i wanna say, i lived each day, until I died. (charlotte)

« Charlotte ? Oh, franchement je ne sais pas trop comment la décrire…Elle a un côté mystérieux, une espèce d’aura qu’on arrive pas vraiment à déchiffrer du premier coup. Elle a cet air sage, prétentieux pourraient dire certains, mais je ne crois pas qu’elle se pense au-dessus des gens. Elle est un peu inatteignable au premier abord. Même après toutes ces années, j’ai encore parfois du mal à la cerner, et pourtant je vis avec elle, alors c’est pour vous dire ! J’adore son caractère, même si elle peut être un peu lunatique parfois. Mais elle est très proche des gens qu’elle aime. Il vaut mieux pour vous que vous n’ayiiez pas affaire à elle quand elle est en colère, c’est moi qui vous le dis ! » (Sara, sa compagne)

Charlotte Louise-Anna Devon est née un jour quelconque dans la capitale du Canada, un jour de mai, aînée d’une famille qui allait s’agrandir avec la venue de sa sœur, deux ans après. Ses parents sont des gens un peu décalés. Ils ont vécu toute leur jeunesse entre deux frontières, sa mère étant originaire de Suisse et son père de France. N’allez pas les confondre avec des gens cool et ouverts, ce n’est pas la vérité. Maëlle et Gaëtan sont, disons, particuliers. Ils s’aiment sans le montrer, ils se disputent régulièrement et on en vient même parfois à se demander comment ils ont pu s’entendre suffisamment longtemps pour faire deux enfants, si vous voyez ce que je veux dire. Même pour le deuxième prénom de la petite, ils ont cassé des assiettes et il y a eu des larmes de la part de Maëlle.
La blondinette n’est donc pas venue au monde dans un contexte idéal. A la maternité, Gaëtan n’a pas adressé un seul mot à sa femme et s’est contenté d’un regard rapide sur le bébé encore endormi dans la couveuse.
Que ta vie soit heureuse, petite Charlotte. Il va falloir travailler dur pour qu’elle le soit, mais ne dit-on pas que toute peine mérite salaire… ?

« Elle est hautaine. Moi je l’ai toujours trouvée trop perchée dans ses idéaux, genre le monde est meilleur si on est agréable avec ses proches. Mais c’est quoi cette lubie, sérieusement ? Ma sœur n’a aucune idée de la vraie vie. Elle ne sait pas la valeur des choses, elle ne sait pas à quel point j’ai galéré pour être à sa hauteur, pour ne pas être juste « la petite sœur de Charlotte ». C’était usant, à l’école et plus tard à l’université, tout le monde la connaissait, elle était populaire sans l’être parce qu’elle s’en fichait carrément d’être appréciée. C’est trop une nana bizarre. » (Nathalie, sa sœur)

L’enfance de Charlotte et Nathalie a connu des hauts et des bas. Charlotte était une enfant étrange, calme, appliquée, très ouverte aux autres sans vraiment l’être. Elle savait écouter les gens, mais les triait sur le volet. Elle a été appréciée par ses camarades dès la petite enfance, mais au fond elle se fichait bien d’avoir une petite cour d’élèves derrière elle. Elle cherchait simplement à être elle-même, c’était ce qui lui tenait le plus à cœur. L’adolescence n’a fait qu’accentuer ces traits de caractère. Sélective dans le choix de ses amis, elle s’est cherchée pendant des années, sans vraiment trouver de réponses à ces questions obscures qui noircissaient de plus en plus sa réputation. C’est à cette époque, où elle était complètement perdue, qu’elle et sa sœur se sont drastiquement éloignées. Nathalie voulait être la reine des abeilles, être admirée et adulée. Charlotte s’enfermait dans une quête d’elle-même, de sa vérité, qui l’amena à bien des idées noires.

« C’était à une soirée organisée par le comité des fêtes de la fac, c’était une de ces soirées où tout le monde finissait collé à quelqu’un d’autre, en train de l’embrasser comme si sa vie en dépendait, vous voyez le genre quoi. Charlotte ne venait jamais à ce genre d’évènements d’habitude, elle était trop solitaire pour céder aux invitations, pourtant répétées, de ses camarades. Et quand elle est rentrée, vous allez rire, mais je me suis immédiatement dit que c’était ma chance. Tout le monde sur le campus savait pertinemment que Charlotte était attirée par les filles, et cette fille m’attirait comme un amant…Je ne sais pas par quel miracle elle a accepté de me suivre dehors pour discuter, de m’embrasser et d’être ma petite amie pendant ces deux ans qui ont suivi. J’en reviens toujours pas ! » (Ashley, sa première petite amie)

Charlotte a été baladée entre Ottawa et Londres jusqu’à ses dix-huit ans. Ses parents faisaient régulièrement des excursions en France et en Suisse pour retourner voir leurs familles respectives, mais ces rituels s’arrêtèrent net lorsque Maëlle et Gaëtan divorcèrent, pour les dix ans de Charlotte. Ce fut Maëlle qui hérita de la garde de ses deux filles.
La jeune femme a choisi de suivre un cursus universitaire à Londres dès sa majorité atteinte, laissant Nathalie et sa perpétuelle rancune au Canada, avec sa mère. A la fin de ses études, elle n’eut d’autre choix que d’annoncer à ses parents et sa sœur qu’elle était lesbienne, étant en couple avec Sara depuis déjà trois ans. Sa famille lui a tourné le dos depuis, n’acceptant nullement le choix de vie de leur aînée. Malgré tout, la pédiatre a décidé de suivre le cours de sa vie et de se concentrer sur ce qui la rend heureuse.