c&c ❝ i want you to rock me ❞

Travailler dans un label c'est cool, c'est intéressant et on ne fait jamais la même chose deux jours de suite. Enfin, c'est mon cas. Je compose, j'écris des paroles et je prends du plaisir à faire tout ça. J'aimerais tellement qu'une de mes chansons soit chantée par une grande star. Beyoncé ou Lady Gaga ! Ce serait tellement ahurissant et parfait de voir mon nom lorsque le clip passera à la télévision. Mais pour le moment, ce n'est pas le cas. C'est bien dommage mais je fais avec. Moi qui ne suis pas patient en temps normal, j'arrive à me contenir depuis que je bosse ici. La seule chose que je n'arrive pas encore à faire est de rester assis sur mon siège plus de trente minutes d'affilées. Je ne suis pas hyper actif, loin de là, mais je n'ai pas l'habitude de ne ''rien faire''. J'ai l'habitude de courir, de faire de la boxe, de la musculation, de la natation, tout sauf rester assis et quand je vois que l'horloge au dessus de mon bureau affiche midi trente, je saute de ma chaise. Amen. Délivrance, c'est l'heure d'aller manger ! Ce n'est qu'un repas, je risque sûrement de manger encore un plat de pâtes mais ça me suffit à me faire plaisir, à voir un large sourire se dessiner sur mon visage. J'enfile ma veste, range mon début de composition dans un tiroir fermé à clé et me dirige vers l'ascenseur qui me dirigera vers le hall de l'immeuble dans lequel l'entreprise se trouve. Je vois les portes de l'engin se refermer et je cours, quitte à me faire mal. Enfermé ici encore cinq minutes et je pète un plomb ! Mais littéralement ! Ma main se faufile entre les deux portes et ces dernières se rouvrent instantannément, comme une femme. Je ris intérieurement à ma réflexion. C'est mal, je suis le mal en personne mais il m'arrive de bien le vivre. Non, je le vis bien. Je me place dans un coin et glisse un œil sur les personnes dans l'ascenseur. Il n'y a que des vieux croutons et Caleb. Je me glisse au fond de l'ascenseur et lui donne un léger coup de coude. La dernières fois que je l'ai vu, il était accompagnée d'Elias, ce grand Elias que tout le monde vénère, sauf moi. Je ne comprends pas ce qu'ils ont tous avec lui. Ok, il a un physique avantageux mais ça s'arrête là. Il a l'air de se faire chier à longueur de journée et de ne pas profiter de la vie. Quoi que, je dois bien avouer que son baiser avec Roméo semble lui avoir retourner l'estomac au point de quitter le bar l'autre soir et ce, sans dire au revoir ! Caleb a l'air assez proche de lui et vu la façon dont il le reluquait l'autre fois, il semblerait qu'Elias ait le même effet hypnotiseur sur lui que sur Roméo. Je suis donc le seul indifférent à ce teint broné et cette coupe de cheveux qui a terriblement besoin d'un coup de ciseaux. « Ca va mieux ? » Il me regarde et me questionne du regard. « Bah t'étais malade non ? Ou alors t'es parti prendre le soleil à Cancun quelques jours ? » Ou peut être semaine, je n'en sais rien, je n'ai pas vraiment la notion du temps puisque je vis sur plusieurs fuseaux horaires en même temps. Je lui adresse un sourire et sors de l'ascenseur après tout le monde. J'avance légèrement et me stoppe à la sortie de ce dernier. Et si je ne mangeais pas seul à midi ? Ce serait cool d'apprendre à connaître le fils du patron. J'aimerais bien connaître la fille du patron mais ça, c'est un peu hors de mes limites. J'ai une conscience professionnelle et ce genre de trucs se sait rapidement. Je veux dire, le nouveau qui se tappe la fille du patron, ça craint. « Tu as quelque chose de prévu pour ce midi ? Je comptais me poser dans un bar à pâtes non loin de là ou alors dans un fast food, au choix » J'ai une terrible envie de pâtes mais les fast foods et les jouets dans les boites type happy meal ça a l'air d'être son style aujourd'hui ! Il est complètement a côté de ses baskets et je me demande bien comment je vais pouvoir le réveiller... Caleb n'est peut être pas la compagnie du siècle mais je ferais avec. Ça pourra toujours être drôle, who knows.

Faisant la moue, j’observe l’écran de mon ordinateur avec un ennui tangible. On ne peut pas dire que je croule sous le boulot depuis mon retour, mon supérieur ayant confié mes dossiers en cours à une autre personne pendant mon absence. On peut même dire que je m’emmerde carrément, au point que j’ai déjà changé deux fois de fond d’écran sur mon portable et que j’en suis venu à régler la pendule du PC après avoir trié mes fichiers. Je deviendrais presque maniaque, moi qui suis déjà d’ordinaire plutôt soigneux quand il s’agit du boulot. L’absence de mon père et d’une partie du cheptel de la direction contribue sans doute pour beaucoup au calme plat qui règne dans les locaux du label ; il y a toujours des dizaines de personnes qui courent dans tous les sens avec des dossiers et des cafés. Mais là, on pourrait facilement s’endormir tellement l’ambiance est mortelle. Je fixe l’heure qui n’avance pas bien vite avec dépit. J’aurais fait mieux de me porter malade au moins jusqu’au retour de mon paternel, si j’avais su. Je finis par m’éclipser de mon poste à midi trente tapantes. Ca prouve bien qu’il ne se passe rien, il est rare que je mange avant quatorze heures d’ordinaire. Bienvenue dans le monde du show-business, ce monde merveilleux où les têtes pensantes n’arrivent à pondre quelque chose que dans les moments les moins pratiques qui soient, et qui entraînent les pauvres stagiaires dans leurs élucubrations sans penser qu’il faille les nourrir de temps en temps. Comme un hamster, en fait. Je me retrouve dans l’ascenseur, à saluer poliment quelques personnes. Les mains dans les poches, je suis appuyé contre la paroi du fond en écoutant distraitement d’une oreille la conversation captivante — ironie — qu’ont l’air d’avoir deux vieux du label. Je ne vais pas dire que mon overdose m’a fait changer de regard sur le monde, ce n’est pas vrai. Mais je pensais sérieusement qu’avoir passé plus d’une semaine à me morfondre tour-à-tour à l’hosto et ensuite chez moi sans pouvoir sortir ou presque dans le but de « récupérer » aurait suffi à me rendre goût à la moindre activité qui puisse exister, en particulier mon boulot que j’adore d’une manière générale. Mais depuis que j’ai franchis les portes à tambours du hall, tout ce que je vois ou entends me blase. Est-ce qu’il y a quelque chose de pire que d’être blasé de tout à vingt-deux ans ? Je tourne la tête distraitement quand quelqu’un me donne un coup de coude. Ah, Casey. « Ca va mieux ? ». Je le fixe un instant, essayant de replacer sa question dans un contexte précis. « Bah t'étais malade non ? Ou alors t'es parti prendre le soleil à Cancun quelques jours ? » Je finis par connecter deux neurones ensemble et lui adresse un sourire en haussant les épaules.  « Non, malheureusement j’étais malade, comme les gens ordinaires. Ca manque d’intérêt, je te l’accorde ». Il sort de l’ascenseur après les deux vieux et semble hésiter. « Tu as quelque chose de prévu pour ce midi ? Je comptais me poser dans un bar à pâtes non loin de là ou alors dans un fast food, au choix ». On ne peut pas dire que Casey soit mon meilleur ami mais je lui suis stupidement reconnaissant de m’arracher à un repas de solitude. « Non rien, un bar à pâtes ça me va. T’as avancé sur les compo ? ». Je lui emboîte le pas et nous traversons le hall. Avoir une conversation qui ne tourne pas autour de ma vie sentimentale — désastreuse depuis Thalia et Elias —, ni de ma sextape, ni de mon overdose est quand même relativement satisfaisant. C’est normal, et la normalité ça fait du bien de temps en temps. « Enfin je veux dire, depuis que t’a sauté la standardiste de la ligne 3, tu dois avoir l’esprit un peu plus tranquille nan ? ». Ne jamais oublier la règle numéro 1 avec Casey : ne pas se priver de vanner parce que d’une façon ou d’une autre on en prend toujours une en pleine face, alors autant en profiter.

« Non, malheureusement j’étais malade, comme les gens ordinaires. Ca manque d’intérêt, je te l’accorde » Je fais une petite moue et hausse les épaules dans la seconde d'après. C'est bien dommage qu'l ne soit pas aller à Cancun et que ce soit un gars 'ordinaire' parce que je suis pas fan des gens ordinaires. Je dis ça mais depuis que j'ai arrêté le foot – par obligation, merci petit genou gauche – j'ai l'impression de vivre la vie d'un mec ordinaire : métro, boulot, alcool, filles, dodo. Ouai, on va pas me faire croire que les anglais ne s'envoient pas en l'air de temps en temps. Moins souvent que moi sûrement mais bon, il ne faut pas me prendre pour un con pour autant. En tout cas, depuis que je ne suis plus sous contrat, je m'en donne à cœur joie pour sortir, boire, consommer drogue, femmes et hommes. Parce que je ne suis pas comme ça, je ne me restreint pas, loin de là. Et ça, tout le monde l'a remarqué. Même Caleb qui semble pourtant être à côté de ses godasses. Comme quoi, pour ça, il a l'oeil. Je souris largement en sortant du bâtiment et me demande comment il a pu savoir qu'avec la standardiste de la ligne 3 ça a été rapide, efficace et kiffant. Elle s'est sûrement mal recoiffée en sortant des toilettes parce qu'on va l'avouer, elle a quinze kilos de laque sur le crâne et des tas de barrettes qui font tout tenir en place. Au moins, devant, derrière, je n'ai eu aucun problème. Mais je me rends aussi compte que je n'ai pas été franchement intelligent de me faire voir par le fils du patron. Je ne suis déjà pas une flèche au bureau parce que je déteste être obligé de faire quelque chose mais alors là... Ca n'arrange pas mon compte. « Ouai, je n'ai plus de distraction mais pas de muse non plus alors forcément, ça coince » Je tourne à droite puis à gauche. Je connais un bar à pâtes pas trop loin qui est plutôt bon et on peut y être en dix minutes. Dix longues minutes pour moi qui meurt de faim. J'aime bien manger à l'heure. Je ne suis pas un anglais là dessus. Pour moi, le repas est à midi et à dix neuf heures ; sûrement pas à quatorze et dix-sept heures. Il faut dire qu'ils avalent des œufs et du bacon le matin alors ça calle. On a jamais été nourris comme ça à l'orphelinat alors je n'ai pas cette drôle d'habitude et moi, les haricots à la sauce sucrée, ça me dégoute. « Et puis, elle était pas si exceptionnelle que ça non plus. J'ai perdu mon temps » J'adore en rajouter une couche. Ça pourrait le choquer mais ce n'est pas grave. Je le regarde et souris. « Et toi t'as personne dans le colimateur ? Non parce que t'as réellement besoin de quelqu'un pour te dérider et te faire sourire » Ouai, on a l'impression qu'un camion lui est passé dessus plusieurs fois d'affiler et ça fait flipper. C'est pas bon pour les affaires les gens fatigués et déprimés, ça je le sais bien. « T'aurais bien besoin de t'éclater. Tu les préfères blondes, brunes, avec une bonne pointrine ou pas ? A moins que ce soit les mecs ton truc. Je ne juge pas, loin de là. Ça me plait aussi » Je ris légèrement. « T'inquiète ton secret sera bien gardé. Tant que tu es une tombe à mon sujet avec ton père » Ouai parce que je n'ai pas très envie que son père sache que je suis le genre de mec qui s'envoit ses standardistes dans les toilettes de l'entreprise quand il n'est pas là. Et encore moins le genre de mec qui a fortement envie de faire mumuse avec sa fille. Je n'ai vu la belle Selena qu'une ou deux fois mais ça m'a suffit. Tiens, écrire sur un coup inaccessible pourrait être cool. Mais trop vu à mon goût. Autant écrire sur un truc qui sort de l'ordinaire et qui fait vendre.