LONDON, 16/04/15 ❝ say something 'cause i’m giving up on you ❞ Mon nom est Romeo Davenport, j’ai vingt-quatre ans et bientôt, bientôt je vais épouser mon premier amour. Je sais que ça peut sembler être stupide et immature, mais j’en ai rien à foutre. Moi, tout ce que je veux, c’est être avec lui, lui et son gamin… Car s’il y a bien une chose que je désire plus que de lui dire oui, c’est bel et bien adopter le petit Noam. Seul ombre au tableau, ma mère. Elle refuse toujours d’entendre parler d’Elias, elle refuse toujours d’entendre parler de moi. Mais va savoir pourquoi, je continue d’y croire. Un peu comme un gamin qui continue de croire au père noël malgré les sous-entendus et les preuves qu’il peut croiser durant toute son enfance.
« Ok… on y est… c’est pas le moment de laisser tomber… » Paniqué, je finis par écraser mon doigt contre la sonnette. Derrière la porte, j’entends ma mère qui s’amène et je dois me retenir de partir en courant.
« Hé bien… tu en as mis du… » Surprise, ma mère se tait. Je ne suis apparemment pas la personne qu’elle attendait… Gêné, mal à l’aise et tout les synonymes que vous pourrez trouver, je force un sourire.
« Je dérange ? » Elle hésite quelque seconde avant de répondre en souriant.
« Non, non, pas du tout… entre mon chéri. » Toujours aussi gêné, je m’exécute et entre dans cette maison qui m'a vu grandir et dont je connais chaque recoin. Très vite, je me rends compte que nous ne sommes pas seuls. Merde c’est jeudi… et tout le monde sait que le jeudi c’est déjeuner avec les copines.
« Je peux repasser plus tard… » Après un coup d’œil à ses amies, ma mère lève les yeux au ciel comme si ce que je venais de dire était idiot ou sorti de nul part.
A croire qu’elle a oublié qu’elle me fait la gueule…« Non, reste, tu n’as qu’à manger avec nous ? Tu as déjà mangé ? » Je fais signe que non et souris au reste de la populace quand ma mère me pousse vers eux. Pas sûr de pouvoir me rappeler de tous les noms, je les salue sans prendre la peine de les nommer. Sauf peut être la mère de Sephora que je connais presque aussi bien que sa fille.
« Ca faisait longtemps qu’on t’avait pas vu Romeo… tu as l’air en forme. T’as pris un peu de poids non ? » Je souris et me retiens de lancer un
« c’est gentil » des plus sarcastique.
« Assis-toi, je vais rajouter un couvert… » Avec un hochement de tête – et un sourire toujours aussi gêné – je m’exécute et m’assois à côté de madame je-n’ai-aucun-problème-à-traiter-ton-fils-de-gros-devant-toi. Sur son chemin pour la cuisine, ma mère est surprise par la sonnette.
Chouette… encore plus de monde ! « Oh ! Cette fois je suis presque sûre que c’est Billy… » Sans vraiment le vouloir, je fronce les sourcils, toujours choqué de les savoir ensemble. Mais bon, qui suis-je pour dire à ma mère avec qui sortir quand on sait que je suis là pour lui faire accepter Elias. Sur le pas de la porte, Billy sourit avant de se pencher vers ma mère qui évite son baiser comme un adolescent essaie d’éviter la bise d’une grand-mère beaucoup trop expressive.
« Romeo s’est joint à nous… » Content d’avoir bousillé leur petit moment, je souris à Billy et lui fait un signe de main.
« Oh, Content de te voir Romeo… oh… » Je mets plusieurs secondes avant de me rendre compte du problème…
« Jolie bague… j’ai raté quelque chose ? » Dit-il finalement en fixant mon annulaire gauche. Merde…
« Qu’est-ce qu’il y a ? » Demande finalement ma mère qui était partie ranger le manteau de Billy. Malheureusement pour moi, elle ne met pas longtemps pour rejoindre le regard des autres. Et comme pétrifiée parce que qu’elle vient de voir, elle finit par quitter la salle à mange. Avec un sourire poli mais gêné, je me redresse presque aussitôt et la rejoins. Je ne voulais pas qu’elle l’apprenne comme ça, pas maintenant, pas devant tous ses amis.
Dans la cuisine, je retrouve ma mère, affairée à hacher des légumes qui le sont déjà beaucoup trop.
« Maman… » Sans tourner les yeux du plan de travaille, elle me dit de me taire. Sans vraiment savoir pourquoi, je m’exécute, laissant mon cœur tambouriner contre ma poitrine.
« Je t’aime et je t’aimerai toujours Romeo. Mais si tu es venu ici pour me dire que tu te maries avec lui… » Je fronce les sourcils.
« Elias. » Elle lâche un rire nerveux.
« Peu importe son nom, ce mariage est une vaste blague. Comme votre couple d’ailleurs. Et j’ai beau t’aimer Romeo, je ne peux pas aller contre ce en quoi je crois… » Cette fois, c’est à mon tour de rire. Ce en quoi elle croit ?
« Et depuis quand tu crois en Dieu toi ? » Touchée à vif, elle pose son couteau avec force et met plusieurs secondes avant de tourner les yeux vers moi. Des yeux qui trahissent sa haine et sa colère.
« Je ne te parle pas de Dieu. Je te parle de toi, je te parle d’Elias ! » Je ne comprends pas ce qui la gêne ; Si c’est mon homosexualité ou le simple fait que je sois avec Elias, un gars qu’elle connaît depuis longtemps, un gars qu’elle avait l’habitude de respecter.
« Tu serais pas la première à être contre le mariage de son fils… je te demande pas d’y croire, je te demande juste de venir. » Elle me fixe du regard et marque un temps d’arrêt.
« Non. » La boule au ventre, les larmes aux yeux, je suis incapable de répondre tellement sa réponse me prend de court.
« Je… » Je m’arrête presque aussitôt de peur de partir en sanglot et respire un grand coup.
« Pourquoi ? » Touchée par mon comportement, ou tout simplement à l’idée de me faire du mal, ma mère sourit, essayant de reprendre son rôle de mère compatissante.
« Il n’est pas fait pour toi mon chéri… » Elle contourne son plan de travail, se place en face de moi et prends mon visage entre ses mains. Me voilà redevenu un enfant.
« Tu n’es qu’une passade pour lui. Elias n’est pas gay. Il est juste déçu. Déçu par ce qui lui est arrivé avec Charlie… Et s’il reste, c’est juste parce que tu l’aimes ; tu l’aimes comme elle ne l’a jamais aimé… mais un jour, un jour il se rendra compte que ce n’est pas son cas… Et ce jour-là mon chéri, il va te briser le cœur. » Autant dire qu’elle à le chic pour taper là où ça fait mal. Car j’ai beau faire confiance en Elias, je dois bien avouer avoir quelques doutes. Pas tous le temps, pas tous les jours… juste quelques fois… et les entendre être dits à haute voix, ça n’aide pas à les faire taire.
« Il m’aime. » Son sourire s’élargit un peu plus et me déchire le cœur.
« Non. » elle finit par me lâcher et reprendre sa place.
« Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Que je le quitte ? Juste pour te faire plaisir ? » Elle pose les deux mains de chaque côté de son plan de travail et plante son regard dans le mien.
« Ce que je veux, Romeo, c’est que tu ouvres les yeux. » Comme exaspérée, elle lève les yeux au ciel avant de revenir sur moi.
« Ecoute, je ne te demande pas de choisir entre lui ou moi. Je dis juste que je ne serais pas là, point. » Plus elle parle et plus je la sens. La colère qui monte… et quelque chose me dit que la haine n’est pas très loin derrière.
« Pas besoin de me demander de choisir… mon choix est fait. » Sans un mot, elle finit par reprendre son activité. Je ne sais pas trop ce que je dois penser… je sais que j’y suis allé fort mais j’avoue être à bout et quand je suis à bout… j’en deviens blessant.
« Au revoir Romeo. » C’est donc ça… avoir le cœur brisé. Merci maman pour cette magnifique expérience...
Même pas deux minutes plus tard, je suis de retour dans ma voiture. Le cœur qui bat au ralenti, je me retiens de pleurer. J’ai juste l’impression que tout s’effondre. J’ai beau aimé Elias, j’ai beau aimé Noam, je ne suis pas prêt à abandonner ma mère. Laissant ma tête tomber contre le repose-tête de mon siège, je laisse rouler quelques larmes histoire de pouvoir les écraser d’un revers de bras. Ne reste plus qu’à me remotiver pour faire ce que j’avais à faire… plus facile à dire qu’à faire. Les yeux rouges, j’attrape mon téléphone et envoie un texto à Elias :
Ca va être plus long que prévu, j’ai croisé Sephora en ville… Hors de question que je lui raconte ce qu’il vient de se passer, pas maintenant du moins. Le connaissant, il serait capable de rentrer en guerre avec ma mère et c’est la dernière chose dont j’ai besoin. Bon… direction Ikéa. Hourrah !