Abby, c'est une histoire d'amour. Un amour de famille, un amour de la danse et des voyages, un amour de la vie, un amour déchu. Une vie remplit d'amour de tous les côtés, toujours de trop, que ça soit partagé ou à sens unique. Mais trop d'amour est parfois trop difficile à supporter pour une seule personne. Parfois, trop d'amour finit par faire éclater la personne et tout ce qui l'entoure. Un monde remplit d'amour peut parfois s'écrouler.
Je suis fille unique d'une famille relativement riche. Enfin, fille unique, pas tant que ça. Lorsque j'ai atteins mes huit ans, ma mère a décidé d'adopter une petite fille de cinq ans, tout droit venue du Kenya. Bianca. Malheureusement je n'ai jamais pu être proche d'elle. J'ai essayé, vraiment. J'ai tout fait pour me rapprocher d'elle, mais déjà enfant, lorsque je venais vers elle pour jouer, pour qu'on s'amuse ensemble, elle se fermait et des fois même, s'enfuyait. En fait, elle ne parlait jamais. Même à mes parents. Je ne l'ai jamais comprise. Personne, d'ailleurs. Mais je n'ai jamais abandonné et même si ça n'a rien donné, je ne regrette pas.
J'ai toujours été gâtée par mes parents. Même s'ils n'ont jamais été très présent, très proches de moi, ils étaient toujours là quand j'avais besoin d'eux, faisant passer mes problèmes au-dessus des leurs. Si bien que vers douze ans, je commençais à les garder pour moi, de peur qu'ils perdent leur travail et leur vie sociale à cause de moi. Je voyais bien que c'était extrêmement important pour eux et voir que quand j'allais les voir en pleurant, ils lâchaient tout pour moi, ça me gênait. Alors, je ne me plaignais plus et eux ne me prêtaient plus attention. Ils continuaient à me gâter, mais ça s'arrêtait là. Ce n'est que plus tard que je me suis aperçue que la communication est primordiale dans une famille. Alors, avec Bianca qui ne parlait jamais à part deux-trois mots quand elle avait besoin d'argent ou de quelque chose et mes parents qui n'étaient pas très présents pour nous, notre famille pouvait paraître bien désunie. Et elle l'était, vraiment, même si devant les autres, lors des galas, fêtes ou autres réceptions, nous nous montrions toujours relativement proches. Famille modèle ... ou pas. Mais je les aimais. Je les aimais sincèrement et je continuerais à les aimer du plus profond de mon être quoi qu'il arrive.
Toute ma vie a très vite commencé à ne tourner qu'autour de la danse. Passionnée, cette discipline me permettait de m'évader, de laisser mon esprit s'évader alors que je me concentrais sur autre chose. Toutes les danses, j'aimais toutes les danses. Je les pratiquais toutes. Les danses de couples, danses latines, orientales, danses de rues, j'ai même fait douze ans de danse classique. C'était ma passion, ma vie, mon rêve.
C'est à 18 ans que le courant de ma vie tranquille a changé. Une dépression, soit disant. Peine de cœur, c'est plus certain. Cœur en miettes? Cœur complètement explosé? Oui, là c'est plus juste. Je sortais avec un garçon vraiment impressionnant. Eliott. Il était beau, il était intelligent, il était drôle, il était amoureux. Nous étions amoureux. Nous étions ensemble depuis bientôt quatre ans. Une relation parfaite, un bout de ma vie que je ne regretterais jamais tellement c'était ... magique. Nous nous aimions, c'est certain. Alors, comment se fait-il que je suis seule maintenant? Comment se fait-il que maintenant, nous ne sommes plus ensemble? Une trahison. Des mensonges. Il consommait de la drogue. Je le savais, depuis plusieurs mois. Mais à chaque fois que j'abordais le sujet il partait dans des colères terribles. Puis il rentrait tard, il loupait nos rendez-vous, il inventait des histoires qui ne tenaient pas debout. Je le croyais tout le temps. Je me forçais à le croire, pour nous. Pour moi. Et un jour, j'ai été forcé de voir les choses en face. Il dépérissait à vue d’œil. La drogue, l'alcool... On a eu une grosse dispute, puis il a disparu, je ne l'ai plus jamais revu, il n'a donné de nouvelles à personne. Moi, je suis tombée bien bas. Et j'ai découvert Londres.
Londres, la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie. Pendant un an, je fis un tour du monde extrêmement enrichissant. Je me suis fait quelques amis, mais pas grand-chose. C'est difficile d'aimer les gens et de se faire aimer si l'on ne se supporte plus soi-même. Et comment se supporter soi-même alors que la culpabilité nous ronge, qu'aucune solution à nos problèmes apparait et que l'on se sent perdu? Je profitais de ces deux ans pour me remettre de mon histoire. Doucement, mais surement. Lorsque je retournais à San Francisco, l'année dernière, je me pensais définitivement sortie d'affaire. Il me suffisait simplement de reprendre mes études de journalisme à l'université où je les avais laissé. C'était sans compter l'appel des parents d'Eliott. Il n'avait jamais disparu. Il était mort, tout simplement. Un cancer. La drogue, c'était pour oublier. Les absences, c'étaient les rendez-vous à l’hôpital. Il ne m'avait rien dit pour me préserver, et moi, je l'avais maudit pour être quelqu'un qu'il n'était pas. Ma vie n'était plus rien, et personne ne pouvait rien y faire. J'arrêtais de danser, je ne chantais plus, je ne faisais plus aucun sport, je ne regardais même plus les magazines et défilés de mode, sans même toucher à ma machine à coudre. Le comble de mon existence fut, un an plus tard, à 20 ans, lorsque mes parents furent contraints de m'obliger à intégrer un centre de désintoxication.
C'est complétement par hasard que l'envie me vint de tout recommencer ici. Bien évidemment, j'y pensais depuis le début. Une nouvelle vie, un nouvel endroit, des anciens souvenirs. Un endroit où rien ne pourrait me rappeler les problèmes du passé. Je laissais tout derrière moi pour espérer me remettre à jour et retrouver l'ancienne Apple-Blue que j'aimais tant, et qui aimait tant.