scarlet refusait catégoriquement de mettre un pied dans un bus, ou quel que soit d’autre le véhicule. Le vent balayait mon visage à mesure que nous avancions ; je frissonnai avant de remonter le col de mon manteau, et je cachai l’intégralité de mon visage sous la laine réconfortante de mon écharpe. Nous parcourûmes plusieurs rues avant de finalement nous arrêter devant un immeuble, et entrer à l’intérieur en suivant les instructions de notre mère sur les différents codes d’accès.
Nous prîmes l’ascenseur pour rejoindre son étage et, lorsque nous finîmes par frapper à la porte, j’entendis presque instantanément les cris allègres de Liam de l’autre côté. Je ne pus m’empêcher de sourire, tandis que notre petit frère ouvrait la porte d’entrée ; aussitôt, il nous accueillit avec le plus beau des sourires et entreprit de grimper sur mes jambes comme à son habitude. Mes bras se refermèrent autour de son corps miniature et je le serrais forte contre moi.
« Salut, bonhomme. » lui lançai-je avec entrain avant de lever les yeux vers Scarlet, un sourire aux lèvres.
« Qu’est-ce que tu as grandi ! » Mes doigts vinrent chatouiller son ventre avec douceur et il se mit à rire tout en protestant ; ce fût à ce moment-là que notre mère apparut dans notre champ de vision.
« Les plus belles ! » s’exclama-t-elle en allant serrer Scarlet dans ses bras.
« Tu vas dire bonjour à Scar ? » murmurai-je à l’oreille de Liam lorsque notre mère se tourna dans ma direction. Il descendit de mes genoux pour se tourner vers ma sœur jumelle, et elle se pencha finalement vers moi pour me serrer contre elle et m’embrasser.
« Vous m’avez manqué ! » nous déclara-t-elle en nous invitant à l’intérieur. Je laissais Scarlet passer la première avec Liam, et je fermai la marche en entrant dans l’appartement à mon tour.
« Tu nous as manqué aussi, maman. » lui répondis-je en balayant l’endroit d’un œil inquiditeur.
Tout laissait sous-entendre qu’elle s’installait dans cet espace. Je reconnaissais certains meubles. Certains cadres photos. Je voyais quelques jouets de Liam trainer dans le salon. Je fronçai doucement les sourcils en retirant mon écharpe, puis mon bonnet, ébouriffant mes cheveux pour qu’ils puissent retrouver un semblant de volume.
« Voilà, je vous présente notre nouveau chez nous ! » finit par déclarer maman, confirmant ce que je m’imaginais. Je ne pus contenir ma surprise. Ma tête se tourna automatiquement vers elle dans l’attente de précisions ; cependant, elle n’ajouta rien. Rien du tout.
« Vous partez de Cardiff ? » finis-je par demander. J’étais à la fois satisfaite et suspicieuse. Et, comme bien souvent, je ne parvins pas à faire le tri de mes émotions.
« Comment ça se fait ? » Un pli barrait mon front tandis que je me débattais pour retirer mon manteau ; j’observai avec attention l’expression de notre mère, tandis que Liam tournait autour de nous en quête d’attention.
Mais je ne parvenais qu’à me poser des questions.
Encore et encore.