Leo • You've got bad behavior

« Eh ben Leo ! T’as encore un bleu ? » L’amie de sa mère lui regarde le visage. Lèvre fendue, pommette bleue, elle sourit doucement en lui caressant la joue alors qu’il se recule pour éviter le contact. « Qu’est-ce que tu as fait encore ? » Nana arrive avec les amuses-bouches. « Oh tu sais bien, comme d’habitude, il s’est battu à l’école ! Pas moyen d’avoir la paix avec lui ! » Elle parle avec son accent que les gens trouvent mignon. Lui, ça le répugne presque. Il ne dit rien, il se contente de la fusiller du regard avant de sourire hypocritement quand on voit qu’on l’observe. Il n’a que 8 ans, pourtant, il a déjà compris beaucoup trop de choses. « Andy rentre quand ? » Nana fait une petite moue boudeuse. « Dans une semaine seulement, mais il sera là pour trois jours après ou plus peut-être. » « C’est dur d’avoir un mari toujours sur les routes, ma pauvre, je te plains. » Il regarde sa mère. « Les routes ? » « Elle voulait dire les routes de l’air ! Va jouer plus loin Leo ! » Il soupire avant d’attraper un paquet de chips et de partir dans sa chambre pour le manger, finalement, au bout de presque une heure à les entendre glousser, il descend, le ventre gargouillant alors qu’elles mangent. Il fronce ses sourcils, lui donnant un air trop sérieux. « Maman, j’peux aller dormir chez Tom ? » Elle se tourne vers lui avec le sourire le plus faux-cul de toute la galaxie. « Bien sur mon chéri ! Rentre demain avant midi ! » Il ne dit rien, saluant simplement la blonde peroxydé venue manger ici alors qu’ils n’ont pas vraiment les moyens de le faire, d’ailleurs, elle est en train de manger sa part à lui et il le sait parfaitement. Courant à l’étage, il fait un sac rapide avec son pyjama, sa brosse à dents et des affaires pour le matin. Dans le jardin, il court rapidement à cause de la pluie battante, heureusement que Tommy est son voisin. Il frappe à la porte arrière avant d’entrée, trempée malgré tout. Il tremble et grelotte, son ventre gronde sous la faim. « Tom ? » Il se passe la main dans les cheveux, avançant dans la cuisine. Il voit des cookies et s’empresse de les manger avant de sursauter quand la lumière s’allume. « Tu m’as foutu la trouille ! » « Chut, maman dort sur le canapé. » « J’ai faim… » Il continue de mastiquer le biscuit en le regardant dans les yeux. Le blondinet se dépêche de lui faire un sandwich avant d’aller chercher un peignoir. « Retire tes vêtements. » Leo se met en slip rapidement avant de se pelotonner dans le truc en éponge et de soupirer de soulagement. Il s’installe sur une des chaises de la petite cuisine, buvant le verre de lait que Thomas lui sert avant d’attaquer le sandwich. « Elle a encore invité la pas belle à manger… » « Et elle t’a tapé encore… » Il hausse une épaule en continuant de manger. « Pourquoi ? » « Parce que j’ai cassé un verre en faisant la vaisselle. » Il dévore son repas improvisé avant de bailler faiblement. « Je suis fatigué. » Il se frotte les yeux (tic qu’il gardera même adulte). Tom comprend et l’emmène à l’étage avec lui. Comme toujours, ils s’endorment dans le même lit.

« Tu vas me manquer P’pa. » « Toi aussi mon grand. » Il a du mal à lâcher son père. Pendant une semaine, tout était parfait. Les jeux, la nourriture, aucune crise, aucun coup. Rien. Il le regarde avec des yeux suppliants. « Leo lâche moi, il faut que je parte. » Il soupire avant de baisser la tête et de se reculer lentement pour se mettre assis dans les escaliers. Du haut de ses 12 ans, il observe son père s’en aller tout en embrassant sa femme. Il ne lui en veut pas depuis qu’on lui a enfin avoué la vérité. Chauffeur routier et non pilote d’avion. Certes, la déception fut grande. Mais au moins, maintenant, il comprend pourquoi son père ne gagne pas tant d’argent que ça (mais pas pourquoi sa mère continue de vivre au-dessus de leurs moyens…). Nana sort dehors pour accompagner son mari et profiter encore un peu de sa présence. Quand elle revient à la maison, Leo se prend une gifle directement. « Va faire la vaisselle ! Ensuite, tu feras le repassage et quand je rentre, je veux que tout soit propre, tu m’as entendu ? » Il hoche la tête en se tenant la joue. Il ne pleure plus depuis longtemps, et c’est bien une des choses qui enrage complètement sa mère. Elle s’en va pour rejoindre une de ses amies et oublier que son mari vient de s’en aller (parce que même si elle semble détester son fils, elle est dingue de son époux…). Il se met aux corvées. Il a l’habitude et comme toujours, il n’aura pas le temps de faire ses devoirs. Il soupire longuement. Il se demande pourquoi elle ne repart pas au pays puisque c’est ainsi. Puisqu’elle déteste autant l’Angleterre et tout ce qui y touche. Elle est si amère et tout lui retombe dessus. Il soupire longuement en frottant la vaisselle. Il a mis la musique, il danse en même temps pour pouvoir faire passer les choses plus rapidement. Plus tard, il se brûle avec le fer à repasser, il se cogne le pied en passant l’aspirateur. Il est épuisé et il a faim, mais il n’y a pas grand-chose dans le frigo et son père lui a interdit d’allumer le feu sans la présence d’un adulte. Il est 21h, elle n’est toujours pas là. Il soupire un moment avant d’appeler pour se commander une pizza. En attendant, il va prendre une douche. Quand il descend, il la voit dans le couloir à tenir la pizza. « C’est quoi ça ? » « J’avais faim et… » Elle l’attrape par l’oreille, il crie tellement ça fait mal, elle lui hurle dessus et sans ménagement, elle le pousse dans les escaliers de la cave avant de l’y enfermer dans le noir le plus complet. Il remonte malgré les douleurs qu’il a un peu partout avant de frapper après la porte en la suppliant d’ouvrir. Mais rien n’y fait. Il se met assis lentement posé contre la rambarde en tenant son poignet tordu. Elle ne lui ouvre que le lendemain pour qu’il puisse partir à l’école, sans le faire manger avant. Depuis, cette époque, il est interdit de toucher à sa nourriture.

« Où tu vas ? » « Où je veux ! » « J’veux pas que tu sortes ce soir ! » « J’m’en fous. » Elle lève la main pour le frapper. Il l’arrête rapidement avant de la pousser violemment dans un mur, la laissant tomber au sol, il se met accroupi à ses côtés avant de donner un coup dans le mur la faisant sursauter. Il la regarde dans les yeux sans aucune peur. « J’ai dit, je sors. Tu rages si tu veux j’en ai rien à foutre ! Et parle de ça à Papa et on verra ce qui arrivera ! » Il se redresse avant de donner un coup de pied dans une des chaises de la cuisine, la faisant voler jusque l’autre côté de la pièce. Il reste fin, mais il a réussi à développer sa force du haut de ses 15 ans. Il ne supporte plus qu’elle le touche, qu’elle le frappe. Il ne veut plus être ce gamin terrorisé qui luttait la nuit dans la cave contre ses peurs. Malgré ça, il a gardé une phobie du noir total et des espaces confinés. Sautant par-dessus la barrière du jardin, il passe chez Tom mais personne ne semble là. Il hausse ses épaules dans une petite moue avant de partir du quartier pour se rendre là où le beau monde vit. Il se décide à aller voir Enora. Les gens se demandent souvent ce que la parfaite petite poupée riche peut bien faire avec des gosses de pauvres comme eux. Pourtant, ils ont une amitié extrêmement solide et rien ne pourra les séparer. Leo le sait. Il arrive au bout d’une vingtaine de minutes dans la rue de la belle. Lorsqu’il aperçoit une épaisse fumée venir de la maison, son cœur loupe un battement. Il court et découvre la demeure en proie aux flammes dévastatrices. « ENOOO ! » Il voit le chien de la famille qui aboie depuis le jardin, il entre pour le prendre et l’emmener chez des voisins qui lui confirment que les pompiers ont été appelés. Il entend les cris, les hurlements. Il ne réfléchit pas vraiment, mettant son bras devant sa bouche et son nez avant d’entrée dans la maison. Il grimpe à l’étage jusqu’à la chambre de la jeune fille. « Enooooo !! » Il a du mal à voir avec la fumée. Elle est là, au bord du malaise. Il ne sait pas où son ses parents, il n’a pas le temps de se poser la question. Il attrape la belle rousse dans ses bras et la porte contre lui, posant sa veste sur elle pour la protéger. Le feu redouble d’intensité. Il sent que ses poumons se consument, il sent que sa peau se fait lécher par les flammes. Il gémit par moment avant d’emprunter les escaliers. Une des marches cèdent sous son poids. Il tombe et la lâche. « Humpf… » Il gémit longuement avant de réussir à s’extirper non sans s’écorcher la peau. Il la récupère inconsciente au bas des escaliers, elle n’a pas l’air d’avoir été blessée. Il la porte à nouveau avant de se rendre compte que la porte d’entrée est bloquée. « Putain ! » ça vient du cœur, il se sent pris au piège. Il entend le chien japper, les pompiers arriver. Il recule et va à la cuisine pour sortir par la seconde entrée. D’un coup d’épaule, il arrive à sortir avec elle avant de tomber à genoux dans la pelouse, pris d’une quinte de toux immonde. Des pompiers arrivent pour les prendre en charge. On lui colle un masque à oxygène sur le nez même s’il lutte, il finit par capituler le temps de reprendre son souffle. Depuis ce jour, Eno est orpheline.

« Allez l’intello, dépêche-toi qu’on en finisse merde ! » Planqué dans un coin sombre, il regarde les deux abrutis, Tim avec le flingue et ce pauvre gars à genoux qui attend de recevoir cette foutue balle tout en chialant. Il grogne faiblement avant de se mettre assis. Gang de merde… Il est entré dedans en comprenant que Tom y était. Mais il n’a jamais voulu ça malgré son côté badboy. Lui qui déteste les ordres, le voilà servit. Pourtant, il a vite gagné l’estime et la crainte de tout le monde à agir comme il le fait. A se servir de ses muscles sans difficulté et à inspirer le respect et la crainte. Il a pourtant une bouille d’ange quand on le regarde comme ça, surtout quand il affiche son plus beau sourire. Il se décide à se lever et à aller vers eux. « Hey les affreux, aller faire les guets dehors ! Y’a du mouvement pas loin ! Faut être vigilent. » « Qu’est-ce que tu fais là le mioche ! Dégage. » Leo sourit en le fixant avant de venir se mettre en face de l’un deux et de le fixer. « Tu fais ce que j’ai dit… » Le second attrape le premier par le poignet. « Viens. Vaut mieux pas discuter avec lui. » Ils s’éloignent, Leo ne fait plus attention à eux. Il aurait dû pourtant. « Tom… qu’est-ce que tu comptes faire ? » « A ton avis ? » « T’es pas un meurtrier… » Il le sait. Tom n’est pas fait pour ça, il ne saura pas vivre avec ça mais s’il ne le fait pas, il va se faire démonter par le boss. Personne ne doit déroger aux ordres. C’est comme ça. Il attrape doucement le flingue dans la main de son frère avant de lui sourire faiblement et de se tourner vers l’homme qui sourit à son tour, lâchant un soupir de soulagement avant de s’écraser au sol dans une mare de sang. Leo a tiré sans même sourciller. Laissant la balle se loger dans la tête du malheureux pour en exploser une partie. Il s’essuie le sang qu’il a sur la joue avant de prendre un mouchoir pour retirer le reste. Il pose le flingue sur le sol. « Tom, donne-moi tes fringues et prends les miennes. » Il le secoue. « BOUGE ! » Il échange leurs vêtements rapidement, Leo se nettoie la face, puis ils sortent de là ensemble. Est-ce qu’il regrette ? Non. Ce n’était qu’un inconnu. Une vie certes, mais minime à côté de celle de son frère de cœur.

Il n’a plus pensé aux deux affreux. Il n’a pas pensé qu’ils allaient tout raconter. Il pensait que lui aussi allait recevoir une correction, mais non. Peu après ça, Tom disparu une nuit. Il parcourut la ville pour le chercher. Connaissant les endroits où le gang traînait, mais il n’y était pas. Le soleil allait se lever, il était désespéré. C’était sa faute à vrai dire. Il aurait peut-être juste simplement dû l’obliger à appuyer sur la détente au lieu de le faire à sa place. Ou alors buter les deux autres. Il s’arrêta à bout de souffle, se mettant accroupi en prenant sa tête dans ses mains tout en se maudissant au possible. Il se rongea un de ses ongles à sang avant de se redresser pour le chercher encore. Il le trouva dans une ruelle entre des poubelles. A moitié mort ou semi-vivant. Son cœur loupa un battement. Il l’attrapa sur son dos. « Tiens bon Tom. » Il hésita à l’amener à l’hôpital. Si les médecins se rendaient compte que c’est une leçon du gang, il n’allait pas donner cher de leur peau. « Putain. » Il le remit mieux sur son dos avant de le tenir puis de partir vers chez eux rapidement. Mais c’est trop tard. Il finit par s’en rendre compte qu’il ne sent plus son souffle faible sur sa nuque. Il s’arrête de courir avec les larmes aux yeux. Il a voulu sauver Thomas en tuant pour lui mais tout ça n’a fait que de le précipiter dans la tombe. Il a tellement, tellement voulu l’aider pourtant… Et maintenant. Le cœur lourd, il le ramène à sa famille. Quand les parents de jeune homme voient le cœur de leur fils ainsi, Leo se prend une gifle, puis une autre. La mère de Tom lui frappe le torse de rage. C’est sa faute, c’est forcément sa faute. Quand il se présente à l’enterrement, par colère, on le dénonce à la police parce qu’il n’a rien à faire ici. Quand il les voit arriver, il se défend, il refuse de se faire embarquer, il frappe, il insulte. Il prend un an pour tout ça. Un dans de prison, un an sans vivre et à ruminer la mort de Thomas, un an à éviter les lettres d’Enora et à lui renvoyer. Et maintenant, il est sorti depuis dux mois et c’est avec l’étiquette : Ex-délinquant et ex-taulard sur le dos. Chienne de vie.