«
Cette fois vous avez été trop loin Bardens.»
L’odeur de tabac dans le bureau n’est pas inhabituelle. Pas plus que le confort précaire de la chaise sur laquelle il est assis, ni même les mots prononcés par un chef aux épaules tendues et au ton peu enjoué. Voilà plus de dix ans qu’il est sous ses ordres et un bon nombre de fois, ce genre de sermon à eu lieu. Seulement cette fois-ci, ils n'étaient pas seuls dans le bureau et l’affaire était plus grave. «
Ce n’est même plus les bornes que vous avez dépassez aujourd’hui malheureusement, lieutenant…» entama la jeune capitaine sans décrocher les yeux de la fenêtre contre laquelle elle était appuyée. En bas, le tintamarre des journalistes continuaient sous ses yeux curieux. «
De la pure insubordination, voilà ce que c’est. Votre rôle et celui de votre équipe était clair, rester en retrait et confiner la zone.» «
Le temps pour vous de quoi. Arriver ? Négocier ?… Tout le monde serait mort à l’intérieur de ce truc. J’ai agis pour le bien de tout le monde.» «
En mettant vos collègues et les otages en danger ? Pour quoi ? Pour de la gloire ? Pour votre nom en tête des journaux de la ville ?» Le ton monte entre les deux hommes se défiant du regard, chacun campant comme toujours sur sa position. C’était encore une histoire de prise de risque, d’ordres bafoués. Les reprochent étaient les même à chaque fois et seulement les circonstances diffèrent, ainsi que les conséquences de ses actions. Dans un lourd souffle, Gregory se laisse retomber contre le dossier de sa chaise, bougonnant un «
Non.» sincère, mais qui n’allait pas arranger la situation. Un nouveau soupire se fait entendre, cette fois, il émane du capitaine Carver qui finit par décrocher son regard de la foule dehors pour les poser sur lui. «
Gregory...» au ton de sa voix et à l’utilisation de son prénom, il devient tout de suite inconfortable, comprenant que la conversation allait devenir plus personnelle, et ça, ça ne l’enchantait pas beaucoup. Malgré le regard noir qu’il lui lançait, cela n’empêche pas sa patronne de dire ce qu’il ne voulait pas entendre. «
Je sais pourquoi, tu as fait ce que tu as fait. Mais ca n’en fait pas une bonne raison.» Les sourcils se froncent et les poings se serrent. Elle, connaissait son passé. La raison même de sa présence dans ce bureau. L'événement même qui l’avait conduit à devenir un flic comme eux. Il avait treize ans, quand c’est arrivé. Un braquage comme cela arrive parfois d’un magasin au beau milieu d’un centre commercial. Il faisait parti de la dizaine de clients qui, tout comme sa mère, les genoux à terres et les mains derrière la tête, ont assistés impuissants à la mort d’un innocent ayant voulu jouer les héros en s’attaquant aux ravisseurs. Tout ça à eu lieu pendant les interminables négociations d’une police apparemment inactive. Si avec le temps le traumatisme a fini par se calmer le souvenir n’en est pas moins désagréable et est toujours sujet chez lui à des cauchemars ou moment de panique ou les images, toujours aussi vives, font resurface. C’est ce que Rory tente de chasser de son esprit en serrant les poings, les yeux fixant le bureau métallique. «
Quelqu’un est mort. Toi, Suarez et un gamin avaient été blessés…» C’était vrai. L’un des assaillants était mort et dans le feu de l’action, l’adolescent que l’homme tenait en otage a été blessé par l’un des tirs tout comme eux l’avaient étés. Suarez s’en sortait avec un tir au bras et lui, c’était la cuisse qui avait été éraflée par une balle et rafistolée par l’équipe médicale dépêchée sur place. Ils ne craignaient pas pour leur vie, mais visiblement, ce détail ne suffisait pas à arranger la situation. Pas plus que le tiers de million de dollars en bijoux qu’ils avaient sauvés des poches des assaillants. Ce qui inquiétait, c'était le procès qui allait lui tomber dessus et les journalistes en furie dehors. «
Sauf votre respect, Megan..» Il n’a pas le temps de continuer que la voix du Commissaire s’emporte, stricte. «
Vous êtes suspendu Bardens. jusqu’à nouvel ordre. C'est ma seule option à l'heure actuelle. J’ai des vautours qui m’attendent dehors et des explications à donner. »
Une fois hors du bureau, qu’il devait de nouveau tenir debout, la douleur dans sa cuisse se fait de nouveau sentir lui tirant une grimace à chaque pas qu’il faisait en direction de son bureau. Autant dire qu’il n’était même pas arrivé à mi-chemin que la porte récemment fermée ne s’ouvre derrière-lui et que Megan n’en sorte. D’un pas rapide elle le rattrape a l’entrée de son bureau contre lequel il s’appuie, les bras croisés contre son torse. Clairement il lui en veut un peu. «
Greg…» La jeune femme murmure presque son nom, abandonnant la formalité qui leur était obligatoire en présence de leurs collègues. Elle se rapproche de lui, sa main retrouvant sa place habituelle dans la masse épaisse de cheveux bruns. Il soupire, encore, toujours. Fatigué, de cette journée interminable et d’entendre les reproches des autres. «
Ne commence pas Meg, tu sais très bien que ça va servir à rien.» Il entend son rire, discret, avant que ses mains ne glissent jusqu’à ses joues, remontant son visage vers le sien pour qu’il soit forcé de la regarder. «
Je sais que t’es borné, c’est ça que j’aime chez toi tu le sais bien.» La réflexion le fait sourire et quelques secondes plus tard, ses lèvres sont sur les siennes pour un court baiser qu’il aurait aimé faire durer, mais impossible ici. Voilà un peu plus d’un an qu’ils étaient ensemble et jusque là, ils avaient été assez discrets pour que personne ne dise rien. Tout le monde savait pourtant, il a suffit de quelques incidents pour que le bruit se propage à tout le bâtiment comme une traînée de poudre. Personne n’osait faire de réflexion à leur capitaine, simplement. Bien entendu cela ne leur donnait pas l’autorisation à faire n’importe quoi, et la discrétion était toujours à l’honneur pour elle. Malgré ses plaintes, la brune se dégage, les mains reprenant leurs place derrière sa tête. «
Comment va ta jambe ?» «
Je vais survivre, cet imbécile était pas foutu de viser.» Le sourire se dissipe et les doigts noués autour de sa nuque se tendent, l’humeur changeant avant même qu’elle n’expose les soucis qui l’attendait. «
Écoute. Même si vous lui avez sauvé la vie, il y a bien des chances pour que la famille du gamin porte plainte contre toi. C’était toi qui était en charge» Il râle, se faufilant en dehors de son étreinte pour se mettre derrière son bureau. «
Qu’ils le fassent. C’est l'Amérique, tout le monde porte plainte contre tout le monde dans l’espoir d’avoir un paquet de fric.» «
Tu peux arrêter d’agir comme si tu te fichais de tout ? On parle de ton travail ! De ta carrière, et de la mienne ! » Le ton hausse, et la réalisation survient lorsque cette dernière phrase quitte ses lèvres. Peut-être que ce n’est pas tant les ennuis qu’il allait avoir qui lui posent problème. Rory la jauge des yeux, quelques instant, espérant voir dans son regard une certaine inquiétude, mais celle-ci a été remplacée par de la colère. Le silence est brisé lorsqu’il se remet à parler, plus fort encore. «
C’est ça qui t’inquiètes, hein? TA carrière. Qu’est-ce qu’ils vont penser de toi, la grande Capitaine Megan Carver, qui sort avec un de ses officiers déjà, mais un qui tire sur des gosses par dessus le marché ! Tu sais quoi ? Je m’en fiche. Il est vivant, c’est tout ce qui m’importe. Alors me fait pas plus perdre de temps et dis-moi directement ce que tu veux tant me dire au lieu de tourner autour du pot.» «
Greg…» Le surnom l’irrite à force, utilisé uniquement pour les reproche ou quand il faut se faire pardonner quelque chose. «
Ne me "Greg" pas encore, Megan. Dis-moi que j’ai tord et on verra ensuite.» Pourtant rien ne vient et les yeux d’ambres face aux siens se baissent, cherchant peut-être les mots à dire. Ce n’est pas la première fois que cela lui arrivait. Après tout, baladé de familles d'accueils en famille d'accueil alors qu’il était encore enfant, le fait d’être considéré comme nuisible ne lui est pas inconnu et presque accepté. «
Tu vois.» Une évidence, qu’il accepte simplement en soulevant ses épaules lourdes. «
J’suis désolée...Je tiens à ce job plus que tout tu le sais bien.» «
Je sais, ne t’en fais pas. Tu ferais mieux de partir. Faudrait pas qu’on te voit avec moi.» Sans plus un mot elle se retourne et quitte la pièce, refermant derrière-elle la porte du bureau.
Et c’est comme cela, que tout s’est enchaîné
*------------------*
La purée de petit pois dans sa barquette est poussée à l’aide d’une frite, comme si tapoter dessus allait faire jaillir un démon de l’amas verdâtre. «
Je comprendrais jamais, pour être honnête. » Il fini pas s’annoncer vaincu en avalant la frite, mâchant à peine sa nourriture sous le regard amusé de sa sœur, assisse à côté de lui. À la télévision un film qu’il n’a suivit qu’à moitié, étant encore rentré tard - où tôt, tout dépendait de la vision des choses - du travail ou attendait à la maison un fish and chips et sa sœur, affalée aux pieds du canapé. «
Cherche pas à comprendre et mange, imbécile. » le coup de coude qu’elle tente de lui donner est esquivé de justesse par le brun, faussement agacé. «
Me parle pas comme ça, je suis l’ainé. » «
Pas vraiment. »«
CElle n'est pas là ça compte pas. » En réalité il était le second né après leur grande sœur, Mia, mais c’était un détail qu’il préférait oublier, surtout maintenant qu’il partageait un appartement avec son autre sœur à l’autre bout du monde. L’appartement était assez grand pour qu’ils ne se marchent pas dessus tous les deux, mais surtout, leur permettait d’avoir un toit. Si sa sœur pouvait sûrement se le permettre ce n’était pas encore son cas à lui, fauché comme les blés après le procès interminable qui l’avait laissé sans argent et sans travail, il y a de cela un an et demi. De quoi plomber soudainement son moral alors qu’ils étaient assis tous les deux devant le canapé et non dessus, un souvenir de leur enfance partagée ou c’était leur place, à tous les deux. Après une ou deux autres frites dans le silence seulement perturbé par le film, elle reprend la conversation, le sentant distrait. «
Comment ça va, le travail ? » «
Je dois vraiment répondre ? » Depuis un an qu’il travaillait sous les ordres des Huxley, Gregory passait le plus clair de son temps au travail et ne rentrait que très rarement chez lui, tard dans la nuit ou trop tôt dans la mâtiné, passait le maximum d’heure lui étant accordée à dormir et émergeait que lorsqu’il lui fallait retourner à son poste. Lorsqu’il n’était pas trop occupé à dormir, comme ce soir - où Maxine était partie en voyage d’affaire sans lui, il n’était pas rare non plus de l’entendre râler à propos de sa patronne et de ce qu’il pouvait subir sous ses ordres. De quoi le rendre chèvre souvent, Maxine étant toujours si imprévisible et bornée quand elle pouvait s’y mettre. Après un an à ses côtés il pouvait se féliciter, puisqu’il était resté plus longtemps que n’importe lequel de ses prédécesseurs. C’était le huitième. Huit types avant lui ont fini par abandonné ou se sont fait viré de ce job qui certes, payait très bien et lui permettait de remettre un peu la tête hors de l’eau, mais qui était aussi épuisant. Le regard appuyé de sa cadette lui fait comprendre qu’il doit effectivement répondre, qu’il soit content ou non. Ce n’est pas vraiment quelque chose qu’il a envie de faire, puisque quelques jours plus tôt l’impensable s'était produit, et il ne savait toujours pas quoi en penser. Assis dans les toilettes de l’un de ces luxueux restaurants où il ne sait jamais trop comment se tenir, il avait prit dans ses bras celle qui refusait son contact d’ordinaire. Pire, puisqu’après quelques minutes passées à consoler Maxine, ils se sont embrassés. C’est quelque chose qu’il n’avait jamais envisagé un jour, se contentant de faire son travail sans plus de familiarité. Aujourd’hui les choses sont un peu différentes et il ne sait plus vraiment quoi faire, ses joues virant au rouge soudainement rien qu’en repensant à la gêne qui avait suivi cet instant. «
On...On va dire que ça va. » dit-il avec nonchalance, essayant de faire mourir la conversation le plus tôt possible. «
Je croyais que c’était un tyran ? » «
Elle est pas si...C’est...compliqué, on va dire. » Augmenter le son de la télé ne semble pas avoir grand effet sur sa sœur pour la convaincre d’arrêter la conversation. Au lieu de cela, il sent son regard sur elle, curieux comme toujours, jusqu’à ce qu’elle baisse les yeux vers Nublar, le chat allongé à moitié sur son maître. «
J’en crois pas mes oreilles...C’est toi qui ronronne ? Ou bien c’est Nubi ? » Le sourire satisfait nait sur le visage de la jeune femme lorsque le visage de Gregory se fronce, ronchonnant - quelque chose de tellement habituel chez lui, mais d’aussi très satisfaisant à regarder. «
Arrête un peu, j’ai dit qu’elle était pas si chiante c’est tout. Je tiens à mon taff, c’est pas Nub qui va te payer la moitié du loyer. » Le chat, qui entend vaguement son prénom s’étire sans pour autant bouger de sa place. «
Dommage, c’est un bien meilleur coloc que toi. » «
Mais c’est moi qu’il préfère. » C’est à son tour de râler en avalant une nouvelle frite sous le regard amusé de Rory. La conversation s'étouffa aussi vite qu’elle était née et il en était plus que ravis, préférant se concentrer sur le film, et tout oublier.
Il vallait mieux tout oublier. .