(mjw) i was born to be a rockstar.

Matthew possède la pire place dans la fratrie. Il est le dernier des frères, mais il n’est pas le cadet pour autant. Non, il a une sœur, plus petite que lui de quatre ans. Elle, elle a la bonne place. C’est la princesse de la famille et on ne peut rien lui refuser. Certes elle a cinq grands frères protecteurs et cela doit être étouffant, mais Matthew doit avouer qu’il envie un peu la place. Avec ses frères, cela n’a jamais très bien collé. Ils s’aiment oui. Du moins, Matthew pense qu’ils s’aiment. Mais Harry, James, Amory et Theodore ont toujours passé leur temps à embêter Matthew et ce, qu’il est cinq ou quinze ans. C’est le petite frère, celui à qui l’ont passé une main dans les cheveux, qu’on taquine sur sa copine et qu’on accuse des bêtises. Parfois, Matthew a vraiment l’impression d’être un souffre-douleur. Cela fait seize ans que ça dure, et il en a sincèrement marre. Ses parents semblent être totalement aveugles face à cela, et il a depuis longtemps abandonné l’idée de se faire remarquer. Il fait ce que tous les gamins de son âge font quand ils n’ont pas assez d’attention de leur parent. N’étant pas capable d’avoir des notes prodigieuses en classe, il se met à faire des conneries. Fumer des joints, faire le mur, être insolent avec les profs. Rien ne fonctionne, c’est comme si ses parents étaient insensibles à ce qui lui arrivaient. Les grands frères l’engueulent et lui font la vie plus dur, il a droit à des tonnes de remarques, comme quoi il est la honte de la famille, le vilain petit canard. Mais il s’en fiche royalement car lui il veut l’attention de ses parents et il ne parvient pas à l’avoir. Seul Lea, sa petite sœur, s’en soucie. Elle le fait à sa façon, avec des mots doux et des câlins au détour d’un couloir et cela serre le cœur de Matthew à chaque fois, car il déteste lui faire de la peine à la petite princesse. Mais l’envie de réveiller ses parents et plus fort alors il n’arrête pas. Il fugue durant cinq jours et la seule chose à laquelle il a droit, c’est une engueulade de son père, qui ne semble pas vraiment inquiet de la situation. Il se prend une baffe de la part de chacun de ses frères, et il crie en retour, n’en pouvant plus d’être traité comme un raté. Sa vie il la déteste. Il veut oublier ce que c’est, il veut oublier qu’il est le vilain petit canard. Alors il fait la seule chose qui lui vient à l’esprit pour oublier ; il boit. C’est débile et totalement irréfléchi, mais il le fait quand même. Les premières fois c’est grisant. Il se sent bien et il a l’impression que cela lui fait plus d’effet qu’un joint. Il est relativement raisonnable au début. Il en prend juste assez pour être joyeux. Mais il finit par en prendre plus, jusqu’à ne plus se souvenir de son propre nom et de faire des conneries plus grosses que lui. Il oublie, totalement. Et il s’oublie lui-même, par la même occasion. A seize ans, il devient alcoolique, cachant des bouteilles d’alcool fort sous une latte du plancher et sautant par la fenêtre pour retrouver son groupe d’amis, qui sont tous plus défoncés et bourrés les uns que les autres. Il n’a pas de regrets car pour une fois, il se sent bien. Le seul problème reste son cœur qui se serre en voyant les yeux triste de sa petite sœur posés sur lui.

C’est le cinq janvier de l’an deux mille qu’il fait pour la première fois un coma éthylique. Il y passe presque. Ce sont des passants qui le trouvent, allongés dans la rue. Ce sont eux qui appellent les pompiers et Matthew doit probablement la vie à ces derniers. Ca, il ne l’oublia jamais. Sur le moment, il n’en est pas conscient bien entendu. Le réveil à l’hôpital est dur, et le bip incessant des machines résonne comme une corne de brume dans son crâne. Sa sœur est là à son réveil. Elle lui tient la main et l’engueule gentiment, comme elle le fait toujours. Cela fait des années que Matthew n’a pas pleuré mais face à elle, il craque et se met à s’excuser pour toutes ces années où il lui a fait du mal en étant égoïste, la suppliant de le pardonner. Elle accepte, à une seule condition. Qu’il cesse de boire. Sur le coup, cela semble le bout du monde pour Matthew. C’est devenu une part de son quotidien cela, une habitude ancré dans son sang. Il ne sait pas s’il en ait capable, s’il est assez fort pour le faire. Mais pour elle, pour sa petite sœur, il veut bien essayer. Une heure plus tard à la visite d’un  membre des alcooliques anonymes et Matthew accepte de participer à une réunion chaque semaine. C’est le premier pas vers la liberté, parait-il. Il n’en est pas aussi sûr. Son frère Harry ne semble pas l’être en tout cas. C’est le seul qui vient le voir, comme un messager. Et ce qu’il lui dit, Matthew s’en rappellera sûrement toute sa vie. Les mots se sont imprégnés dans sa chaire et c’est sûrement cela qui lui donnera la force nécessaire pour surmonter son alcoolisme. « Tu es la honte de la famille. Tu ne seras jamais heureux, et je suis soulagé de ne plus avoir à te considérer comme un frère. Car tu n’es plus un homme Matthew, tu es un déchet qui finira sa vie seul au fond d’une poubelle. » Et bien c’est ce qu’on verra.

Ce n’est pas simple. Bien entendu ça ne l’est pas. Mais depuis ce jour à l’hôpital, depuis ce jour où il a failli quitter ce monde, il n’a plus touché à une seule goutte d’alcool. Au début, c’était horriblement dur. Il faisait des crises d’hystérie et se battait avec lui-même, à l’intérieur de sa tête. Il ne pensait pas être doté d’une telle volonté, et il a cru à de nombreuses reprises qu’il allait replonger. Mais il y avait sa sœur avec lui, le soutenant et l’encourageant. Et puis les mots d’Harry tournaient dans sa tête et Matthew voulait lui montrer qu’il avait eu tort. Il allait s’en sortir et il allait être plus heureux que tous ses frères réunis ne pourraient jamais l’être. Un an passe. Puis deux. Puis trois. Puis quatre. Il sait qu’il a réussi, mais il sait aussi qu’il risque de replonger à tout moment. Il a besoin d’une nouvelle drogue, de quelque chose pour compenser. L’adrénaline est parfaite. Il sait que ce sont les pompiers qui ont sauvé sa vie. Cet acte le fascine, et il se met à vouloir faire la même chose. Après quatre ans de sobriété, il commence une carrière de sapeur-pompier. Il n’aurait jamais pensé aimer autant cela. Son métier devient une part importante de sa vie, les hommes de la caserne sont l’équivalent d’une famille pour lui. Ah, une famille. Il aimerait en avoir une. Une vraie, avec une femme qu’il aime et des enfants. Lorsqu’il rencontre Amanda, il n’imagine pas tomber amoureux d’elle aussi vite, et que cela va fonctionner entre eux. Il a parfois des moments de déprime et une part de lui reste sombre et enfouie dans son cœur, mais il évite d’en parler. Elle le sait, bien sûr. Elle ne dit rien et elle reste la parfaite petite-amie pendant trois ans. Ensuite et bien… elle devient la parfaite fiancée et le monde entier de Matthew semble réellement être à la bonne place. Il a un job qu’il aime, des amis, une fiancée, un bel appartement, un chien…. Un fils. Lorsqu’il apprend qu’il va être papa, il fond littéralement en larmes. Des années qu’il n’a pas pleuré. Avoir un enfant, c’est ce rêve qu’il a depuis toujours. Et son garçon, il sera heureux. Il n’aura pas une enfance misérable comme la sienne. Il sera gâté et il sourira encore et encore, parce que sa vie sera proche de la perfection. C’est le but de Matthew. Apparemment, ce n’est pas celui d’Amanda. Elle le quitte, pour une femme. Il ne comprend pas, il est perdu. Apparemment, elle s’est finalement trouvée et elle n’est pas bien avec un homme. Elle n’est plus amoureuse de lui. Elle ne veut même pas garder Timothy. Cela révolte Matthew et pendant un moment, il pense qu’il va perdre pied et replonger dans ses démons. Mais encore une fois, il n’est pas seul. Il a sa sœur oui. Mais il a Lizzie également.

A l’heure d’aujourd’hui, cela fait neuf ans qu’ils se connaissent. Elle possède le même démon que lui ; l’alcool. Les alcooliques anonymes, Matthew ne les a jamais quittés, partageant son expérience et montrant ainsi qu’il est possible de s’en sortir. Il se prend rapidement d’affection pour la jolie blonde, et le courant passe étonnamment bien. Qu’il soit son parrain est comme une évidence et il l’aide à tenir la barre, l’emmenant au cinéma, au théâtre, au musée, faire un tour de bateau, tout pour la distraire de l’alcool lorsqu’elle semble vouloir toucher le fond à nouveau. Il est sincèrement fier de lui sur ce coupla. Ce serait un gâchis énorme de laisser une jeune femme comme Lizzie sombrer. Elle devient une de ses priorités, en plus de son métier et d’Amanda. De plus, son petit Noah est adorable. Matthew est certain que lui est Timmy seront les meilleurs amis du monde. Il imagine déjà avoir la photographe à ses côtés pour son mariage, se tenant près de sa sœur. Seulement, le mariage n’a pas lieu. Les rôles s’inversent soudainement. C’est Lizzie qui prend tout en charge, l’aidant à vivre seul avec son fils. Il a du mal au début, il doit réajuster ses habitudes, apprendre ce qu’il ne faisait pas auparavant, garder la tête hors de l’eau car il y a un petit être qui dépend de lui. Grâce à elle, il y parvient. La rupture avec sa fiancée ne laisse pas un trou béant dans sa poitrine comme il aurait pu le penser. Peut-être qu’au fond, ils n’étaient simplement pas faits pour être ensemble. Il la vit plutôt bien, au final, sa vie de père célibataire. En principe, c’est le genre de choses qui attirent les filles, les enfants. Mais ce n’est pas le genre de Matthew, car il met son fils en premier et il ne veut pas le perturber en lui faisant connaître plein de femmes. Alors celle qui finit dans son lit, Timmy la connait bien. Après tout, Lizzie passe beaucoup de temps à la maison. Et même après ce changement dans leur relation, ce changement qui ne porte pas de nom car cela compliquerait trop les choses, elle est encore là. A manger avec eux, à faire les magasins avec eux, à garder Timothy, à l’appeler durant sa pause, à dormir avec lui. Ils préfèrent garder cela pour eux. Matthew se dit que c’est un petit secret qui les rapproche. Et que de toute façon, ce serait bête d’avoir une amitié platonique dans la mesure où cela colle si bien sur le plan physique. Mais ce n’est pas une raison pour le dire à tout le monde. Pour vivre heureux, vivons cacher, comme on dit.