Un jeudi soir entre filles, ft. Jezabel.

Carole se faisait peu à peu à sa nouvelle indépendance. Sur Londres depuis maintenant quelques semaines, le jeune top commençait à prendre ses repères et apprendre à aimer cette capitale. Paris lui manquait parfois, ou plutôt les gens qui s’y trouvaient, mais ce n’était qu’une question de temps pour que la belle retisse un réseau d’ami à la sauce british. Chez Storm, où elle avait signé son nouveau contrat, on lui avait attribué une sorte de marraine pour son intégration dans l’agence. Au début, Carole avait clairement détesté l’idée. Une marraine ? Elle connaissait son métier, elle l’exerçait depuis ses 15 ans. Puis en poussant un peu plus loin sa jugeote, elle avait compris que c’était surtout un moyen de lui donner une première attache sociale dans sa ville d’adoption. Donc pour une fois, elle s’était contenue et n’avait essayé de donner une bonne impression du mieux qu’elle pouvait. En évitant d’être méprisante à l’égard de sa marraine en somme.

Jezabel était une fille sympathique, avec qui Carole s’était très bien entendue dès leur première rencontre. Peut-être par faute de choix, elles se seraient rencontrées à Paris, elles ne se seraient peut-être pas entendues. Même si sa compagnie était agréable, Carole ne perdait pas de vue que Jezabel était non seulement sa collègue, mais aussi sa concurrente. Avec un esprit toujours très compétitif et méfiant, elle ne pouvait décemment pas se laisser aller au maximum et risquer de montrer des faiblesses qui pourraient servir à sa marraine pour lui voler un futur contrat.

Un jeudi soir pluvieux accueillait la soirée qu’elle et son « amie » avaient programmée. Carole s’était vêtue d’une simple combinaison, elle ne voulait pas trop en faire pour sortir un jeudi soir. Même si elles allaient dans un bar branché, ce qui était tout à fait logique puisque Carole préférait se crever les yeux que de se mêler aux masses dans un pub sordide. Quittant son appartement, le jeune top était déjà au téléphone avec le chauffeur de taxi qui lui demandait de se presser. Voilà, il lui en fallait peu pour être excédée et elle espérait que deux-trois mojitos lui feraient oublier cet agacement. Dans le taxi qui la conduisait de Hammersmith au centre de Londres, plus précisément au Nightjar. Carole envoya un sms à Jezabel pour la prévenir de son arrivée : « Je suis là dans 2 min, j’espère que tu ne vas pas me laisser poireauter trop longtemps seule. Bise ». Elle descendit de la voiture, qui l’avait déposé pile devant le bar, ses cheveux ondulés était un peu humide à cause des quelques gouttes de pluie qui se déversaient sur Londres sous forme de vapeur d’eau.

Carole attendait sa marraine, légèrement abritée par la devanture d’une boutique. Elle avait horreur de ça. Pas attendre à l’abri d’un magasin, mais attendre tout simplement. Elle avait l’habitude que ce soit elle qui fasse attendre les gens. Puis comme elle n’était pas un laidron, qu’elle était même une jolie fille -sans ça elle ne serait pas mannequin-, elle passait son temps à refouler des mecs qui venaient l’accoster sur le trottoir. En plus d’être humiliant, c’était rageant. La jeune libanaise était déjà excédée d’avoir eu à faire aux remontrances d’un misérable chauffeur de taxi, cette nouvelle situation qui lui était peu habituelle couronnée la soirée. Tant pis, si elle était seule. Elle décida de rentrer dans le bar et ce même si elle avait horreur de pénétrer dans un endroit bondé, quand elle n’était pas accompagné. Toutes les tables étaient prises, mais elle remarqua qu’à l’une d’elle, les gens qui s’y trouvaient ne consommaient plus. Avec son assurance habituelle, elle alla trouver une serveuse qu’elle soudoya avec une centaine de livre comme une parfaite connasse dans le but qu’elle dégage les parasites. Une fois la table libre, Carole s’y installa gracieusement et commanda un mojito. Un peu de réconfort dans ses péripéties, pensa-t-elle en sirotant dans le gros verre rempli de feuilles de menthe. Parfois, elle avait un peu honte d’être autant Drama quand des enfants en Afrique ne pouvaient même pas boire un verre d’eau quand ça les chantait. Puis après elle oubliait et recentrait ensuite les maux de planète sur elle et son génie incompris.

Déjà qu’à la base, elle n’était pas très emballée pour se lier d’amitié avec une rivale… Jezabel abusait légèrement en la faisant poireauter de la sorte. Ok, ça l’arrangeait malgré tout de connaître une personne sur Londres. Elle était fraichement débarquée et il y a avait compagnie plus désagréable que Jezabel, mais jusqu’à quand supporterait-elle d’être amie avec une de ses concurrentes et plus encore, une concurrente qui la fait attendre seule dans un bar. Alors qu’elle était en train d’envoyer balader un lourdaud du genre quinquagénaire, habillé en costume avec une Rolex au poignet, mais qui malgré son accoutrement parfait restait un vieux beauf nouveau riche, sa marraine se décida enfin à arriver. Débitant un flot de parole continue, peut-être pour tenter de faire pardonner son retour.

- Avant toute chose : Je te hais, dit-elle calmement avec un sourire enfantin. Ce soir était ma première soirée ici et tu vas m’en laisser un souvenir amère. Comme tu peux le constater, je t’en veux donc ça ne va pas et tu as intérêt à m’offrir beaucoup de mojitos pour te faire pardonner.