Célian ◆◇ Time is Power

Chapter I: 1983. Southport, Caroline du Nord

Elizabeth et Romuald Atherthon s'aiment depuis bien des années maintenant. Ils se sont rencontrés dans cette jolie ville de Southport, alors que pourtant aucun d'eux ne s'attendait à ce que sa vie prenne un tout autre tournant. Ils se sont rapidement appréciés, puis aimés, puis enfin mariés. Un amour qu'il n'ont jamais cessé de consumer, s'aimant éperdument jusqu'à leur dernier souffle. C'était du moins ce qu'ils s'étaient promis le jour où ils se sont dit oui. En mars de cette année-là, Elizabeth  mit au monde un petit garçon qu'ils décident d'appeler Célian. Prénom d'origines celtiques, elle repense à son Angleterre natale en la personne de son nouveau-né. Petit blond aux yeux bleus, elle tombe sous son charme et ne cesse de l'admirer, de le chérir, ou tout simplement de l'aimer. En effet, Célian a grandi dans un cadre rassurant et aimant. Jamais un mot plus haut que l'autre, des parents toujours d'accord - ou presque - avec un point d'honneur sur certaines valeurs qu'ils n'ont jamais cessé de lui inculquer. Célian aime ses parents, il aime sa maison et ses jouets et il est heureux. Que demander de plus dans la vie d'un enfant ? Ses parents ne roulent pas sur l'or, mais ont de quoi lui offrir de jolis présents, le nourrir à sa faim et lui fournir un toit où dormir et du confort dans lequel il pourra grandir.

Chapter II: 1985. Londres, Angleterre

C'est à l'âge de deux ans que Célian prend l'avion pour la première fois. En effet, sa mère anglaise d'origines a pris la décision - en ayant au préalable discuté avec Romuald - de changer de vie et de retrouver sa ville de cœur, son pays, sa nation. Ses parents y vivent et cette impression de vivre sa vie loin d'eux lui est bien difficile. Romuald, quant à lui, ne connait pas l'Angleterre, mais grâce à toutes ces histoires que conte son épouse à leur petit garçon, il a hâte de découvrir, il est curieux de connaitre cet endroit que Liz ne cesse de vanter. Célian est trop petit pour réellement se rappeler de cette époque et sans doute est-ce la raison pour laquelle il a l'impression d'être né à Londres, et d'y être originaire. Même en Amérique, Elizabeth ne loupait pas une occasion de lui en parler. Alors il a grandi et sa vie n'en a pas été plus bouleversée que ça. Au contraire, il se sentira vite chez lui lorsque les années défileront, mais à deux ans, un enfant ne peut encore que l'ignorer.

Chapter III: 1988. Londres, Angleterre

A cinq ans, Célian est en âge de comprendre des choses. Pas toutes, mais certaines. Il est aussi en âge de faire certains choix, comme ce qu'il aimerait faire comme activité, ce à quoi il veut jouer ou encore ce qu'il aime ou ne pas faire. Lui, il aime déjà le sport et petit, il joue déjà avec Sam, son voisin qui vit juste en face de chez lui. Ils prennent plaisir à se renvoyer la balle sur la route en attendant qu'une voiture ne passe pour s'écarter. Et puis, à eux deux ils refont le monde à leur image en se gratifiant tels des super héros. C'est à cet âge que Célian se lance dans cette passion qui sera toujours la sienne même trente ans plus tard : le Rugby. Liz n'est pas tellement pour que son fils se fasse plaquer par des gros tas de muscles sur un terrain, mais Romuald est certain que ce genre de sport pourra le faire grandir et l'aider à s'endurcir. Plus tard, il pourra encaisser les coups facilement, parce que ne dit-on pas que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ? Dès son premier entrainement, Célian prend beaucoup de plaisir, il aime ce sport, il aime se défouler sur le terrain. Il ne voit pas le temps passé et lorsque le coach siffle la fin de l'entrainement, c'est une moue d'enfant triste qui se dessine sur son visage. Alors dans la voiture, il promet à son père de toujours continuer ce sport quoi qu'il arrive. Une promesse d'enfant, mais une promesse qu'il continuera à garder bien des années encore, ne serait-ce que pour partager cette passion avec son paternel. C'est aussi au cours de cette année-là que Lizzie accouche d'un deuxième enfant, une petite fille au doux prénom de Nawel qui fait le bonheur de toute la famille, mais aussi de Célian. Il joue son rôle de grand-frère à la perfection, et entre deux jeux se précipite près du berceau de l'enfant pour s'assurer qu'elle va bien. Il lui fait des grimaces, il lui caresse ses petites joues rosies, il lui envoie des bisous. Dès cette année-là, il éprouve un amour fraternel et inconditionnel pour sa petite sœur qu'il jure de protéger toute sa vie.

Chapter IV: 1990. Londres, Angleterre

Deux ans plus tard, Célian a eu le temps d'apprendre à vivre sa petite vie de garçon, mais aussi à apprécier Solyne, la sœur adoptive de Sam qui est de loin l'un de ses meilleurs copains. Oh, elle est mignonne comme petite fille, mais les filles c'est chiant, aime-t-il crier sur tous les toits. Sa sœur à lui est bien trop petite, mais pourtant il a l'expérience à l'école, bien que Solyne est moins chiante que les autres, mais tout de même, c'est par principe. Ce qu'il n'a jamais imaginé, c'est sans doute qu'on le demande en mariage à l'âge de sept ans. Il n'y avait qu'elle pour avoir cette idée-là dans la tête, mais vraiment il ne s'y attendait pas. Alors lorsqu'elle lui a tendu cette cravate dans le jardin après l'avoir embrassé. Automatiquement, il s'essuie la bouche et regarde le morceau de tissu avec beaucoup d'interrogation dans le regard. A côté de lui, Sam se marre déjà et pourtant il participe à cette mascarade, puisqu'il semble jouer un prêtre. Célian le regarde lui, puis sa sœur et un peu plus loin leur père qui sourit à pleine dents. A croire qu'il n'y a que lui que ça ne fait pas rire, puisqu'il lui balance cash qu'il ne veut pas se marier et que les cravates c'est pour les vieux, avant de rejoindre sa maison pour jouer avec ses jouets. De toute façon, il va devoir partir à son entrainement, mais autant dire que cette histoire de mariage l'aura bien mis en colère, ce petit gars. Alors pendant quelques jours, ils boudent chacun de leur côté, jusqu'à ce que ça passe et que finalement, elle devienne peut-être la seule fille qu'ils acceptent dans leur petit groupe de copains. Encore que Célian la tolère, mais pas tous. Mais lui il s'en fout, parce que malgré le fait qu'il ne veut pas se marier, il l'apprécie beaucoup la petite Solyne.

Chapter V: 1998. Londres, Angleterre

Comme tous les garçons de son âge, à quinze ans, Célian s'intéresse aux filles. Si petit ils les trouvaient chiantes, collantes et pleurnichardes, désormais il les trouve jolies et plutôt intéressantes. Celles de sa classe le sont, en tout cas. Avec son groupe de potes, ils se constituent chacun un tableau de chasse et celui qui le rempli le plus rapidement devient une sorte de playboy, ou bien simplement un de ces gars populaires de l'école. Un palmarès qui fait envie à Célian, et qui se prend au jeu du tableau de chasse. De là vient son goût pour les soirées, les fêtes, mais surtout pour les filles. Malgré tout, il reste présent pour sa meilleure amie, ne voyant pas cette pointe de jalousie lorsqu'il osait arborer ces nouvelles cibles avec elle. En même temps, est-ce une discussion à avoir avec une femme ? Même si celle-ci n'a que 15 ans, comme lui ? Alors qu'il lui montre de loin celle qu'il compte bien tenter d'avoir avant la fin du weekend, il ne comprend même pas pourquoi tout d'un coup, elle se lève et s'en va. Il se contente de la regarder partir, puis repose ses yeux sur cette jolie blonde. La fois d'après, ils se retrouvent tous avec la copine du moment de Célian. Une jolie brune cette fois et il ne faut que quelques minutes à Solyne pour s'enfuir à nouveau. Cette fois-ci il prend la peine de la rejoindre pour voir ce qu'elle a, jusqu'à ce qu'elle lui jette son agacement à la figure. Célian ne cherche pas tellement à comprendre, mais c'est à ce moment qu'il a envie de croire ses potes lorsqu'ils lui disent que les meufs sont trop compliquées. Il ne comprend pas trop ce qu'a sa meilleure amie pour le moment, mais ça va lui passer, se dit-il.

Chapter VI: 2000. Londres, Angleterre

Plus le temps passe, plus il continue sa petite vie de coureur de jupons et pourtant il se rend compte aussi que le temps qu'il passe avec Solyne lui procure bien plus que ce que ces autres filles lui offrent. Certes, c'est toujours agréable et distrayant, mais Solyne c'est… Solyne. Il aime passer du temps avec elle autant qu'il déteste voir d'autres garçons lui tourner autour. La jalousie, mais encore faut-il qu'il l'admette. Pourtant, il aimerait lui en parler, peut-être essayer de prendre la température, ou bien lui dévoiler ses sentiments, cash. Ce qu'il ressent lorsqu'il est avec elle, mais surtout le manque quand elle n'est pas là, quelque part. Sauf que depuis quelques semaines, il y a ce nouveau venu au lycée. Il est beau, il semble gentil et intéressé par elle. Il est gentleman, il n'y a pas de doute, mais il n'est pas bien pour Solyne. Célian le sait, ou du moins c'est ce qu'il se force à croire. Jamais elle ne s'entichera d'un bouseux pareil, pense-t-il avec beaucoup d'amertume. Et pourtant, le jour où il s'apprête à lui parler, elle ne cesse de lui raconter son rencard avec ce Maéven. Elle ne cesse de lui conter ce qu'elle ressent, ce qu'elle veut. Elle lui brise le cœur un peu plus à chaque fois qu'il la regarde avec ce sourire béat alors qu'elle lui parle d'un tout autre que lui. Finalement, il lui prétexte un entrainement de dernière minute et l'abandonne là. Il essaie juste de sauver sa peau, ou plutôt son cœur. Il en vient même à penser qu'elle se venge de son refus de passer la nuit avec elle, à lui prendre sa virginité alors qu'il se fichait pas mal de le faire avec d'autres. Lui, il voulait juste qu'elle vive un moment parfait, avec quelqu'un qui l'aime en retour, ce qui n'était pas son cas à l'époque. Célian prend du recul, et plus les jours passent, plus ses potes prennent de l'importance alors qu'il limite les moments passés avec Solyne.

Chapter VII: Les années 2000. Londres, Angleterre VS USA

A la fin de ses dix-neuf ans, Célian entreprend des études afin d’être agent sportif. Des études qui le passionnent et qui font de lui un parfait négociateur, mais pas seulement. Gérer des stars dans le milieu sportif, autant dire qu’il adore, qu’il adhère. Avec Solyne ils ont gardé contact, mais plus autant. Lui continue ses moments éphémères avec les filles alors qu’elle est partie faire ses études ailleurs. Elle lui manque, mais il sait aussi qu’elle a fait d’autres choix, et que lui doit aussi faire les siens.

Les études terminées, il décroche des contrats, d’abord des moins important, puis lui aussi arrive à se faire son propre nom dans le domaine du sport. Il n’est pas un professionnel, comme ces gars pour qui il travail, mais il a des propositions alléchantes qui nourrissent son compte en banque. Lorsque Solyne lui apprend qu’elle va se marier, il essaie de lui montrer une joie qui n’existe pas. Il se force à être content pour elle et lui souhaite le meilleur, bien qu’il n’ait pas envie de croire en ce mariage. Il aurait aimé que ce soit lui, au lieu de l’autre navet. Mais n’en dit rien. Il n’est d’ailleurs pas présent à son mariage, mais prend le temps de lui envoyer un bouquet de fleur avec une jolie carte, s’excusant de son absence mais « le devoir l’appelle ». Il fait les allers et retour entre Londres et la Caroline, entre l’Angleterre et les Etats-Unis tout simplement.

Son travail, les soirées, les femmes, les fêtes, le travail, le sport, le travail. Tout ça rythme la vie de Célian et parfois, quand il a un peu de temps, il le prend pour ses parents, pour sa sœur et pour Solyne. Ca devient plus compliqué pour lui, parce qu’il ne pense qu’au travail et à cette vie qu’il mène, qui le propulse loin dans sa carrière. Il est heureux. Peut-être pas en amour, mais il est persuadé qu’il n’est pas fait pour ça. Et puis c’est pas très grave, parce qu’il compense avec ces instants purement physiques avec des femmes toutes aussi belles les unes que les autres. En apprenant que sa meilleure amie est enceinte, à nouveau c’est son cœur qui se brise un peu plus. C’est aussi une occasion pour lui de s’éloigner un peu, alors qu’ils ne sont déjà plus aussi proches que dans le temps. Il lui souhaite à nouveau beaucoup de bonheur et fait même parvenir une jolie peluche en forme d’éléphant, toute douce pour la prochaine naissance du bébé. Il prend des nouvelles à travers Sam avec qui il a toujours gardé contact, un contact plus récurant, mais à qui il a demandé de lui épargner les conversations dont Solyne en est le principal sujet.

A son retour à Londres après une semaine éprouvante, Célian prend le risque de monter au volant de sa voiture malgré les heures de sommeil manquantes. Il est épuisé, il ne rêve qu’à dormir et pourtant, il prend sa voiture pour rejoindre sa maison. Les réflex ne sont plus les mêmes et la précipitation le pousse à être plus sauvage que d’habitude en voiture. Il percute violemment un autre véhicule, de quoi lui faire ressentir un véritable électrochoc. La lèvre et l’arcade en sang, il s’approche de l’autre véhicule afin de venir en aide au conducteur, lorsqu’il remarque qu’il le connaît. Ce visage, il l’a détesté et plus jeune, il a même espéré qu’il se prenne un poteau à plusieurs reprises. Maéven, ou plutôt l’homme qui a épousé sa meilleure amie à sa place. A cet instant, ses pensées se tourne vers elle, et il fait tout pour essayer de le sauver, de le garder en vie jusqu’à l’arrivée des secours. Lui, il va bien. Ou plus ou moins. Il est sonné, il est complètement anéanti, complètement perdu et épuisé. Le sang continue de couler sur son visage lorsqu’il se rend chez sa mère après un check up rapide à l’hôpital. Au fond, il espère que Maéven s’en sortira, mais lui ? Lui il est responsable. Deux jours plus tard, Célian prend la peine d’appeler sa meilleure amie en apprenant la naissance de l’enfant. Il veut s’assurer qu’elle surmonte à cette épreuve. Il aurait sans doute aimé être là auprès d’elle, mais il n’est pas certain de pouvoir la regarder en face alors qu’il est celui qui a fait d’elle une femme veuve. Certes, elle n’en sait rien, à cause de l’anonymat que Célian a exigé, mais lui il le sait, et supporter le regard inondé de larmes de Solyne, c’est au-dessus de ses forces. Il ne se rend pas à l’enterrement non plus, il n’en a pas la force ni le courage. Il se terre dans sa bulle pendant plusieurs semaines, dans son monde et ne remet pas les pieds en Angleterre avant deux, trois, quatre mois peut-être. Son travail, toujours son travail. Ou plutôt, c’est lui qui le provoque pour oublier qu’un jour, il a été responsable du malheur de sa meilleure amie.

Depuis deux semaines, Célian se retrouve à Londres, pour de bon. Il vient tout juste d’enterrer son père, une épreuve qu’il surmonte en restant de marbre face au chagrin de sa sœur et de sa mère. Il vient tout juste de racheter une maison, qu’il n’a pas encore pris le temps d’arranger. Elle est pleine de cartons, des cartons qu’il ne prend pas le temps de défaire. Il a son travail, il se noie dedans parce que c’est beaucoup plus facile que d’affronter ses erreurs, mais aussi son passé.