Hermeline Anne Ducamp

Je n'ai pas une histoire particulière qui m'a amenée ici. Pas d'époux ou de famille à fuir. Pas d'enfance traumatisante. Non, juste un rêve, une ambition: créer ma propre marque de parfum, à Londres. C'est pour ça que je suis là, avec l'aide de mes deux parents qui s'aiment, qui m'aiment et que j'aime en retour, malgré quelques petites querelles banales.

Je suis née à Poitiers en France, une ville qui ne m'a jamais fait rêver.  J'ai grandi dans la vaste demeure familiale héritée de nos ancêtres de la noblesse, qui apparemment avaient réussi à échapper à la guillotine. Ma famille est aisée, et je profite autant que je veux de la fortune familiale. Ça aide d'être en bons termes avec ses parents.

Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours rêvé de m'en aller. Je me rappelle que quand j'avais onze ans, j'ai vu un documentaire que le Royaume-Uni. Ce fut une révélation. Ce jour-là, j'ai su que c'était là-bas que je voulais faire ma vie. Le métier de nez fut pour moi une révélation plus tardive, un peu hasardeuse. Au lycée, il y avait une espèce de forum des métiers une fois pas an, et comme j'avais oublié de m'inscrire, je me suis retrouvée dans un groupe au hasard. On peut dire que ce jour-là le destin était de bonne humeur: le groupe où on m'avait mis devait suivre la conférence d'un nez, c'est à dire d'une personne qui compose des parfums. Je n'avais jamais été aussi attentive aux tentatives du lycée de nous aider à trouver notre voie que cette fois-là, ou je n'avais manqué une miette du discours de cette femme.

Et c'est ainsi que deux ans plus tard, je me retrouve à Londres, le bac en poche, à essayer de monter ma propre enseigne sans aucun connaissance dans le domaine. Il ne me reste plus qu'à profiter de mon temps libre pour étudier de façon autodidacte, et à espérer que mon rêve deviendra réalité. Londres n'est-elle pas un peu le New-York du vieux continent?

Quitter ma famille, mon pays ne fait certainement pas autant de peine que ça le devrait, c'est certainement mon coté égoïste. Mais mon ambition ne connait pas de limites et quand je veux quelque chose, je l'obtiens. Et puis on n'est plus au moyen-âge, mes amis et ma famille sont peut-être éloignés physiquement, mais Internet est une magnifique invention, grâce à laquelle l'expression "loin des yeux, loin du cœur", n'a plus vraiment lieu d'être.

Ma seule peur est de ne pas parvenir à m’adapter au train de vie londonien. J’ai toujours du mal à avoir un taxi, et j’ai trop peur de me perdre dans les méandres de l’Underground pour l’emprunter. Je ne comprends pas cette foule de gens ultra pressés dans les rues de la City. Pourquoi ne prennent-ils pas le temps de vivre un peu. Quelque fois, en les observant, j’ai l’impression de voir des fourmis, et j’aurais presque envie de les brûler avec une loupe. Puis je me rappelle que c’est ces mêmes personnes que je veux conquérir un jour avec mes fragrances, que certains vont devenir mes amis, voire mes amants. Un jour je serai certainement un ces fourmis, du moins je l’espère.