do you wanna built a snowman (gal)

Il avait passé la journée au lit, son laptop ouvert devant lui, à se mettre à jour dans ses séries. Comme il avait congé aujourd'hui, il s'était dit qu'une journée à ne rien faire de productif était le programme qui s'imposait. C'était son côté flemmard qui prenait le dessus, il ne fallait pas lui en vouloir. Ce midi, il avait mangé des restants et du pain trempé dans un bol de yogourt en guise de dessert, le meilleur qui soit au monde, selon lui. Quelques heures plus tôt, il avait regardé par la fenêtre et le décor londonien, froid et quelque peu dépressif en cette période de l'année, l'avait dissuadé d'aller prendre une marche. Il n'était pas habitué a de telles conditions météorologiques, il fallait dire, surtout en cette période de l'année, étant un enfant de l'Océanie. Ce n'était pas un mince duvet de neige qui le pousserait à sortir dehors. Il s'était fait un chocolat chaud à sauveur de menthe - un pur délice soit dit en passant - et venait de poser la tasse vide dans l'évier quand quelqu'un frappa à la porte avec une excitation évidente.

Penchant la tête de côté par curiosité, il n'avait pas fait un pas en direction de la porte que déjà la personne s'impatientait. Delilah. Bien sûr, qui d'autre que cette folle pour déranger tout le bloc d'appartements pour un peu de neige ? Évidemment, il la considérait comme folle dans le bon sens, c'est-à-dire affectueusement. Il aimait taquiner les gens, fallait juste s'y habituer. Sans plus attendre, il ouvrit la porte. « Oui, j'ai vu ce matin qu'il avait neigé durant la nuit, mais franchement, ce n'est pas la peine de te mettre dans tous tes états pour ça, » se lamenta-t-il tandis qu'il enfilait son trench coat et son écharpe. Tant pis pour ses mitaines et sa tuque ; il n'avait pas le temps de les mettre, une certaine brunette l'entraînait déjà à l'extérieur. Il serra la main de Delilah dans la sienne cependant pour lui faire comprendre qu'il ne lui en tenait pas rigueur. Il risquait certainement un bon rhume à la fin de la journée mais que ne ferait-il pas pour contenter la petite brunette ?

Ce n'est que lorsqu'ils furent enfin sortis dehors qu'il réalisa pourquoi elle était à ce point enfantine aujourd'hui. Il neigeait mais... encore plus que d'habitude. Une pluie de flocons soufflée par le vent londonien caressait son visage et il se crut, l'espace d'un instant, comme la jeune Kim dans Edward Scissorhands, quand elle s'avance dans le tourbillon de morceaux de glace, vers la fin du film. « Wow...» souffla-t-il avec admiration. Il était bouche bée, et sa main tenait toujours celle de Delilah, et c'était aussi beau que les fins heureuses des contes de fée. « Delilah... C'est... C'est plus que magnifique. » Il ne trouvait plus ses mots ou quoi ? Si le spectacle devant lui, non autour de lui, n'était pas aussi féerique, il en aurait ri. Sans un mot de plus, sa meilleure amie l'entraîna à nouveau, cette fois vers un parc près de chez eux. Il lâcha soudainement sa main et s'accroupit pour former une boule de neige assez maladroite, qu'il lança sur le front de la jeune femme. C'était ridiculement enfantin, il savait que Jodie, qui semblait s'être fait une mission dans sa vie vide de salope sans cœur de les surveiller où qu'ils aillent, se moquerait bien quand elle les verrait jouer dans la neige et retomber en enfance, mais pour l'heure, Galahad ne s'en souciait guère. Il savait qu'il était un grand enfant, peu importe les circonstances, de toute façon. « Aww, j'aime la neige ! J'aime l'hiver ! » s'écria-t-il joyeusement en se roulant sans gêne dans le lit de neige à ses pieds. Il se doutait que ses cheveux blanchissaient à vue d'œil, ça le faisait rire. « Merci de m'avoir fait sortir de ma grotte, enfin façon de parler. »

Honnêtement, il regrettait de ne pas être sorti plus tôt de son appartement. Il n’avait jamais connu la neige, sauf au cinéma. Il ne savait pas ce que c’était que de sortir à l’extérieur de chez soi et de pouvoir jouer dans la neige, surtout en cette période de l’année. Il était encore trop familier au cycle météorologique de l’Océanie. Mais il ne s’en plaignait pas. Il finirait par s’habituer et puis s’il pouvait faire des batailles de boules de neige avec son âme sœur, comme il aimait à la considérer, il ne disait pas non. Toujours couché sur le sol gelé, il vit du coin de l’œil la jolie brunette se mettre à faire un ange de neige, juste à côté de lui. Elle était si adorable, comme ça. Une vraie enfant. Comme lui. Ils faisaient bien la paire, tous les deux. Ce devait être pour ça qu’ils étaient encore ensemble depuis l’enfance. Enfin, ensemble dans le sens d’amis, bien entendu. Galahad n’avait jamais pensé que lui et Delilah… pourraient éventuellement… être plus que ça. Le pourraient-ils un jour ? Il ne savait même pas s’il le désirait. À la vérité, il n’y avait jamais vraiment pensé. À ses yeux, Delilah était encore la petite fille qu’il ne quittait pas des yeux à la récréation, sauf que la cour de récréation était devenue plus grande au fil des années, avec des enfants différents. Et malgré tout, envers et contre tous, Delilah et Galahad étaient encore là l’un pour l’autre. Il espérait sincèrement que ça, ça ne changerait jamais. Il ne supporterait pas de la perdre. Vraiment pas.

La voix de la fille en question le fit revenir à la réalité. Un grand sourire illumina son visage de grand gamin lorsqu’elle déposa ses lèvres sur son front. « C’est toi qu’il faut remercier. Pour avoir eu la brillante idée de déménager en Angleterre. Et j’espère qu’elle ne fondra pas, ce serait vraiment dommage. » Il lui sourit, profitant du moment présent. Peu de personnes en étaient capables ; elles songeaient toujours au lendemain ou, encore pire, au passé. Mais Galahad savait tourner la page et profiter de ce qu’il avait, là, en ce moment. Ça venait de son tempérament immature, peut-être. Les enfants ne se soucient jamais d’autre chose de ce qui se passe au moment même, après tout. « Oh, pas grand-chose. Je me mettais à jour dans mes séries. » Il lui expliqua alors le synopsis de la dernière série qu’il avait commencée il y avait peu de temps de cela avec beaucoup d’enthousiasme, comme on pouvait s’y attendre de sa part. « Donc, ne t’en fais pas, tu ne me dérangeais pas. » Il lui offrit un sourire, puis s’enquit, juste pour être sûr : « J’espère que tu n’as pas trop froid ? On est sorti un peu vite tout à l’heure, il faut dire. Si tu veux, on peut rentrer pour se réchauffer. » C’était du Galahad tout craché, ça : s’en faire pour sa meilleure amie alors que lui-même n’était pas mieux vêtu en l’occurrence. C’est vrai qu’il ne faisait pas tellement chaud, mais c’était le cadet de ses soucis ; il était juste content d’être avec Delilah et le reste lui importait peu. « Ou encore, je peux te faire un gros câlin pour te réchauffer, c’est comme tu veux ! » Il ouvrit grand les bras dans un geste d’invitation. Il plaisantait, naturellement, mais il n’était jamais contre le fait de pouvoir la serrer dans ses bras si l’occasion se présentait. Boys will be boys, comme on dit.

Spoiler:

« C’est parce que je te suis indispensable, pas vrai ? » Il adorait la taquiner, comme ça. Il le faisait surtout parce qu’il savait qu’elle n’était pas susceptible et qu’elle le prenait à la rigolade. À la vérité, il n’aimait pas les gens susceptibles et trop sérieux, qui ne savaient pas s’amuser, qui ne pensaient qu’à leurs boulots ou leurs salaires respectifs. Ces gens-là, il les évitait comme la peste. Peut-être parce qu’il n’avait pas envie de vieillir et que côtoyer des gens disons plus « adultes » l’effrayait, d’une certaine façon. D’un autre côté, il fallait dire qu’il n’avait jamais apprécié la compagnie des adultes, lorsqu’il était enfant. Certains de ses amis, au primaire, adorait parler aux adultes de tout et de rien, mais pas Gal. Le monde des « vieux » ne lui plaisait pas le moins du monde et, plus il vieillissait, plus ce sentiment devenait puissant. « Dis pas ça, ça ne sert à rien de penser à ce qui aurait pu être. Je suis là, tu es là, fin de l’histoire. » Il rit en l’entendant l’appeler par son surnom. Galachou. Il n’y avait qu’elle qui avait le droit de l’appeler ainsi, pour la simple et bonne raison que tout aussi adorable soit ce surnom, ce n’était vraiment pas viril, avouons-le. Mais bon, qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour lui faire plaisir ? Il avait même choisi ce surnom sur Twitter, alors… « Très bien, très bien ! Je retire ce que j’ai dit, » déclara-t-il solennellement. De toute façon, on n’était qu’en décembre, l’hiver ne prendrait fin que quelques mois plus tard, alors ils auraient sans doute d’autres occasions pour jouer dans la neige.

Ensuite, ils discutèrent un peu de la série qu’il regardait et qui l’obsédait en ce moment et le jeune homme fut ravi de voir que son résumé semblait avoir tenté la jolie brunette, puisqu’elle venait de lui demander de lui prêter les coffrets DVD. « Bien sûr, à condition qu’on les regarde ensemble. J’aime tellement cette série que ça ne me dérange pas de regarder à nouveau les premiers épisodes. Deal ? » Et il disait la vérité, ce n’était pas une excuse pour passer plus de temps avec sa meilleure amie de toujours. Bon, d’accord, un peu, mais il n’allait pas lui avouer ça, quand même. De toute façon, elle n’était pas stupide, elle devait s’en douter un peu. Ils étaient inséparables depuis des années, alors Galahad, pour sa part, sautait sur n’importe quelle occasion de la voir. Il s’inquiéta ensuite de son état, si elle n’avait pas trop froid, tout ça. Il sourit tendrement en la voyant faire la moue. C’était trop adorable. « C’est pareil pour moi, mais je n’ai pas envie qu’on attrape une grosse grippe non plus, surtout avec les fêtes qui s’en viennent. » Ce ne serait pas super d’être malade pour Noël ou le Jour de l’An, quoi.

Mais il avait la solution miracle : un câlin. Ça ne le dérangeait pas d’être aussi tactile avec Delilah. Même qu’il aimait bien. Ça avait toujours été comme ça entre eux. Les gens pouvaient bien parler autant qu’ils le voulaient, ils ne changeraient pas pour leur faire plaisir. « C’est exactement ce que je disais plus tôt : je te suis indispensable, » chantonna-t-il en riant et en la serrant contre lui. Il sentit ses cheveux parsemés de neige chatouiller son menton, mais il ne pipa mot. Il ne voulait pas gâcher le moment. Delilah proposa qu’ils se fassent en rentrant un chocolat chaud et il approuva de la tête. C’était une boisson un peu enfantine, certes, mais ô combien délicieuse. « J’en ai déjà pris un tout à l’heure, juste avant que tu ne frappes à ma porte, mais je suis partant pour en prendre un autre. Je suggère qu’on regarde la série dont je t’ai parlée plus tôt en buvant un chocolat chaud, ça te va ? » C’était un programme qui lui plaisait, en tout cas. Pouvoir relaxer en compagnie de sa meilleure amie, c’était la meilleure chose qui soit au monde. Il se détacha doucement de son amie pour lui demander soudainement : « D’ailleurs, j’y pense, tu comptes faire quelque chose de spécial pour les fêtes ? J’avais pensé t’inviter chez moi et passer au moins Noël avec toi, je veux dire, juste toi et moi mais… Si tu veux, on peut aussi inviter d’autres personnes comme Franklin. Comme tu veux. » Il savait très bien que ce lui, il voulait, mais il tenait à lui faire plaisir une fois de plus. Vraiment, il avait un trop grand cœur ce gamin. Peut-être qu’un jour, ça lui jouerait des tours. Surtout avec Jodie dans les parages.

Il n'était pas surpris que Delilah ait accepté qu'ils regardent sa série ensemble, d'ailleurs s'il avait été à sa place, lui aussi aurait accepté. Il adorait regarder un film ou une série avec elle de toute façon, il y allait de ses commentaires sur l'intrigue ou sur le jeu des acteurs, bref il pouvait dire n'importe quoi et ça ne la dérangeait pas. Ils se tapèrent dans la main pour sceller leur accord et ce fut chose décidée. « T'es bien la seule qui peut me supporter quand je parle en regardant un film ou une série ! » déclara-t-il, amusé. Le pire, c'est que c'était vrai. Il était parfois un peu trop bavard, même qu'au cinéma, il devait se retenir pour ne pas parler. Enfin bon, on ne le changerait pas. Il éclata de rire en entendant son amie dire n'importe quoi. Lui, manger trop de sérieux ? Ça se faisait, déjà ? « C'est la neige qui te fait dire n'importe quoi ? » s'enquit-il. À la vérité, il ne voulait simplement pas que Delilah ait trop froid et qu'elle tombe malade, c'est tout. Il s'en faisait pour elle, il en avait bien le droit, non, en tant que meilleur ami ? Certes, c'était elle qui avait insisté pour sortir dehors par ce temps, mais elle avait été trop... disons, aveuglée par son excitation juvénile pour se soucier du reste. Une chance qu'il était là pour s'assurer de son bien-être. Il sourit lorsqu'elle le traita de bouillotte humaine. C'était bien Delilah tout craché de trouver des comparaisons pareilles.

Ils se détachèrent l'un de l'autre après un moment, décidant d'aller commencer la série en question avec un bon chocolat chaud chacun. Ça tombait bien, il avait plein de sachets chez lui, avec des guimauves pour accompagner le tout. C'était vraiment sucré comme mélange, mais délicieux. « Génial ! J'espère sincèrement que tu vas aimer, » répondit-il en se passant une main dans les cheveux, histoire de ne plus avoir l'air d'un vieillard avec ses cheveux blancs. Il lui demanda ensuite ce qu'elle comptait faire pour les fêtes et fut content d'apprendre qu'elle était tout aussi enthousiaste que lui à l'idée de passer Noël en sa compagnie. Juste elle et lui, personne d'autre. Leur premier Noël dans leur pays d'adoption, ils allaient le passer ensemble. « On ne peut pas rêver mieux, ce sera le meilleur des Noëls, » approuva-t-il avec bonne humeur. « Et je peux pas avoir un indice sur mon cadeau ? Juste un tout petit ? Un tout petit, petit ? Non ? Bon, tant pis. » Il ne devait pas oublier que Delilah était une fille très têtue quand elle le voulait. Ils revinrent sur leurs pas, leurs bottes crissant sur la neige. « Oui, moi aussi. Le dernier qui arrive à l'appartement est un caniche qui pue ! » Il partit à rire en se mettant à courir à toute vitesse vers le bloc d'appartements. Il manqua de tomber à plusieurs reprises, la neige étant assez glissante à certains endroits, mais allons, ça faisait partie du jeu.