blame it on the night (aaron)

Aaron ne put s'empêcher de sursauter en entendant la porte d'entrée claquer. Il avait l'habitude pourtant, mais il se faisait toujours surprendre. Il se tassa dans le canapé, c'était un réflexe stupide il le savait, mais avec un peu de chance son père serait trop bourré pour se rendre compte qu'il était là. Il cacha le livre qu'il avait été en train de lire dans les coussins du canapé : Matilda de Roald Dahl. Il adorait ce bouquin, probablement parce que la gamine réussissait à tenir tête à ses parents et à leur donner une bonne leçon. Dommage que ça ne marche pas comme ça dans la vraie vie. Quand votre père était une brute épaisse et qu'il pouvait vous tordre en deux au moindre regard de travers, vous n'aviez pas particulièrement envie de lui coller son chapeau au crâne à la super glue. Même si l'idée était tentante. "Qu'est tu fous là ?" Demanda son père, ayant du mal à articuler les mots. Aaron se mordit la lèvre inférieure. Et merde. "Rien." Répondit-il d'une petite voix, apeuré comme toujours. Son père grogna pour toute réponse et Aaron sentit une vague de soulagement l'envahir. La sensation fut de très courte durée et il entendit bientôt son père taper du poing contre le plan de travail dans la cuisine. "Putain ! Où sont mes bières !?" Aaron était trop intelligent pour répondre à cette question, mais pas assez pour essayer de se faire discret. A la place il essaya de se faufiler à l'étage, sachant très bien que ça ne pourrait que mal tourner pour lui. "C'est toi qui les as prises ?" Cria son père en l'attrapant par le bras juste au moment où il allait s'élancer dans les escaliers. Aaron commença à se débattre. "Non, non, j'te jure." "Menteur !" Beugla son père en commençant à le secouer. Aaron pouvait sentir son haleine qui empestait l'alcool et il continua à essayer de se libérer de l'étreinte de son père. "Non, mais non, c'est pas moi ! C'est peut-être..." Il se mordit violemment la lèvre pour s'empêcher de terminer sa phrase. Il savait que sa grande soeur piquait de temps en temps des bières dans le frigo, mais il n'avait aucunement envie de la dénoncer. "C'est qui alors, hein ?" "J'en sais rien lâche-moi." Implora Aaron avant de finalement réussir à se défaire de l'emprise de son père. Il s'élanca dans les escaliers, son père sur ses talons. "Petit con." Il pouvait entendre la rage dans la voix de son père et essaya d'accélérer. Il trébucha sur une des dernières marches et se mit à sangloter. Il détestait la peur que réussissait encore à faire naître son père en lui, mais il n'avait pas envie qu'il recommence à le frapper. Pas cette fois-ci. Il lâcha un gémissement de douleur quand son père lui colla un coup de poing dans les côtes, et essaya de se protéger le visage à deux mains. "Arrête !" Cria-t-il tandis que son père commençait à faire pleuvoir les coups. Il frappait au hasard mais Aaron était incapable de se défendre. Il aurait voulu être adulte, comme lui, pour pouvoir lui décoller la tête. A la place il essaya de se défendre en donnant des coups de pied. Il entendit son père grogner et sentit les coups gagner en intensité. Il avait commencé à crier et à pleurer en même temps, se débattant comme un diable pour essayer de forcer son père à arrêter et il réussit finalement. Il entendit un bruit de chute mais il lui fallut près d'une minute avant d'oser ouvrir les yeux. Il finit par se redresser et aperçut le corps de son père gisant en bas des escaliers, trempant dans son propre sang. Il essuya son visage et se força à arrêter de pleurer. Il descendit les escaliers en titubant légèrement, enjamba le corps de son père et sortit, commençant à courir dans les ruelles de Londres en quête de sa grande soeur.

~

Aaron sursauta en entendant la porte d'entrée claquer. Toutes ces années et il n'avait pas encore perdu l'habitude. Il se redressa sur le canapé et passa une main dans ses cheveux. Il avait été incapable de payer son loyer le mois dernier alors il avait fini par venir crasher sur le canapé de sa grande soeur, qui s'avèrait être l'ancien canapé de leur paternel. "T'es pas censé être au boulot ?" Demanda Amanda en balançant son sac sur la table basse. Aaron grogna doucement avant d'allumer une cigarette. "Peut-être, si." Qu'est-ce que ça pouvait bien foutre après tout ? Amanda lâcha un bref rire sans joie, un air réprobateur sur le visage, tandis qu'elle enlevait ses talons hauts. Aaron la regarda faire, presque envoûté par le spectacle. Comment est-ce qu'elle pouvait marcher avec ces horreurs ? "Et comment tu vas faire pour payer ton loyer ?" Aaron haussa les épaules. "Tu ferais pas payer ton petit frère adoré quand même, si ?" Amanda rigola à nouveau. "Tu me connais bien mal." Répliqua-t-elle avant de lui lancer une de ses chaussures au visage. Aaron esquiva le tir et laissa la chaussure atterrir derrière le canapé. "Sans coeur." "Si tu le dis." Amanda haussa les épaules et alla se chercher une bière dans la cuisine, en lançant une à Aaron qui l'attrapa au vol. "En plus tu vas pas pouvoir rester longtemps, j'ai rencontré quelqu'un." Le jeune homme lâcha un gémissement plaintif. Elle avait encore réussi à se trouver un gros loser. "Bah parfait, va vivre avec lui." Amanda prit une gorgée de bière avant de venir s'asseoir face à son frère sur la table basse. "Il va bien finir par vouloir venir ici." Expliqua Amanda comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. "Il est riche." Ajouta-t-elle, pensant sans nul doute que l'information était pertinente. Aaron ne put réprimer un long soupir. "Si tu veux le garder tu ferais mieux de pas lui faire voir ce taudis alors." Répliqua-t-il en levant les yeux au ciel. Il écrasa sa cigarette dans le cendrier avant d'entamer à son tour sa bière. "Si justement, je pense qu'il m'aimerait encore plus comme ça. Il aurait pitié en tout cas, ça ne peut que jouer en ma faveur." Aaron secoua la tête. "T'es pathétique." Lâcha-t-il, déçu mais pas tellement surpris de l'attitude de sa soeur. "Ça va ! Il est plein aux as, je peux bien en profiter, non ? Et puis qu'est-ce que ça peut bien te foutre ?" Rien, elle avait raison. Il n'en avait rien à foutre. Aaron ne trouva rien à redire à ça, alors se contenta de recommencer à siroter tranquillement sa bière en silence.