Max Kesington

Assise sur son lit, Max refuse de rejoindre les invités. Du haut de ses cinq ans, la petite fille reste figée, le regard étrangement vide. Elle entend des bruits de pas à l’étage du dessous, mais elle s’en moque. Elle attend en vain que ses parents viennent la voir et la serrent dans ses bras. Sa tante lui a expliqué à plusieurs reprise qu’elle ne devait plus attendre, qu’ils étaient partie dans un autre endroit, un monde qu’elle nomme le paradis. Max ne sait pas où c’est et se contente d’attendre encore et toujours ses parents. S’ils sont partis ailleurs, ils finiront bien par rentrer, non ? En silence, elle se lève, en veillant à ne pas abimer sa jolie robe noire. Elle a promis à sa tante qu’elle ne se salirait pas. Elle regarde à travers la fenêtre de sa chambre et aperçois une voiture qui se gare d’en l’allée. Une dame qu’elle n’a jamais vue en sort avant d’entrer dans la maison.  La petite fille ne sait pas qui elle est, de la même façon qu’elle ne connaît pas bon nombre des personnes présentes aujourd’hui. « Ma puce, c’est l’heure, il faut y aller. » Max se retourne et aperçoit sa tante à l’entrée de la chambre. Son regard et triste et elle se force à sourire… « N’oublies pas ton doudou. » La petite fille sert son ourson dans ses bras et rejoint sa tante. Elle prend sa main et ensemble, elle descende les escaliers. En bas, tout le monde les regarde lorsqu’elle traverse le salon jusqu’à l’entrée. Max regarde les invités, tous vêtus de noir, en se demandant si quelqu’un sait quand ses parents arriveront. « Toutes ses affaires sont dans la valise. » La petite fille tourne la tête et voit sa tante discuter avec l’inconnue qu’elle a vu arriver. « Très bien, j’attends dehors, je vous laisse le temps de lui dire au revoir. » L’étrange femme quitte la demeure sous les yeux pleins d’incompréhension de Max. « Je viendrai te voir ma chérie, je te le promets. » Sa tante est en larme et dépose un baiser sur son front avant de la conduire dehors. « On se voit très bientôt, au revoir ma puce. » Elle lui lâche la main et lui tourne le dos avant de rentrer dans la maison. Max sent une main prendre la sienne et reconnaît une fois de plus l’inconnue. Elle oppose une légère résistance lorsqu’on l’amène à la voiture. Elle ne comprend qui est cette femme ni même ou on l’emmène. « Papa ! Maman ! » Elle hurle et des larmes inondent son visage d’enfant. Elle crie en vain. Personne ne sort et la voiture commence à s’éloigner. Petit à petit, sa maison d’enfance disparaît… Une place à l’orphelinat l’attend et jamais elle ne reverra sa tante qui ne tiendra pas parole.

« Max, tu m’aides pour mon devoir de math ? » La bibliothèque de l’orphelinat est totalement vide. La jeune fille regarde son camarade qui se bat avec ses équations. Elle le regarde en souriant Du haut de ses 16 ans, elle fait partie des meilleurs élèves de son lycée. Elle y peut rien, mais elle mémorise les choses avec facilité et les maths n’ont pas de secret pour elle. L’adolescente qu’elle est aime aller en cours, peut être parce que ça l’éloigne de ce fichu orphelinat l’espace de quelques heures. A plusieurs reprises, des familles ont tenté d’entamer le processus d’adoption qui s’est révélé être un échec à chaque fois. Au bout de quelques jours,  la petite fille était de retour, accompagnée de parents gênés d’expliquer qu’elle s’obstinait à attendre ses vrais parents. Jusqu’à l’âge de  8 ans, Max a continué d’attendre ses parents, insistant sur le fait qu’en rentrant de leur voyage ils viendraient la chercher. Jusqu’au jour où elle a compris ce qu’était le paradis. Ce jour là, elle a cessé d’y croire et s’est mise à leur en vouloir de l’avoir abandonnée. Néanmoins, et avec le temps, les personnes intéressée pour l’adopter se faisaient rares. Une enfant de 8 ans n’était plus autant intéressante à adopter qu’un enfant de 5 ans… « Tu fais exprès de pas comprendre ? Parce que j’en suis au moins à la dixième tentative ! » Elle le charrie tendrement. Lucas est son meilleur ami. Elle le connaît depuis son tout premier jour ici. Il a le même âge et un parcours assez chaotique. Ils se comprennent et se soutiennent. Pour Max il est comme un frère. A vrai dire la majorité de l’orphelinat compte des garçons et laisse peu d’opportunité à la jeune fille de se faire des amies filles. Au lycée c’est pareil. Elle se sent pas du tout à l’aise avec les filles de son âge. Et puis elle est la pauvre petite orpheline aux yeux de tous. « C’est pas ma faute, c’est toi qui explique mal ! Toute façon les maths me serviront jamais à rien. La directrice est en train de préparer un dossier pour moi et si tout va bien, dans un mois je pars ! » Max se fige. Dans un mois il ne serra plus là ? Pourquoi ? Lucas sent la panique envahir son amie. « La directrice m’a expliqué qu’étant pupille de l’état, je peux en quelque sorte obtenir mon émancipation, du moins c’est l’armée qui deviendra mon responsable légal. » Elle le regarde, surprise par cette nouvelle inattendue. « Viens avec moi Max ! Je suis sûre que tu seras acceptée ! Tu as un dossier en béton et tu quitteras ce putain d’orphelinat ! Et en plus on sera ensemble ! » Elle dans l’armée ? Elle n’est pas certaine que cette voie soit pour elle… Mais comment savoir sans avoir essayé… « Au début on fera nos classes ensemble, et si t’aimes pas tu pourras toujours arrêter à ta majorité ! Ce sera toujours mieux que de rester ici ! Allez Max, fais le ! » Partir loin d’ici… Elle en rêve tellement… L’armée lui permettrait de ne pas attendre sa majorité… Elle a l’habitude de côtoyer que des garçons, l’armée ne la changera pas tellement… « D’accord… » Lucas la regarde, étonnée par la réponse de sa meilleure amie. « C’est vrai ? T’es prête à essayer ? » Elle hoche la tête avant de sourire. L’espoir de quitter cet enfer semble plus proche que jamais. « Viens, on va le dire à la directrice. » Il ne lui laisse pas le temps de répondre et lu prend la main avant de l’entraîner avec lui hors de la bibliothèque.

« Désolé du retard »  Max regarde son ami s’asseoir en face d’elle. La terrasse du café est noire de monde mais ils sont suffisamment à l’écart pour pouvoir discuter tranquillement. « Tu es à Londres depuis longtemps. » La jeune femme boit une gorgée de café. « Non, je suis arrivée avant-hier. » Le retour à la civilisation est d’ailleurs assez étrange. « Pas trop dépaysée ? » Totalement. Changement de pays, changement de vie… Max est totalement perdue mais ne laisse rien paraître et se contente de hocher les épaules. « En attendant que tu sois habilitée à reprendre du service, j’ai une mission pour toi… C’est plus un service que je te demande. » Le temps qu’elle reprenne du service ? Pour le moment c’est pas demain la veille… Le psychologue de l’armée de l’air lui a bien fait comprendre qu’elle avait encore un long chemin à parcourir si elle voulait retrouver sa place. De toute façon elle n’est pas absolument certaine de vouloir la retrouver… Elle aime son boulot, mais les derniers évènements ont été de trop. « Quel genre de service ? » Avec lui elle sait qu’elle peut s’attendre à tout. Il lui tend un dossier. « Je voudrais que tu sois son agent de probation. » Surprise par sa demande, elle ouvre le dossier et tombe sur la photographie d’un jeune homme aux allures souriante. « Ne te fies pas à sa gueule d’ange. Je te garantie qu’il est tout sauf un ange. » Max regarde avec attention son dossier. Elle en lit les grandes lignes avant de le reposer. « Je suis pas nounou, trouves quelqu’un d’autre. » Son ami ne semble pas surpris. « Vois ça comme une challenge. C’est pas un cadeau mais je sais que tu pourras lui faire face sans te laisser démonter. Il a besoin de quelqu’un de solide. Je suis certain qu’il peut s’en sortir… Ou replonger dans la violence et ce qui va avec. » Max le regarde sans rien dire. Être agent de probation ? « Ok mais tu m’en devras une. » Il la regarde en souriant. « Tu verras, ce boulot te feras du bien, il te changera les idées. » Lui changer les idées ? Une notion qui paraît totalement improbable aux yeux de Max. C’est trop récent… La mission… Le crash… Les 5 jours passés au milieu de nul part à lutter pour survivre… Les tirs ennemis… Lucas blessé qui agonise dans ses bras…. Non, elle n’est pas prête d’oublier cet enfer qu’elle a côtoyé il y a à peine un mois de ça. Psychologiquement la mort de son meilleur ami a été de trop. Elle ne l’a pas supporté et l’armée l’a mise de côté. « On verra. » Elle ne veut pas entrer dans le sujet et préfère faire abstraction. Elle récupère le dossier du dénommé Leo, prête à tenter le coup.