ZACHARIAH ✗ on es responsable de sa propre existence, on devient qui l'on a décidé d'être.

Le début de mon histoire est des plus banal, sauf peut-être ma naissance. Je suis né au beau milieu de l'océan, en plein vol. Mes parents rentraient de l'enterrement de ma grand-mère maternelle, quand j'ai décidé de pointer le bout de mon nez avec un mois d'avance. Enfin, naissance exceptionnel, ne veut pas dire vécu hors du commun. J'ai ensuite grandi à Washington DC, dans une famille de politiciens respectés et fortunés, et comme eux, j'ai fait mes études dans la très réputée université de Harvard. Il était prévu que j'y suive des études en politique, pour perpétuer la tradition, du moins, c'est ce que tout le monde pensait et voulait. Mais j'en avais décidé autrement. Depuis un bon nombre d'années, je ne désirais qu'une chose, devenir chirurgien. J'ai donc décidé d'emprunter cette voie, au grand damne de mon père et des espoirs qu'il mettait en son fils unique. A la suite de ce choix, il n'a plus daigné m'adresser la parole. Ma mère est la seule à prendre encore de mes nouvelles et la seule à avoir assisté à mon mariage. Car oui, je suis un homme marié. J'ai rencontré la femme de ma vie durant mon internat à New York. Et je vous arrête tout de suite, il ne s'agit pas de l'un de ces vieux clichés où deux médecins tombent amoureux à force de se voir continuellement sur leur lieu de travail, non. J'ai fait la connaissance de ma femme à l'hôpital, certes, mais il s'agissait d'une patiente. J'ai toujours été un homme sûr de moi, peut-être un peu trop parfois. Je suis tombé sous son charme dès le premier jour, lorsqu'elle m'a remis à ma place sans retenue. A cette époque, je n'avais que la médecine, alors je donnais tout pour être le meilleur et j'en oubliais parfois le côté humain de mon métier. C'est elle, qui m'a ramené les pieds sur terre et qui m'a aidé à les y garder durant toutes ces années de vie commune. Et pourtant, qui aurait pensé que nous fêterions nos dix ans de mariage aujourd'hui. Car aux yeux de tous, notre mariage était simplement un moyen pour qu'elle profite de mon assurance et puisse continuer d'être soignée. Et c'était le cas, mais nous nous aimions réellement aussi. Nous n'aurions simplement jamais pensé nous marier après seulement deux mois. Fort heureusement, cela n'a pas eu raison de notre couple.

La suite de mon histoire est déjà un peu moins banale. Il y a quelques années, j'ai commencé à avoir quelques soucis avec le jeu. Accro au poker, surtout, j'étais plutôt doué mais un peu trop honnête contrairement à mes adversaires. Je me suis mis à perdre de plus en plus d'argent au fil du temps, m'endettant gentiment. Je pensais finir par gagner, jusqu'au moment où je compris que je me faisais plumer. Mais pas par n'importe qui. J'ai tenté de prendre mes distances, de me faire discret et j'ai finalement su dans quelle merde je m'étais fourré, le jour où un gars m'a emmené de force dans un entrepôt pour soigner un blessé par balle. C'est devenu récurent par la suite, tout comme les médicaments que je volais dans la pharmacie de l'hôpital. En échange, ma dette était effacée. Je n'avais juste aucune idée de quand elle aurait totalement disparu, même si je me doutais de la réponse. J'ai joué les médecins privés pour la mafia new yorkaise, pendant près de deux ans, et j'avais pris le pli, jusqu'au à ce fameux jour... Je soignais un autre blessé, quand un homme se fit descendre sous mes yeux. Je savais que je n'étais pas chez des enfants de coeur, j'étais au courant de ce dont était capable la mafia, raison pour laquelle je me pliais à leurs volontés. Mais jamais, ils n'avaient eu la négligence de tuer quelqu'un sous mes yeux. Ca eut l'effet d'un électrochoc qui me poussa à aller parler à la police. Bien entendu, il me fallait inventer une histoire qui tienne la route, car je me voyais mal leur dire la vérité. Pour eux, j'étais donc le médecin innocent qui s'était fait kidnapper par la mafia pour soigner un blessé et qui avait assisté à un meurtre, avant de s'échapper. Une histoire un peu folle et proche de la vérité, qui ne convainquis pas tout le monde et qui sema le doute. Une invention qui me valu de passer par le détecteur de mensonge, que je trompais sans trop de difficultés. Qui mieux qu'un médecin ayant travaillé pendant deux ans avec un pistolet sur la tempe, pourrait défier un polygraphe? Mon mensonge avalé, je passais du rang de suspect, à celui de témoin.

Vouloir mettre trois membres de la mafia à l'ombre, c'est une mission risquée, c'est pourquoi ma femme et moi avons été ajoutés au programme de protection des témoins que propose le gouvernement américain. Nos prénoms et noms ont été modifiés et nous avons dû déménager. Nous avons tous deux dit au revoir à nos emplois, nos amis et nos familles. En définitive, nous avons débuté une nouvelle vie. Deux fois. La première ne s'étant pas passée comme prévu... C'était durant la nuit, ma femme s'était rendue dans la cuisine pour boire un verre d'eau et elle est tombée sur un homme qui s'était introduit chez nous. Il l'a alors menacé avec un couteau. Je suis descendu pour lui porter secours. Peut-être que si le policier chargé de notre protection ne s'était pas endormi ivre mort, je ne me serais pas servi de l'arme dans ma table de chevet. Peut-être alors, je n'aurais pas tué un homme cette nuit-là et cela ne continuerait surement pas à me hanter. Car protéger les gens qu'on aime c'est une chose, ôter la vie, s'en est une autre. Depuis ce jour, j'ai perdu confiance en ce programme. Apparemment, je suis plus à même de protéger mon foyer. Mais parce que ma femme a insisté, j'ai décidé de leur accorder une seconde et dernière chance. Ce pourrait bien être la dernière effectivement, si je meurs. Cela dit, déménager à Londres devrait être une assez bonne idée pour me garder en vie jusqu'au procès, car j'ai bien peur que ce ne soit pas notre nouveau garde du corps qui en soit capable. Il est certes intelligent et je me surprends même à le trouver charmant, il reste un peu freluquet et on parle de la mafia. Enfin, si je dois mourir prochainement, autant continuer ma vie avec cette nouvelle identité et profiter de renouer avec mes origines. Peut-être même que je pourrais retourner au bloc, sauver des vies.