milaël ❝ Give your heart a break ❞

J'enfile mes talons et tourne une nouvelle fois devant le miroir en lissant ma robe bleue électrique pour m'assurer qu'elle est bien ajustée.  Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Trish et je compte bien en profiter, ayant tout mon dimanche pour me remettre d'une bonne cuite. Quoi que la dernière en date a fini en l'une des plus grosses erreurs de ma vie, je ne ferai pas trop de folie. Mon téléphone vibre pour la quatrième fois et les mots " bouge toi grosse! " s'affiche sur l'écran. Je roule des yeux et réponds tout en descendant dans le hall, en prenant soin de ne pas m'étaler dans les escaliers perchées sur mes talons. Ce soir, c'est en taxi que je rejoins la maison de mon amie, je ne prends jamais de risque au volant depuis mon accident et tout le monde sait que l'alcool ne fait pas bon ménage avec la conduite. C'est Kyllian qui m'ouvre la porte et me serre directement dans ses bras, écrasant au passage le bouquet que je tiens à la maison. « Va doucement, tu ruines tout! » Je lui tire la langue en prenant une mine faussement boudeuse. J'arrive un large sourire aux lèvres dans le salon et fait la distribution de cadeaux ainsi que de bisous. En dehors de deux personnes, je connais tout le monde puisque nous sortons très souvent ensembles : le même petits groupes qui ramènent les mêmes " autre " amis et ainsi de suite. Quand la sonnette retentit, mon cœur se sert automatiquement. Je n'avais pas encore eut le temps de remarquer son absence. Sa voix s'élève dans le hall en me confirmant mes doutes, je baisse la tête pour ne pas croiser son regard lorsqu'il entre dans la pièce. J'enroule instinctivement mon doigt autour de ma chaîne à laquelle pend ma pseudo alliance en espérant qu'elle passe inaperçu. C'est con, je ne l'ai pas portée plus de 12 heures au doigt mais je n'ai pas eut la foi de m'en débarrasser totalement non plus. « Il ne manquait plus que toi chéri. Installez-vous, l'apéritif arrive. Trish, interdiction d'être en cuisine, on gère. Mila tu m'aides? » Je fais un signe de tête positif et suis Kyllian en cuisine sans me faire prier, soulagée qu'il vienne à la rescousse. « Merci. Qu'est ce que je peux faire? » « Je ne cherchais pas à te sauver bébé, j'ai vraiment besoin de toi. Et ne tire pas cette tête, comme si tu ne t'attendais pas à ce que Raph' soit là. » Mon regard noir se pose sur le sien, l'espace d'un instant j'oublie que nous devons passer une bonne soirée entre amis et qu'il est la personne la personne la plus adorable que je connaisse. J'ai envie de l’assassiner. Oui j'aurais du savoir qu'il serait là. Il l'a toujours été et notre rupture n'a rien changé, ce n'est pas la première fois que l'on se retrouve à une soirée ensembles mais séparés. Mais c'est une première depuis Vegas. Je pousse un long soupire, fourrant mes mains dans les gants de cuisine pour sortir les petits fours. « Est-ce que tu m'as vue râler? » Je lui adresse un large sourire qui dit clairement " je ne ferai aucun commentaire, rassure toi, sujet clos ". Hors de question de faire débat à l'anniversaire de T. Je reviens au salon plateau à la main et tout sourire, que je m’efforce de garder en voyant Raphaël assis juste en face de ma place. Nous ne leur avons jamais demandé de se départager pour ne pas se voir, mais personne d'autre que nous ne semble admettre que nous somme séparés. Toujours placé ensembles, toujours vu comme un duo alors qu'on parvient à peine à se supporter ces derniers temps.

L'apéro bat son plein et je suis pompette au bout de deux verres de champagne - es bulles ne m'ont jamais réussis. Trish lève enfin le sien et fait taire tout le monde en tapant exagérément avec sa cuillère dedans, ce qui me vaut une grimace. « Merci à tous d'être là. A mon anniversaire et aux nouveaux mariés. » Je manque de m'étrangler alors que son regard se pose sur nous successivement, excitée comme une puce. Quelques personnes nous regarde surpris et dans l'incompréhension, il faut dire que notre comportement ne laisse en rien supposé qu'on puisse être de jeune mariés. C'est bien simple, on s'ignore un maximum. « Hum... on est pas mariés. Pas ici en tout cas. » Je bredouille et pose les yeux sur Raphaël. Soudainement je m'accroche à lui comme à une bouée de naufrage, j'ai besoin de lui, qu'il nous sauve tous les deux. Il est hors de question qu'on se lance dans le récit de notre magnifique cérémonie ou mieux, notre lune de miel, passé avec une barre à la tête à se rejeter la faute. Je ne saurais même pas quoi en dire, ayant évité la conversation avec lui depuis notre retour, je nous vois mal l'avoir à table avec le poivre et le sel que chacun tiendra à ajouter.

Contrairement à ce que la plupart des gens peuvent penser, le fait de côtoyer les mêmes gens depuis des années n’a jamais été un problème pour moi. C’est agréable de les connaitre par cœur, de savoir déjà qu’il y aura à quelle soirée, de savoir quels délires il y aura également probablement. Du moins, d’ordinaire, c’est rassurant et agréable. Sauf que depuis quelques temps, les réunions entre membres de la bande avaient tout du calvaire. Trish m’avait harcelé pendant des jours entiers pour m’arracher finalement la confirmation de ma présence à sa soirée d’anniversaire. Elle faisait partie de ces personnes qui considèrent que leur anniversaire doit chaque année être un évènement à part entière du calendrier. Autant dire que chaque année, c’était le même cirque des mois à l’avance. Mais on la connaissait tous depuis suffisamment longtemps pour s’y être habitués, et accorder une indulgence blasée à ses excentricités mondaines. Inconsciemment ou non, je mets plus de temps que la normale à me préparer, traînant des pieds. Trish se fait bien entendu un devoir de me le reprocher sitôt la porte franchie. « Raf, trésor, tu sais combien je t’adore, on se connait depuis des années tout ça, tout ça. Mais si elle ou toi haussez le ton à la soirée, je te jure que je vous tue tous les deux ». J’émets un rire gêné. « T’en fait pas, avec un peu de chance elle boudera ». Mauvaise foi bonsoir. Trish fait la moue et m’entraîne dans le salon où nos amis sont déjà là. L’apéritif servi, Alvin et Sarah me font une place entre eux dans le salon, pile au moment où Mila surgit de la cuisine. Que les choses soient claires : ce n’est pas pour rien que je suis sorti avec elle pendant des années. Je cligne des yeux, incrédule, et la regarde se mouvoir parmi nos amis avec élégance. Alvin me donne un coup de coude sans le vouloir et je sursaute, mon regard lâchant Mila pour se concentrer sur la conversation alentour. Du coin de l’œil, je remarque que Mila prend place exactement face à moi, mais je m’obstine à me focaliser sur autre chose qu’elle. C’est loin d’être la première fois que l’on s’évite. Disons que notre relation a même toujours été chaotique, ponctuée de ruptures multiples et de réconciliations plus ou moins sincères. Le fait de partager un cercle d’amis commun avait de nombreux avantages mais pas mal d’inconvénients. Le bon côté c’est que quand on était encore ensemble, pas besoin de privilégier certains amis à d’autres comme dans le cas d’une relation normale. Le mauvais côté c’était que, comme dans le cas présent, j’étais bien trop souvent confronté à mon ex. Trish ne tarde pas à porter un toast, en reine de la soirée qui se respecte. « Merci à tous d'être là. A mon anniversaire et aux nouveaux mariés. » Grand silence. Je fronce les sourcils pour comprendre de qui elle parle quand je croise son regard, faisant volontairement la navette entre Mila et moi pour bien appuyer où ça fait mal. Je finis par regarder Mila à mon tour, laquelle s’étouffe littéralement sous nos yeux.  « Hum... on est pas mariés. Pas ici en tout cas. » Je suis surpris qu’elle n’en profite pas pour rejeter la faute sur moi, comme elle l’a fait tout le long du trajet de retour de Vegas. C’est bien simple, si on s’était adressé la parole depuis le voyage – ce que nous n’avons évidemment pas fait –, elle aurait continué encore et encore. « Non c’est valable qu’aux States. Heureusement d’ailleurs ». Quelques amis se mettent à rire. Comment leur en vouloir, la situation est complètement débile. Se retrouver marier après une soirée de beuverie à Las Vegas, on dirait le pitch d’un film, pas la réalité.