Sabrina + if i were a boy

Tu caresses du bout des doigts le revolver. Cadeau étrange d'un père qui vient de mourir. Un sombre sourire se dessine aux creux de tes lèvres. Tu te demandes comment un si petit objet peut faire autant de dégâts. Tu te demandes la puissance de l'engin. De cette arme. Arme de ton père. Arme jamais utilisée. Se défendre, coûte que coûte pour vaincre la peur et surtout la haine. Tu pointes l'arme contre le mur. Et tu t'imagine chaque personne auquel tu voues une haine viscérale. Chaque personne qui pourri ta vie un peu plus chaque jour. Chaque personne qui t'a fait pleurer. Chaque personne qui t'a humilié. Chaque personne qui t'a fait du mal. Et dieu sait que la liste est longue. Les noms défilent dans ta tête, à chaque nom tu t'imagines appuyer sur la détente. Coup de feu invisible. Pan.

Premier coup de feu. Ces gamines. Petit enfant est tombé parterre. Et oui, petite fille à force de jouer les garçons s'est fait mal. Le sang coule, mais elle ne pleure pas. C'est une dure à cuire, la gamine.
Sabrina serre les poings, mort sur ses lèvres, use de toutes les techniques pour  pas que ne serait-ce qu'une larme tombe sur sa joue. Chiasse, le désinfectant ça fait mal. La gardienne tamponne sur le genou de Sabrina. "Peut-être que tu devrais jouer à des jeux plus calme, Sabrina". La petite fille aux cheveux rebelles hausse les épaules. "Quoi par exemple?". Sabrina s'est détendu, parlé lui fait oublier sa plaie ouverte et les picotements atroces dus au désinfectant. " Regarde les petites filles là-bas, elles ont l'air de s'amuser. Peut-être que tu devrais les rejoindre, tu te feras de nouvelles amies. " Un rictus de dégoût se dessina sur la bouche de Sabrina " J'en ai pas besoin." La gardienne afficha une mine désolée "Comme tu veux". Sabrina resta ensuite seule, au fond de la cour. Son genou l'empêchait d'aller courir avec les autres alors elle se mit à fixer les petites filles plus loin qui riaient aux éclats. Qu'est-ce que ça lui coûtait d'aller les voir? Elle fit quelques pas à travers la cour pour rejoindre les trois petites filles. "Coucou! Vous jouez à quoi ?". Les trois petites filles, toutes vêtues de robe regardèrent incrédule la petite fille qui venait leur parler. Les cheveux mi-longs, en bataille. Les vêtements et chaussures usés et salis par la boue. Le pantalon déchiré montrant la plaie neuve. "On joue aux princesses..". Le sourire faussé de Sabrina afficha une mine de gêne voir de honte. Elle ne connaissait rien aux princesses. Elle n'avait pas la télévision et son père ne lui lisait jamais d'histoires de princesses, il disait que ça ne pouvait qu'abrutir le cerveau de sa fille. Son père à elle, ne l'éduquait pas comme une fille mais plus comme un petit garçon ce qui expliquait bien des choses quand on voyait la petite Sabrina. "Ah..et je peux jouer avec vous ?" Les jeunes filles se regardèrent et la moitié se mit à pouffer de rire. "Mhm et quelle princesse ferais-tu ?" "Cendrillon, peut-être" enchérit l'une. "Cendrillon n'est pas brune et elle est beaucoup plus belle qu'elle. Tu ne pourras pas faire une princesse. Et puis..Cendrillon, elle ne pue pas." De là, les petites filles se mirent à se moquer ouvertement de Sabrina, qui sentait fortement l'odeur de la terre boueuse. Elles se mirent toutes à pincer leurs nez avec une mine de dégoût. La joue rouge, les mains tremblotent, Sabrina se sentit humilié. La colère montait en elle. Impulsivement, elle se jeta sur l'une d'elle et lui tira les cheveux. Un crie aigu de la victime résonna dans toute la cour de récréation. La gardienne accourue. "Sabrina! Lâche-là!". Après cet incident, Sabrina écopa d'une punition d'un mois de privation de récréation et de plusieurs années d'enfers à supporter ces affreuses petites pestes.

Deuxième coup de feu. Ce père.
"She broke your throne and she cut your hair, And from your lips she drew the hallelujah", sa voix douce et suave résonna dans toute l'habitation. Ses longs doigts dansèrent sur les cordes de la guitare au rythme de la musique. Quand soudain, Sabrina entendu un bruit. Son père était rentré. Brusquement, elle se leva afin de cacher l'objet du crime: la guitare. Mais c'était trop tard. Son père avait déjà passé le seuil de la petite pièce et faisait face à Sabrina, le regard sombre. La lèvre inférieure de Sabrina  se mit à trembler, elle était incapable d'émettre une phrase ayant du sens. "Je..j..". Son père était un homme plutôt calme et conciliant mais il n'y avait qu'une seule chose qui l'irritait. Une seule chose qui arrivait à le mettre dans une colère monstre sans véritable explication: la musique. Dès son plus jeune âge, la petite Sabrina s'était trouvé un talent pour le chant. Mais elle s'est vite rendu compte que ce "talent" n'était pas la bienvenue dans la demeure des Bradford sans trop comprendre les réactions aussi disproportionnées de son père. Au fil des années, la jeune fille a finit par se cacher pour assouvir sa passion. "Où as-tu trouvé cette guitare ?" dit l'homme d'un ton qui se voyait assez agressif. "D..dans le garage." Il y a quelques mois de cela, alors qu'elle fouillait pour chercher un outil que son père  lui réclamait, elle était tombé sur une guitare cachée derrière une planche. Elle a vite appris à s'en servir. Un ami lui avait appris les bases, et au fil des semaines, la jeune fille commençait à apprendre et à s'améliorer d'elle-même. Sabrina vit le regard étrange de son père, mélange de colère et de peine. Au début, elle n'avait pas trop compris ce que faisait cette guitare-là. Mais au fur et à mesure, cela devenait une évidence. "Elle appartenait à maman, c'est ça ?" Sabrina prit ce silence pour un oui. "Pourquoi tu ne m'as pas dit qu'elle en jouait. Elle était musicienne ? Papa, c'est pour ça que tu veux pas que je fasse de la musique?" Paniqué, son père mis ses mains sur ses oreilles comme si ce qu'il entendait de la bouche de sa fille lui était insoutenable. " Tais-toi. Donne moi cette guitare, tu n'avais pas à fouiller dans mes affaires." "Pourquoi tu ne me parles jamais d'elle? C'est ma mère, merde! J'ai le droit de savoir". " Ecoute, c'est moi qui t'éduque, c'est moi qui décide de ce qui est bon pour toi et de ce que tu as le droit de savoir.  Rends moi cette guitare" "Non." "Sabrina..m'oblige pas.." "t'obliger à quoi ? A me frapper ? Vas-y! Mais sache que tu ne m'obligeras à rien. Papa, j'en ai marre de me cacher. Toute ma vie, tu as cru faire ce qui était bon pour moi. Tu as tout fait pour que je suive le chemin que tu m'as tracé. Tu veux que je reprenne le garage, que je sois comme toi. Mais c'est pas ce que je veux, moi. Je veux faire de la musique mon métier" Son père l'a regarda incrédule avant de lui rire au nez. " Un métier ? La musique n'est pas un métier d'avenir. Tu comprends pas que j'essaye de te protéger ? Oh et puis merde j'en ai marre de toutes ces conneries. La conversation terminée. Maintenant va en bas j'aimerais bien que tu m'aides sur une bagnole." Les larmes montèrent aux yeux de Sabrina. "D'accord". Sans un mot, son père descendu, croyant que sa fille allait le suivre mais dix minutes plus tard, sa fille descendit, une valise à la main. Elle partit, pour de bon.

Les mois s'écoulèrent et Sabrina commençait à avoir son petit train-train habituel. Après avoir squatté quelques temps chez des amis à gauche à droite, Sabrina avait fini par trouvé un petit studio. Certes ce n'était pas le net plus ultra mais cela restait convenable. Tant qu'elle avait la place pour dormir cela lui suffisait, elle n'en demandait pas plus. Pour pouvoir payer son loyer, elle travaillait dans un fast-food et de l'autre côté elle assouvissait sa passion. Malheureusement, elle ne vivait pas encore suffisamment de cette passion. Elle ne gagnait même presque rien. Elle chantait dans les rues, dans les bars de temps en temps. Au fil du temps, elle avait son petit public, son petit 'groupe de fan' et elle en était amplement satisfaite même si elle faisait toujours partie de ces illustres inconnues. Elle persévérait. Ce soir, elle venait de faire un "mini-concert" dans un bar. La salle était comble, les clients plus satisfaits. A la sortie du bar, un homme l'accoste. Sourire plutôt charmeur au coin des lèvres. "Vous êtes très jolie.." Il lui tends une petite carte, "voici l'adresse de ma boîte. Je cherche une danseuse et vous correspondez au profil. " Sabrina regarde trois secondes la carte avant de comprendre de quelle genre de "danseuse" il est question. "Désolé mais cela ne m'intérresse pas. " "Gardez la carte, on ne sait jamais. Peut-être que vous changerez d'avis. C'est plutôt bien payé, vous savez." L'homme partit. Arrivé au studio, Sabrina sentit son portable vibré. Numéro inconnu. "Allô?" "Mademoiselle Bradord ? ", c'était une voix de femme. Plutôt polie. " Oui, c'est bien moi. Qui est-ce ?" " Ici l'hôpital du centre de Londres. C'est au sujet de votre père. Il a été admis aux urgences cet après-midi. Je suis sincèrement désolée mais..." Pas besoin d'entendre plus. Tristesse insoutenable. A cet instant, elle ne fait que pleurer toutes les larmes de son corps.  Il était parti sans qu'elle puisse lui dire au revoir.




Troisième coup de feu. Cet homme.
"Il faut qu'on parle. J'ai quelque chose à t'annoncer. On se voit au garage à 15h ? Bisous" .SMS envoyé. Le sourire aux lèvres, Sabrina se mit à scruter son pendentif. A l'intérieur, une photo de son père et elle, petite. Une seule larme se met à couler sur sa joue. Elle l'efface d'un revers de main. Depuis sa mort, beaucoup de questions restaient en suspend. Pourquoi ne lui avoir rien dit sur sa maladie ? Pourquoi ne pas avoir chercher à la joindre ? Pourquoi n'avoir jamais rien voulu dire sur sa mère? Pourquoi ne pas lui avoir dit que le garage était proche de la faillite? Sabrina lui en voulait toujours mais elle s'en voulait  encore plus. Elle s'en voulait de ne pas avoir pu lui dire au revoir, de ne pas avoir pu lui dire pardon. Elle souffrait tellement de savoir que la dernière fois qu'ils s'étaient vu, ils s'étaient disputés et Sabrina avait fui, sans un mot. Sabrina avait hérité du garage et de ses dettes. Pour honorer la mémoire de son père, Sabrina avait repris l"entreprise" familiale malgré qu'on lui avait conseiller de le revendre vu le nombre de dettes à éponger. Sabrina a finit par oublier ses rêves de devenir chanteuse et musicienne pour pouvoir se consacrer au garage. Se rendant compte du besoin pressant d'argent, elle a fini par accepter le job de nuit comme gogo-danseuse. Certes ce n'était guère valorisant mais cela lui permettait de remplir petit à petit les trous dans la caisse tout en faisant tenir le garage. Son portable vibre. Une réponse à son SMS. "Ok. Moi aussi j'ai à te parler. " Sûrement une nouvelle promotion se dit-elle. Elle continue à scruter la photo de son père. "Tu vas bientôt être grand-père" murmure-t-elle. Au final, sa vie actuelle lui plaisait plutôt bien. Elle aimait travailler au garage, ça lui rappelait l'époque avec son père. Elle aimait le contact avec les voitures, et puis surtout elle était plutôt doué à réparer les voitures. Et travailler dans le cambouis, ne la dérangeait pas vraiment. Son père avait peut-être raison enfin de compte, la musique ne présentait pas un métier d'avenir. Et puis, grâce au garage elle avait trouvé l'amour. Son fiancé. C'était un client et tout de suite, ils sympathisèrent jusqu'à plus si affinités. C'était d'ailleurs lui que Sabrina attendait pour lui annoncer la bonne nouvelle: elle attendait un enfant. Elle avait hâte de voir sa réaction.
15 heures. Sabrina le voit arriver de loin. Elle l'embrasse sur la bouche mais il détourne son visage. Il a l'air furieux. "Qu'est-ce que t'a ?" "Sabrina, c'est fini." "Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ? " "Hier, les copains m'ont entraînés dans une boîte plutôt branchée. Il y avait des jeunes femmes plutôt pas mal. Les copains se sont plutôt rincés l'oeil en voyant des espèces de putes se frotter à moitié dénudées contre des barres métalliques. Et puis Jacob m'a sorti un "dis tu trouves pas que celle-là elle ressemble à ta copine?". J'ai ri. Jusqu'à ce que je regarde la jeune femme. Et devine quoi ? " C'était elle. Il savait tout. Depuis le début de leur relation, Sabrina lui avait tout dit sauf une chose. Son deuxième métier. En débutant ce job, elle avait fini par comprendre qu'il était mal vu et que beaucoup d'hommes prenaient les gogo-danseuses pour des filles faciles. Sabrina voulait quelque chose de sérieux, elle ne voulait pas qu'il lui mette dès le début une étiquette sur le front. Alors elle lui a menti. A chaque fois elle voulait lui dire et au moment voulu, elle se dégonflait. Plus elle attendait, plus c'était pire. " Ecoute, je voulais te le dire mais.." "Mais quoi? Tu sais que je déteste les mensonges. Tu sais quand je t'ai vu hier...j'ai eu honte." Comme un poignard qu'on enfonce profondément dans le ventre. Sabrina reste silencieuse, regarde le père de son bébé partir. Elle n'a même pas eu le temps de lui dire. Elle regarde l'homme qu'elle aime s'engouffrer dans sa voiture. Elle écoute le bruit du doux moteur. Et elle attends. Elle attends que la voiture démarre pour fondre en larmes. Ne pas montrer ses faiblesses. A personne.


Quatrième coup de feu. Ces hommes.
"Vous voulez me voir, monsieur ?" La jeune femme s'assit face à son patron. Il lui tends des billets. "Voici votre paye du mois" "Mais monsieur.. pourquoi me le donner maintenant et pas comme d'habitude en fin de mois avec les autres filles? " "Car en fin de mois, vous ne travaillerez plus ici. " Il a comprit. Il le sait. "J-j'aurais du vous le dire avant que vous vous en rendiez compte par vous même mais s'il vous plaît, ne me virez pas. J'ai besoin de ce travail. " " C'est pour ça que vous me l'avez cacher ? Mais Sabrina, combien de temps pensiez-vous pouvoir garder ce "petit" secret? Attendiez-vous le terme ? Vous êtes inconsciente. Et si ça peut vous rassurez, je ne vous vire pas. Je vous donne congé dès ce soir, voilà tout. Je ne veux pas d'une danseuse à gros bide, même si vous donnez pour l'instant juste l'impression de trop avoir abuser sur le chocolat.  Vous n'êtes pas la seule fille que je vois ici à tomber enceinte. Après votre accouchement vous reviendrez travailler ici mais pour l'instant je ne veux plus vous voir. Bon congé, Bradford". Après avoir dit au revoir à toutes les filles, Sabrina sortit de la boîte quand soudain elle sentit une main derrière elle. Elle se retourna brusquement et aperçut plusieurs hommes. Il faisait sombre, elle ne distinguait pas bien le visage des hommes. "Très charmante" siffla l'un des hommes. Tout se passa très vite. L'un d'eux s'approcha un peu trop près, Sabrina se mit alors à lui foutre un poing au visage. De là, les insultes fusent à l'encontre de la jeune femme. Les hommes se mirent à maintenir la jeune fille qui tentait en vain de se débattre. Elle leur asséna plusieurs coups. Mais une femme contre quatre, qu'importe la femme. Le combat est perdu d'avance. La jeune femme pris plusieurs coups dans le ventre. Ajouté à ça, une chute violente contre le mur. Ils l'ont tué. Ils ont tué son bébé.