A chaque jour, son trésor. ~ Dimitri Wheeler.

L'évolution est une chimère, rien ne change à travers les âges. Je sais, cette phrase semble prétentieuse, ou sortie de nulle part, mais c'est le résultat de ma réflexion personnelle qui me donne ce point de vue. Depuis que les civilisations existent, depuis que les systèmes politiques et financiers sont nés, cette phrase se vérifie toujours. Il y a d'un côté les personnes qui possèdent le pouvoir, ceux-ci se divisent en deux parties : ceux qui apparaissent en public et ceux qui dirigent dans l'ombre. La politique, les finances et tout autre système s'y approchant, forment un véritable champ de bataille dans lequel les personnalités publiques se battent tandis que les hommes de l'ombre forment les stratégies. Puis il y a les dommages collatéraux, se trouvent les simples, les petits, les faibles... Mon père trouve chaque jour un surnom qu'il considère comme « amusant ». Oui, depuis que les civilisations existent, ce système a toujours bien fonctionné... alors pourquoi être surpris de ce fait... Ah, c'est vrai que je suis peut-être un peu trop direct dans ma façon de présenter les choses, je devrais tout d'abord me présenter. Je me donne le droit d'avoir cette vision car ma famille fait parti de ces personnes qui, dans l'ombre, dirigent certains mouvements de l'échiquier politique. La noblesse coule dans mes veines, depuis de nombreuses générations et ma mère, mon père, ainsi que leurs parents respectifs, aiment cette situation qu'ils tentent de perpétuer et de protéger. Moi ? Mon nom est Dimitri Wheeler, avec comme second prénom Islay. Comme vous vous en doutez, je suis l'héritier de la noble famille des Wheeler, en fait, pour être plus précis je suis l'unique héritier, ce qui, à l'époque, me stressait beaucoup ! Présenter mes parents serait sûrement trop long, alors je vais juste vous dire que mes parents se sont rencontrés jeune, ma mère étant l'héritière d'une famille bourgeoise qui a peu à peu été absorbée par le noble clan dont je suis le successeur. Se sont-ils aimés ? Peut-être, je ne cherche plus à répondre à cette question depuis longtemps. Je sais que ma mère aime son nouveau statut, tout comme ses parents qui apprécient d'être dans les petits papiers des Wheeler. Un mariage arrangé, j'imagine. J'imagine que mon père n'a pas choisi cette femme sans réfléchir. L'un ne rattrape pas l'autre, ces deux-là ont bien fait de se marier.

La noblesse famille Wheeler n'est pas un simple clan appartenant à la monarchie, depuis plusieurs générations, tous les chefs de familles se sont succéder comme des « Faiseurs de Rois ». Certes il ne faut pas prendre cette expression au premier degré, mais le concept est assez proche. Nous ne sommes pas plus puissants que la famille royale, nous n'avons pas le pouvoir de décider au sujet de la famille royale mais nous avons l'argent, le poids politique, et les relations pour donner notre avis dans la politique de notre pays, pour aider tel ou tel personnalité et ainsi déplacer nos pions sur l'échiquier. Oui, il n'est pas faux de dire que cette expression de Kingmaker, nous concernant en tout cas, n'est que de la poudre aux yeux : nous... non, ils sont des lobbyistes cherchant à déplacer les pions pour le bien de la famille, pour l'intérêt du clan. Il y a toujours une bonne raison...

Voilà dans quel univers, moi, Dimitri Wheeler, ait été élevé et éduqué. Un univers dans lequel la réalité est la même, depuis des siècles et des siècles. La richesse, l'avarice, l’orgueil ou même l'envie sont une partie de moi et jamais je ne cacherais cette vérité. J'ai appris à aimer le luxe, malgré mes nouvelles résolutions, j'ai appris à vouloir le plus beau, le meilleur, et j'ai appris à profiter des choses. Malheureusement pour mon père, lui et moi avons des vues différentes du monde. Mais avant de parler de ceci, je vais tout de même développer le reste... Bien que je ne manquais de rien, mon éducation était extrêmement stricte, quelque soit les périodes de ma scolarité. Ma famille demandait de représenter, auprès des professeurs et des élèves des riches écoles qui m'accueillaient, la perfection. Avais-je réussi ? Pas vraiment, malgré mes bonnes notes je n'étais pas quelqu'un qui réussissait à m'intégrer facilement parmi les autres. Mais pour mon père, cela suffisait. J'apprendrais en temps et en heure à intégrer des groupes, à satisfaire les yeux et les oreilles, me disait-il. Quand le sommet est à votre portée, les amis ne sont que des freins, ce qu'il faut ce sont des subordonnés, des personnes qui connaissent leur place. Telle était la doctrine de mon père, non, de ma famille. Je n'ai jamais failli à cette époque, je continuais à servir les intérêts de la famille, en devenant un enfant parfait, en apprenant informations sur informations. Pourtant, la découverte de mon homosexualité commençait à briser ce « mur d'Hadrien ». J'étais profondément déstabilisé, me disant que ceci ne ferait pas de moi l'enfant parfait que mes parents cherchaient à avoir. Mais les... pulsions et les sentiments qui naissaient dans mon corps n'étaient pas prêts à écouter ces fausses interdictions. Oui, au fond de moi, j'étais plutôt content... même maintenant, je souris en y repensant. Oui, je me libérais peu à peu des chaînes de cette ennuyante existence.

J'ai commencé, dans le plus grand secret, à découvrir les plaisirs les plus amusants : la chair, l'art, et autres. Je ne le nierais jamais, l'argent à un grand impact sur ma vie et me permettait de m'amuser. J'ai commencé aussi à me rebeller contre l'autorité de mon père, acceptant le droit avec une seule condition : suivre un second cursus en rapport avec l'Histoire de l'Art. Les plus grands peintres, les plus grands musiciens, ou même les grands écrivains, m'inspiraient plus que de longues parties d'échec. Et plus le temps avançait, plus je m'éloignais de mes parents qui, jamais, ne me déshéritèrent. Je suis leur unique enfant, pour eux je reviendrais vers le nid familial pour reprendre mes fonctions. Je ne me considère pas comme un monstre, ni comme un mec mauvais... Je suis juste ce que je suis, quelque chose qu'ils ont bridés jusqu'au jour où je découvrais ma vraie nature. Quelque soit les mots de mon père, je ne pourrais jamais revenir dans sa direction, lui et moi avons trop de points en communs. Cet homme pense que le pouvoir ne s'effrite jamais, que sa famille ne peut tomber en ruines. Pour lui, un trésor est éternel et son trésor est la place de sa famille dans l'échiquier politique. Je suis en fait bien plus matérialiste que lui, beaucoup plus pessimiste aussi... Il n'existe rien qui ne peut disparaître, alors il faut savoir profiter des trésors qui nous plaisent, et ainsi ne pas regretter l'instant de la séparation, voir, les supprimer soi-même. A sa mort, mon père souffrira de ne plus avoir le pouvoir... à ma mort, je pourrais dire que j'ai découvert de magnifiques et amusants trésors. Ce manuscrit par exemple, que j'ai dérobé dans le bureau de mon paternel, écrit par Shakespeare lui-même. Je le garde chez moi, dès que je souhaite le regarder je n'ai qu'à le sortir, et ainsi apprécier sa présence, admirer cette écriture, pour ensuite le ranger à nouveau, dans l'obscurité.

L'art est magnifique, ainsi pour pouvoir travailler de ma passion j'ai décidé d'accentuer mes connaissances et je suis un expert d'art, ainsi qu'un collectionneur... Il est vrai que je rachète souvent les trésors de mes clients, seuls ceux qui font vibrer mon cœur. Mais, les plus beaux trésors sont rares, la recherche sera particulièrement longue et le résultat incertain... D'ailleurs, j'ai une petite question à vous poser.

« Qu'est-ce qu'un trésor ? »