if I lay here, iI just lay here, would you lie with me and just forget the world?
" Naël, mon fils. Plus tard ce sera toi qui sera tout en haut de la pyramide. " Tu domineras le monde Naël. Tu sais, ce sera encore mieux qu'être président de la République. Foutaises. Ce qu'il aimait le plus quand son père lui parlait ainsi, face à l'immense fenêtre qui donnait sur Paris avec une main posée sur son épaule, c'est qu'il semblait heureux. Fière de ce qu'il a accompli et encore plus à l'idée de pouvoir transmettre tout son savoir à son unique fils. Un miracle. C'est ainsi que les journalistes ont décrit la naissance de Naël.
" Regarde ce qu'on a bâti, respire ce qu'on a accompli. " Il ne voit pas comment il peut le respirer, mais il fait semblant de comprendre ce qu'il veut exprimer. Le jeune garçon n'a pas eu la force de lui dire qu'il ne sera jamais à sa place, qu'il a du mal à s'imaginer être à la tête de l'entreprise. Il se contente de sourire, d'être celui qu'on attend. Il se retourne et s'avance vers une jeune femme qui se contentait de les écouter. Elle ne bougeait pas.
" Nous arrêtons nos regards sur une femme seulement pour satisfaire le plaisir des yeux et pour contempler ce que les hommes appellent la beauté. Nous ne sommes pas narcissiques. Nous contribuons à l'avenir. Tu vois Naël, cette femme est parfaite et c'est grâce à nous. Grâce à ce que nous faisons. " dit-il en désignant la jeune femme qui se tenait devant eux. Evidemment sa beauté elle ne l'a doit pas à l'entreprise, elle ne leur doit rien. Elle n'a aucune imperfection, elle est grande, élancée et sait comment charmer ceux qui l'entourent. Elle est digne de la beauté d'Athéna. Naël tente de comprendre la vision de son père. Lui aussi il commence à apprécier ses traits, à assimiler ce qu'il vient de lui dire et surtout à remarquer chaque détail. La déesse allait devenir l'égérie des cosmétiques Valentine, elle allait montrer à tous que leurs produits peuvent changer chaque individu. Ils peuvent changer une personne, le rendre meilleur physiquement. Les apparences. Tout est basé sur les apparences. C'est ainsi qu'est le monde d'aujourd'hui et eux ça fait longtemps qu'ils l'ont compris. Ils en jouent et en font leur gagne pain. Il fallait juste être le premier à prendre le risque de tout perdre ou de tout gagner.
Naël a été élevé dans une famille aux idéaux superficielles. Une mère qui fait partie du livre des records pour ses incalculables chirurgies esthétiques et plastiques qu'elle s'est infligée et un père toujours en quête de pouvoir, de perfection. On dit de lui dans les Tabloïds que c'est un coureur de jupons, qu'il couche avec ses muses tandis que sa femme passe ses journées à se défigurer. La vie n'a pas été tendre pour l'un des couples français les plus traqués par les paparazzis. Ils désiraient avoir un enfant plus que tout au monde pour compléter leur famille, malheureusement les nombreuses années d'anorexies de la mère Valentine n'a pas aidé le couple. Naël déteste entendre qu'il était un miracle, parce que ce n'est pas le cas. Il n'a rien d'exceptionnel, il n'a rien changé au monde depuis qu'il est né. Il peut juste s'estimer heureux de ne manquer de rien. Faire partie de la famille Valentine a un prix. Une contrepartie. Pour assurer une descendance parfaite, ils prirent très tôt la décision de promettre leur fils à une fille de bonne famille. Autant dire que Naël ne fut guerre content même si, il devait le reconnaître qu'ils ne s'étaient pas foutu de sa gueule sur le choix de la fille en question. Avec elle, c'était la promesse d'une certaine jeunesse éternelle tant sa beauté était éblouissante. Tout n'est qu'une question de physique et lui aussi, il devait faire de sa vie une immense mascarade. Il devait se contenter de jouer le rôle de lui-même, d'être un con. Un putain de con. On lui prive de ses choix, on lui prive de son propre bonheur. Il devait vendre son âme au diable. Alors Naël joue le rôle parfait du gendre idéal auprès des parents de la belle, il se montre poli et galant. Il l'a fait danser lors des réceptions, il l'aide à remonter la fermeture de sa robe lorsqu'elle en a besoin et parfois il colle de doux baisers contre sa joue pour montrer qu'ils sont complices. Il se montre convainquant et dès que la soirée est finie, ils redeviennent deux étrangers.
Jusqu'à. Jusqu'à cet accident. Naël est charmant, mais il traîne avec la jeunesse huppée parisienne. Il fait des soirées bien habillées, mais on sait tous qu'elles sont aussi déchaînées que les autres. Celles des bas quartiers. Elles sont mêmes pire. Naël est un grand fêtard et lorsqu'il a trop bu, il se montre inconscient. Il n'est plus capable de contrôler ce qu'il fait. Tout s'est passé très vite. Ils voulaient s'amuser davantage, ils voulaient mettre un peu de piment à la soirée. Il s'est laissé embarqué dans l'euphorie du moment, il tenait la main de sa conquête de la soirée et elle aurait pu faire n'importe quoi de lui si elle le voulait. Ils étaient quatre, ils grimpèrent dans une voiture et tout d'un coup plus rien. Plus de rires, plus de cris juste les ténèbres. La voiture était à l'envers, couchée sur le toit et Naël hurlait. Il hurlait à plein poumon, il hurlait à se déchirer le coeur. Il hurlait d'horreur. Seul. Ils étaient quatre et pourtant il était seul. Le seul vivant. Le pire des scénarios a été écrit et il en était l'acteur principal. Celui qui a survécu.
" Les étoiles. Elles sont comme nous, elles finissent par s'éteindre au bout d'un certain temps. " Naël. Il est perdu. Triste. Abîmé. Il se tient debout. Il est face à elle, le regard vide, les yeux explosés. Elle le sert dans ses bras, Louise le sert fort contre elle et il ne bouge pas. Pas d'un centimètre. Le vent les effleure. Le froid ralentit leur cœur. Il se consume et pourtant ce n'est pas le feu qui est en train de le réduire en cendre. C'est elle. Cette putain de vie. Et il y a Louise, Louise Dubois. Cette fille qui est entrée de force dans la vie de Naël. Celle qu'il s'efforce d'éviter et qu'il retrouve à chaque fois au bout du chemin. Indéniablement liés par cette éternité qui leur est imposée.
" Tu sais Naël, tu peux m'en parler si tu veux. Je suis là malgré tout, malgré ces fiançailles. Parle-moi. Ton silence me rend complètement dingue. " Elle est gentille Louise, elle est attachante aussi. Il n'a rien contre elle, mais il aurait voulu être amoureux pour pouvoir s'investir pleinement dans cette relation. Naël, il se compare souvent à un oiseau. Et comme tous les oiseaux, il ne supporte pas que l'on prive de sa liberté. Malheureusement il est forcé de constater qu'à l'heure actuelle, il a besoin d'elle. Il n'a qu'elle. Les images ne cessent de combler chaque parcelle ce son esprit et à chaque fois qu'il tente de s'exprimer, il a l'impression de s'étouffer. Cette corde invisible autour de son cou qui se serre au fur et à mesure des secondes qui défilent. Il a frôlé la vie.
" J'étais... Ils étaient... " Il essaie. Une bonne fois pour toute, il veut que ces images cessent de le hanter. Constamment. Sans répit. Tels des vagues qui vont et qui reviennent.
" Tu sais comment on fait pour surmonter ça ? Louise je veux savoir comment on fait pour surmonter ça. " Il se sépare de son étreinte et serre ses mains autour de ses bras. Il l'a secoue, l'air désespéré et pour la première fois il se sent proche d'elle. Proche de cette Louise qu'il s'entête à repousser. Elle en a fait des efforts, bien plus qu'il n'a essayé. Lui tout ce qu'il voulait, c'est avoir le choix. Naël c'est le genre de garçon qui est né avec des ailes dans le dos, qui reste perché bien haut sur son nuage blanc et qui redescend à l'occasion. Quand ça l'enchante. Il n'a pas besoin d'un putain de pansement. Il ne veut pas être dépendant de quelqu'un. S'attacher. Souffrir. Ressentir constamment ce manque. Il ne veut pas qu'elle lui manque et avoir ce trou au coeur. Faire tomber des arcs-en-ciel, que son histoire soit pulvérisée par des grues et que les pièces tombent dans la terre. Qu'elles s'enterrent.
" Parce que moi je ne sais pas. Je suis resté. Je suis resté à côté d'eux pendant plusieurs minutes, elles étaient longues et interminables. Je n'ai pas compris pourquoi j'y suis pas passé moi aussi. Pourtant je suis encore là. Je sais bien qu'on ne m'expliquera jamais. Etant donné qu''entre nous, on sait qu'il n'y a pas logique à la vie. Nous sommes des putains de pantins dans un putain de spectacle. " Il est trempé. Elle aussi maintenant. La pluie inonde Paris depuis plusieurs jours et cela fait presque deux heures qu'il est dehors à la recherche de quelque chose ou plutôt de quelqu'un. Inconsciemment il est sorti et il s'est mis à marcher sans penser où il s'arrêterait. Sans penser à quoi que ce soit. Naël la relâche. Il pose ses mains sur sa bouche, il essuie vulgairement l'eau qui coule abondamment sur son visage. Et soudain.
" Je ne veux pas me marier avec toi Louise. Je ne veux pas être un fantôme. Je veux vivre. Je suis perdu, en morceaux et je veux vivre. " Et soudain, il s'entend. Il se met à sourire, il commence doucement à rire et il finit par exploser. Il rit aux éclats. Naël devient euphorique, il a enfin compris. Il a laissé un bout de lui dans cet accident de voiture qui ne rime à rien et peut-être qu'il y est resté tout entier. Cet accident qui s'est déroulé en une fraction de secondes. Il n'a rien perdu, il s'est juste perdu lui-même.
" On n'a jamais eu d'arc-en-ciel. " L'amour. Naël s'est toujours dit qu'une fois qu'il tomberait amoureux d'une fille, il verrait la vie de toutes les couleurs. Il observerait le monde d'une autre façon. Il serait remplacé par un flou artistique. Evidemment Louise, elle n'est pas contente. Elle déchante pensant qu'ils étaient en train d'écrire quelque chose sur les pages blanches de leur histoire. Elle le gifle, elle le pousse, elle hurle de colère. Elle a le droit. C'est un con. Un putain de con.
" Dégage, va t-en, je ne veux plus te voir. " Naël il ne mérite personne. Il revendique trop sa liberté pour pouvoir s'inquiéter de quelqu'un. Il se suffit à lui-même et entre nous, c'est déjà beaucoup.
" Je t'aime Naël. Je veux dire que ce ne sont pas des paroles balancées en l'air, je crois que je suis vraiment amoureuse de toi... Réponds-moi. Naël... " Trois mots. Huit lettres. Et il est à elle. Littéralement. Entièrement. Planant en haut de son putain d'arc-en-ciel. Il ne veut pas la louper. Il veut que son oeuvre soit un vrai chef-d'oeuvre. Il l'écoute, mais reste bien concentré sur sa toile. Elle si belle, qu'il s'en voudrait qu'on le compare à Picasso.
" Tu es belle. " dit-il simplement. Il donne un dernier coup de pinceau, il peaufine un dernier détail et il l'a rejoint. Il l'a scrute avec ses yeux noisettes, il l'a dévore et il s'empare de ses lèvres.
Naël. On aurait pu écrire une chanson sur ce prénom. Il n'a jamais été comme les autres, il n'a jamais été comme il fallait. Balayant les banalités d'usage. C'est quelqu'un d'étrange. De difficile à cerner. Il a quitté la France et ses ennuis. Valentine. Plus qu'un nom, un mode de vie. Le dévouement et le sacrifice de plusieurs générations. Naël a décidé de dire merde à ses responsabilités de légitime héritier, il a décidé de vivre comme il l'entend. Il s'en fout des parfums, du maquillage, de trouver la solution pour lutter contre les rides. On ne lutte pas contre le temps. On ne peut pas décider de renverser le sablier quand ça nous enchante. Non. Ce qu'il veut Naël, c'est être utile. Il veut sauver des vies. Sentir cette adrénaline parcourir ses veines. Tout tenter. Il a rejoint l'Angleterre et plus précisément Londres dans le but de devenir quelqu'un. Peut-être s'il y arrive, vivre une vie d'exception. Il habite dans un petit appartement miteux, il pense qu'il est tombé amoureux d'une belle anglaise et tranquillement, il étudie tous les secrets de la médecine. Un train de vie accommodant. Il apprend à se débrouiller, même si sa grand-mère est toujours là pour veiller sur lui, il apprend surtout à vivre sans l'argent de papa et maman. Ils pensent un jour qu'il reviendra, mais ils se mettent le doigt dans l'oeil. Ils peuvent adopter, faire ce qu'ils veulent, mais Naël ne reviendra pas en rampant. Impossible. Ils devront le supplier. Il l'aime son anglaise, pas au point de le dire à voix haute. Il ne faut pas être fou, mais il brise sa carapace. Il prend des risques en la laissant dévoiler ses sentiments. Naël se laisse embarquer dans ce qu'il appelait autrefois, la vie. Il grimpe en haut de son fichu arc-en-ciel, se laissant brisé le coeur à plusieurs reprises, il a été pulvérisé par des grues et ses histoires d'amour sont tombées en miettes dans la terre. Telles des graines. Sans aucune poésie pour le sauver. Aux oubliettes.
Naël n'a pas marqué les esprits, mais il est interne à l'hôpital et il compte devenir un docteur spécialisé dans la réanimation. Il travaille également dans l'entreprise de ses parents, de temps en temps. Ils ont développé leur activité en Angleterre et cela a permis à Naël de se rabibocher avec eux. Un peu. Ce n'est pas parfait, mais il y travaille. De plus, cela lui permet d'atteindre un certain confort, de vivre dans les beaux quartiers de Londres. Lui qui est tombé si bas. Un Valentine ne peut pas fuir éternellement sa vraie nature. Naël est bien placé pour le savoir. C'est une façon pour lui et pour eux, de réparer ce qui a été brisé. Il n'est pas encore solide le sparadrap, il est fragile, mais il tient et c'est l'important.
" C'est une connasse. Elle l'a choisi lui, au lieu de moi. Je suis complètement largué là. Dans tous les sens du terme. " Et pourquoi dépendons-nous de l'amour déjà ? Naël se pose encore la question. Il a essuyé un divorce et toutes les réflexions qui vont avec. Ce n'est pas un fou du mariage, mais disons qu'il a aimé au point de vouloir lier sa vie à une autre. Maintenant quand il y repense, il trouve ça niait et stupide. Il voudrait pouvoir soutenir son ami et lui dire de belles ritournelles, des choses poétiques, mais tout ce qu'il a envie c'est de cracher sur l'amour et ce qu'il nous impose.
" Et toi t'es un con. Tu en trouveras une autre. Ce n'est pas la peine de te noyer pour elle, tu le sais que ce n'était pas la bonne. " Il passe son bras autour des épaules de son ami.
" Regarde. Ouvre bien les yeux et ose me direqu'il n'y en pas une qui t'attire. Que tu ne te vois avancer, commencer quelque chose de nouveau. " dit-il de manière positive, en tentant de lui ouvrir les yeux sur le monde.
" Tu te fous de ma gueule ? C'est une blague de français c'est ça ? " Naël est le plus sérieux du monde. Il a décidé qu'il ne toucherait plus le fond, plus jamais. Il en marre de manquer d'oxygen, d'avoir besoin de temps pour être bien, pour comprendre qu'il ne changera jamais et qu'ils n'ont pas besoin de revenir en arrière pour tout corriger.
" Le plus sérieux du monde. Je vais t'abandonner à ton propre sort et aller draguer la jolie blonde qui est au bar. " Il laisse tomber son ami et se dirige d'un air nonchalant vers le comptoir. Naël n'est pas vraiment un bon copain quand il aperçoit une jolie fille.
" Bonsoir je m'appelle Clément. Je ne suis pas vraiment charmant et je n'ai pas beaucoup d'argent. " Conneries. Il aime bien reprendre ses vieilles habitudes, ses vieilles techniques de drague. Naël ment toujours sur son identité, il raconte souvent qu'il a fait le tour du monde et qu'il n'a pas un rond. Il aime bien se faire passer pour l'aventurier qui est pommé et sans attache.
" Et c'est comme ça que tu comptes me mettre dans ton lit... Clément ? Il en faudra plus pour m'impressionner. " Elle répond du tac au tac et ça lui plait. En général, elles se contentent de sourire, d'être surprises par une entrée en matière aussi peu travaillée. Il l'a regarde, il l'a désire, elle est belle et lui, bien plus que les autres, il est attiré par la beauté.
" Quoi ? " Elle perd patience. Naël n'entend pas la musique qui résonne en fond, il ne voit pas les personnes qui dansent autour d'eux, il se montre juste dérangeant. Un peu trop insistant. Émerveillé par tant de perfection.
" Je regardais le bout de salade que tu avais de coincé entre tes dents. Il est si vert, si bien placé... C'est charmant. Sur ce, bonne soirée. " Étrange. Elle n'a rien de coincé entre ses dents, elle est bien trop parfaite pour cela. Naël est juste chiant, un con, le roi des emmerdeurs. Capable de vous faire douter de vous-même, capable de vous mettre la tête à l'envers. Il n'arrête jamais, il n'a peut-être pas eu un destin exceptionnel, mais il marque les esprits et peu importe de quelle manière il le fait. On n'a pastous la chance d'être aussi insupportable.