ELLIE HAWKINS •• pocket full of dreams

♦ 3 mois et demi. Novembre 1990. BRISTOL, sud-ouest de l'Angleterre.
Les babillements d’un petit nourrisson dans un berceau, le pas d’une porte, une nuit fraiche dans le sud-ouest de l’Angleterre et une jeune femme blonde. La jeune femme ne semblait pas avoir plus de vingt ans, elle avait des poches sous les yeux et des cheveux blonds comme les blés en bataille trahissant son manque évident de sommeil. Devant elle, se dressait une grande porte rouge bordeaux avec le nom « Hawkins » noté en dessous de la sonnette. La jeune femme, répondant au prénom de Gaile, diminutif d’Abigail, connaissait cette porte, pour l’avoir franchie des centaines de fois au cours de ces dernières années. Elle poussa un soupir et plongea son regard dans celui bleue du nourrisson qui la regardait avec un grand sourire, en agitant ses petits poings serrés. Gaile était lasse et à bout de nerfs, elle pensait pouvoir assumer, elle pensait pouvoir y arriver, elle pensait pouvoir se débrouiller toute seule mais après neuf mois de grossesse, trois mois de nuits d’insomnies sans parler des réflexions incessantes et regards accusateurs des passants dans la rue, elle baissait les bras. Elle ne pouvait décemment pas élevé cette petite fille toute seule. La jeune femme avait donc décidé de dire la vérité au père et à la famille paternelle de sa petite fille. Au départ, Gaile voulait le laisser en dehors de tout ça, après tout il était jeune lui aussi, à peine vingt-et-un ans et toute la vie devant lui, comment pouvait-elle le forcer à s’occuper d’un bébé qu’ils n’avaient tout les deux pas désiré. Elle lui avait donc caché sa grossesse et son accouchement, même si ils avaient passé plus de trois ans ensemble.

Malgré tout l’amour qu’elle portait à sa fille, elle était trop faible mentalement et ses pauvres moyens ne lui permettaient plus de subvenir aux besoins de son enfant. En la laissant chez les parents de Gabriel, le père de sa fille, Gaile savait que sa fille serait bien traitée, nourrie, aimée comme la huitième merveille du monde. Aussi, la jeune femme savait que c’était lâche de sa part de laisser son nouveau-née à quatre heures du matin sur le pas d’une porte avec un mot épinglée sur une couverture, mais elle ne voulait pas affronter le regard des parents de Gabriel ou celui de Gabriel lui-même. C’est donc sur le pas de cette porte, emmitouflée dans deux couvertures en laine rose, que Gaile laissa Elliana, qu’elle avait nommée après sa défunte mère, sa fille de trois mois et demi, sa chair, son sang. Elle sonna à la porte plusieurs petits coups afin de se faire entendre et quitta le perron rapidement pour ne pas tomber nez à nez avec sa « belle-famille ». Gaile quitta la rue sans se retourner car elle savait qu’elle aller pleurer et regretter son choix. Alors qu’elle venait de tourner dans la prochaine rue, la porte bordeaux des Hawkins s’ouvrit sur un jeune homme brun mal reveillé qui écarquilla les yeux en voyant la petite fille dans le berceau avec ces quelques mots :

« Mon Gabriel,
Je te présente ta fille Elliana, elle est née il y a trois mois. Je sais que tu t’en occuperas très bien et mieux que moi. Je suis désolée de te l’annoncer ainsi mais je ne pouvais affronter ton regard, comme je peux affronter le sien, elle a tes yeux. J’espère que tu me pardonneras mon geste et qu’elle aussi.
Raconte lui notre histoire, raconte lui comme je l’aime. Et combien je t’aime aussi, pour le restant de ma vie.
A toi, à Elliana pour toujours. Abigail. »

♦ 16 ans. Septembre 2007. Londres, Angleterre.
« Elliana Hawkins, pour la troisième fois, viens diner s’il te plait. » L’écho de la voix forte de son père résonna à travers l’appartement d’Elliana et son père. L’adolescente soupira d’exaspération et ferma mon livre de géographie un peu trop brutalement. Elle était d’une humeur plus que massacrante aujourd’hui, comme toute la semaine passée. Ce soir, plus que tout autre soir, Ellie n’avait pas du tout envie de diner et encore moins avec son père et sa nouvelle « femme ». Enfin, femme, c’était un bien grand mot pour la blonde. Kirsten, la petite amie Danoise de son père, avait à peine plus de cinq ans de plus qu’Elliana. En la voyant pour la première fois, Ellie avait tout d’abord pensé que c’était une stagiaire de son père, c’était un scientifique et beaucoup d’étudiants voulaient en savoir plus sur ses travaux. Mais non, c’était sa nouvelle petite amie, cette pensée donnait à Elliana des envies de rendre son déjeuner. Il est vrai que depuis que la mère d’Ellie l’avait abandonnée sur le pas de la porte de son père seize ans auparavant, l’adolescente ne l’avait jamais vue avec une femme. Mais il fallait la comprendre, c’était son père, son père à elle et elle seule, elle ne voulait pas le partager avec une autre femme, aussi gentille soit-elle.

La jeune Elliana consentit à rejoindre son père et Kirsten à table non sans exprimer son mécontentement par des petits bruits inaudibles et incompréhensible pour une oreille humaine. Elle jeta un regard plus qu’assassin à la copine de son père lorsqu’elle s’assit à table. L’adolescence se servit un peu des lasagnes faites-maisons de son père, elle s’autorisa une de ses répliques sarcastiques envers Kirsten. « Kirsten.. Tu es encore avec nous ce soir à ce que je vois, tu ne rentres donc jamais chez toi ? » S’exclama-t-elle en penchant la tête, le regard mauvais. La jolie blonde se félicita de cette remarque acerbe de nouveau mais son père ne tarda pas à la réprimander sur son insolence persistante envers sa nouvelle amie. D’accord, c’était une adolescente de seize ans, mais selon son père, il ne fallait non plus exagérer, il y a un certain degré de respect à avoir et Ellie l’avait dépassé depuis bien longtemps. « Ellie s’il te plait, fais attention à ce que tu dis. Tu ne voudrais pas rallonger ton interdiction de sortie de deux semaines, n’est ce pas ? » dit son père avec un regard entendu. « Je te prierais d’être un peu plus gentille avec Kirsten, de la respecter, quoi que tu penses en penser vous n’avez pas le même âge» « On en douterai pourtant » répliqua Elliana avec acidité, en reposant son verre vide sur la table en formica. Elle se plaisait à être un peu démon remplie de sarcasme et d’ironie même si cela énerver son père au plus au point. Kirsten restée silencieuse jusque là, posa sa main sur le bras du père d’Ellie pour le calmer, elle ne voulait pas déclencher de nouveau une dispute entre le père et sa fille, elle a déjà été l’origine d’assez de disputes comme cela depuis plusieurs semaines.

Ce geste avait fait monter la sauce au nez d’Elliana, elle poussa un soupir d’énervement et repoussa sa chaise en arrière. Elle gratifia son père d’un « Ca me coupe l’appétit, je n’ai plus faim. Bonne soirée et bonne nuit. » dit-elle dégoutée. La jeune blonde se leva et retourna dans sa chambre sans se retourner, et elle ne comptait pas en sortir avant d’aller au lycée le lendemain matin. Elle ne supportait pas que cette fausse blonde soit accrochée au bras de son père  de la sorte, comme une moule accrochée à un rocher. En scrutant le plafond, perdue dans des pensées mauvaises, Elliana Hawkins se promit que cette amourette ne durerai pas, et qu’elle allait tout faire pour retrouver son père comme elle l’avait connue. Même si c’était très égoïste, elle le voulait pour elle et pour elle seule.

♦ 21 ans. Août 2011. Seattle, nord des Etats-Unis
Voilà un an jour pour jour qu’Elliana avait décidé de partir à l’aventure, de suivre son instinct de casse-cou et de faire le tour des Etats-Unis. Son sac à dos et quelques centaines de dollars en poche, Ellie était parti à la conquête américaine. Cinquante-deux semaines pour parcourir cinquante états, pari qu’elle avait réussie haut la main. En y repensant à deux fois, rien n’avait retenu Ellie à Londres. Après une rupture désastreuse et particulièrement éprouvante, son père et Kirsten qui avaient déménagé au Danemark définitivement, la jeune femme avait besoin de changer d’air. Et quoi de mieux que de partir en road-trip en solitaire à travers les cinquante beaux états des USA. Elliana était passé par New-York, Boston, Washington sans oublier Nashville, Springfield, ou San Francisco. Tant de villes visitées, tant de gens extraordinaire rencontrés. Pendant un temps, Ellie s’était prise pour Alexander Super-Tramp, le personnage d’Into The Wild, un de ses romans fétiches mais elle avait juste espéré de pas finir empoisonnée au fin fond de l’Alaska comme le héro de l’histoire. Dans un café de Seattle, où elle avait travaillait pendant une deux semaines, Elliana jeta un œil à son sac à dos, il était deux fois plus chargée qu’à son départ. Puis Ellie tourna ses beaux yeux bleus vers la rue et perdit dans le vide en repensant à tout ce qu’elle avait accomplie durant cette dernière année. En effet, elle avait bravé  toute sorte d’inconnues, passé outre les déboires financiers et les nuits froides à dormir à la pleine lune. La petite blonde émis un sourire en coin lorsqu’elle se rappela la souvenir d’une nuit de tempête dans le Wisconsin, où le toit de la grange où elle dormait pour la semaine avait manqué de s’effondrai sous la force du vent. Sur le moment, elle avait surement eu la peur de sa vie mais à postériori c’était une nuit assez drôle.

La jeune femme termina son café d’une traite, paya et sortit du café son sac à dos sur l’épaule. « Au revoir, Callie, on se voit demain » dit-elle en passant la porte du café. Evidemment, elle mentait, mais Ellie détestait les au revoirs et elle ne voulait pas décevoir la serveuse avec qui elle s’était liée d’amitié. Maintenant qu’elle avait passé une année à l’étranger, elle ne savait plus quoi faire d’autre. Elle prit alors la décision de rentrer à Londres, de recommencer une vie loin de ses frasques d’adolescentes. Après tout elle était tellement différente que lorsqu’elle avait seize ou dix-sept ans. Elle n’était plus si imbue d’elle-même ou arrogante, même si parfois sa nature d’enfant gâtée revenait à la charge. Elle n’était plus si pressée d’avoir des aventures même si elle pouvait ajouter quelques flirts américains à son « tableau de chasse », cette pensée fit rougir Elliana et elle chassa ses souvenirs et reprit son chemin vers l’arrêt de bus. C’était décidé, elle retournait à Londres. Il lui restait assez d’économie pour se payer un vol aller pour l’Angleterre, fort heureusement. La blonde aurait aimé passer par le Danemark pour voir son père et sa nouvelle femme, mais ça sera pour une autre fois apparemment. Il est vrai que dans sa jeunesse, Ellie avait beaucoup critiqué la relation de son père avec Kirsten, avec qui il était dorénavant marié et tous ses plans pour les faire rompre n’avaient pas du tout été concluants. La jeune femme a ainsi appris à vivre avec le nouveau couple et même à apprécier sa « belle-mère » mais elle préférait sauter dans un ravin plutôt que de l’avouer à voix haute. Le bus arrivant, Elliana s’installa et prit le chemin de l’aéroport le plus proche, elle était une nouvelle personne et une nouvelle vie l’attendait là où elle avait grandi. « C’est parti pour un retour aux sources » se murmura-t-elle à elle-même en regardant le paysage de la ville défilé devant elle pour la dernière fois.

♦ 23 ans. Aujourd'hui. Londres, Angleterre
*BIP BIP BIP BIP*  Elliana éteint sont réveil d’un geste machinal et regarda l’heure qu’il indiqué : sept heures du matin. L’heure de se lever, même si son corps et son esprit ne voulaient pas du tout. La jeune femme, allongée sur son lit à baldaquin, scruta le plafond de sa chambre, sa chambre d’adolescente avait subi beaucoup de changements depuis le temps. Tout comme sa vie. Après son retour des Etats-Unis, Elliana était retourné dans l’ancien appartement qu’elle partageait avec son père, avait remis sa garde-robe au gout du jour et avait rangé son sac à dos de voyage au fond d’un placard poussiéreux. Avec son diplôme de coach, Ellie avait décidé de devenir professeur de fitness et de donner quelques cours de yoga à l’occasion car elle avait toujours adoré le sport et que le yoga la détendait lorsqu’elle ne voulait penser à rien. Aujourd’hui célibataire, la jeune femme de presque vingt-quatre ans profitait des jeunes hommes, de ses amis, de la vie Londonienne etc.. En clair, elle se plaisait dans vie actuelle et la croquait à pleines dents et ne l’échangerai pas pour tout l’or du monde. « Ou bien, pour un ou deux lingots d’or » dit Elliana à voix haute, le sourire aux lèvre. Elle se leva de son lit, déterminée à affronter cette journée. Et toute les suivantes…