be somebody nobody thought you could be. (jared)

Les couloirs du tribunal étaient froid, peu accueillants, de quoi vous donnez envie de ne jamais y mettre les pieds, pourtant c'était là que Jared se rendait quasiment tous les jours sans rechigner. Son audience était programmée dans quelques minutes, il était debout dans sa robe d'avocat avec une chanson d'Eminem à fond dans les oreilles débitant plus d'obscénités à la minute qu'il ne pourrait jamais en dire. Le rap l'aidait à se mettre en condition pour rentrer dans l'arène, il connaissait son dossier par cœur et il n'avait pas besoin de relire ses notes. Son client était assis quelques mètres plus loin sur un banc et il semblait largement plus nerveux que son avocat. C'était un délinquant de bas étage qui s'était fait arrêter en flagrant délit pendant un cambriolage, Jared n'avait rien laissé au hasard, ses cheveux étaient coupés proprement ainsi que sa barbe et lui avait même ramené un costume et une cravate. Jared lui-même avait été obligé de lui faire son nœud de cravate, son client n'en ayant jamais porté de sa vie. Jared était sûr de lui, il connaissait le juge par cœur et savait comment le faire aller dans son sens, son client ne finirait pas la soirée en prison. Soudain, son regard est attiré par la silhouette d'un homme qu'il connaît bien et qui se fraye un chemin dans sa direction. Son patron se déplaçait rarement pour suivre les affaires de son poulain, il lui faisait finalement confiance, alors il se demandait la raison de sa présence ici. D'un geste de la main son patron lui demande de le rejoindre un peu plus loin à l'abri des regards et des oreilles. « Changement de plan, on veut qu'il tombe. ». Son intonation était définitive, indiquant à Jared qu'il n'y avait pas de place pour la négociation. Puis de toute façon, ce n'était pas dans ses habitudes de contester les ordres, mais il était un peu surpris de la demande de son patron. Jared n'était pas bête, il se doutait que l'ordre devait venir de plus haut, quelqu'un de la mafia dont il ignorait tout, mais qui lui donnait quand même des ordres. Devant son expression surprise, l'homme en face de lui consent à élaborer. « Sa famille a trahi les mauvaises personnes. ». Jared hoche la tête comprenant que c'était un sujet qui le dépassait. Tout ce qu'il comprenait, c'est que son client allait payer pour le manque de loyauté de sa famille et cela ne lui posait aucun problème de conscience. L'ombre de la mafia irlandaise flottait sur toutes les affaires du cabinet et Jared avait compris depuis bien longtemps que s'il voulait garder sa tête, il devrait fermer sa bouche et ne pas poser de questions. « C'est comme si c'était fait. ». La porte de la salle d'audience s'ouvre avec force et fracas et Jared retourne vers son client avec un sourire rassurant l'invitant à le suivre dans la salle. C'était parfois difficile de sauver un client coupable, mais faire condamner un client coupable était un jeu d'enfant, surtout quand on sait sur quelle corde jouer avec le juge. Après avoir indiqué à son client de s'asseoir, Jared s'avance jusqu'au juge avec un sourire innocent sur le visage. « Bonjour votre honneur. Comment allez-vous ? Et votre femme ? ». Au fond de lui, c'est un petit rire diabolique qui l'anime, surtout en constant la mine décomposée du juge. Tout le monde dans le milieu était au courant que le juge était en pleine procédure de divorce après que sa femme ait découvert qu'il se tapait une greffière plus jeune de vingt ans. L'audience se déroule comme sur des roulettes, Jared enchaînant les boulettes préméditées, tout en rassurant son client par la même occasion. Lorsque le juge se prépare à rendre son jugement, l'adrénaline monte un peu chez Jared, certes il avait tout mis en œuvre pour que son client écope de la peine maximale, mais la justice pouvait se montrer imprévisible. « Peine maximale de dix ans. ». Ce sont les seuls mots qui importent à l'avocat, il n'adresse pas un mot à son client et se lève, observant la partie adverse en train de se congratuler comme s'il venait de faire condamner Hitler. S'ils savaient que sans l'intervention de Jared, son client n'aurait probablement pas été condamné. Jared traverse la salle d'audience sans une expression sur son visage, mais au fond de lui, il était heureux d'avoir accompli ses ordres à la perfection.


Tout avait commencé lorsqu'il était rentré du travail un soir et que sa femme lui avait annoncé que sa fille était tombée d'un toboggan au parc et qu'elle n'avait pas arrêté de se plaindre depuis. Certes, leur fille était du genre à se plaindre pour un oui et pour un non et ils avaient pris la mauvaise habitude de ne plus s'inquiéter à la moindre alerte. Un regard sur sa fille suffit pour que Jared décide de l'emmener à l'hôpital sur le champs, dans la voiture, sa femme essayait de la rassurer, mais il ne répondait pas, sinon il l'aurait insulté de mauvaise mère pour ne pas avoir réagi plus tôt et leur fille n'avait pas besoin de ça maintenant. Une fois à l'hôpital, leur fille est prise en charge rapidement, mais la réaction des médecins ne rassure pas le papa poule qu'est Jared. L'attente lui paraît interminable, droit comme un piquet, il ne bouge pas de sa chaise et n'a pas un seul geste rassurant pour sa femme. Lorsqu'un médecin s'approche finalement d'eux, Jared comprend tout de suite qu'il y'a un problème et il saute sur ses pieds. « Votre fille a besoin d'une opération de la rate, est-ce que vous connaissez son groupe sanguin ? ». Jared commence à s'affoler, il connaissait son groupe sanguin et celui de sa femme, mais il n'avait aucune certitude sur celui de sa femme. Il tourne la tête vers Jordan en espérant qu'elle possède la réponse, mais elle évite son regard et se focalise sur le médecin tout en répondant. « AB positif. ». L'information fait tilt dans le cerveau de Jared qui se déconnecte un peu de ce qui se passe autour de lui. Le médecin disparaît, mais il reste planter au milieu du couloir avec le regard dans le vide. « Je vais chercher un café. ». La vérité est tout autre, il avait besoin de prendre l'air, de sortir de l'hôpital. Ses pensées s'activent dans sa tête, il espérait de toutes ses forces que ses suspicions soient fausses, mais il était incapable de vivre dans le doute, de ne pas savoir. Une fois dehors, il se pose sur un banc et dégaine son smartphone pour faire des recherches sur internet. Jared connaissait son groupe sanguin et celui de sa femme par cœur, car ils avaient la même, c'était une des choses qu'ils avaient en commun, il avait toujours cru que sa fille avait le même groupe sanguin qu'eux : à savoir A positif. Jared survole les informations sur la détermination du groupe sanguin, que cela ne pouvait pas déterminer avec certitude la paternité ou non de quelqu'un. Sa main tremble quand il rentre son groupe sanguin et celui de sa femme dans la recherche. Son cœur manque un battement en découvrant le résultat. 0% de chance d'avoir une fille AB positif. Jared a l'impression que tout son corps va défaillir. Quelqu'un sort fumer une clope et Jared l'intercepte pour lui en taxer une. Il devait s'occuper avec quelque chose, sinon il risquait de rentrer dans l'hôpital comme une furie pour insulter sa femme de tous les noms. Elle était forcément au courant qu'il n'était pas le père, ça ne pouvait pas en être autrement. Peut-être qu'il s'emballait pour rien, mais il était incapable de rationaliser, alors qu'il aurait dû se concentrer sur sa fille et sur l'opération qu'elle était en train de subir. « Tu fumes en public, l'heure est grave ! ». Elle essayait de faire de l'humour à propos de ses habitudes stupides, mais tout ce qu'il voulait c'est lui crevé les yeux avec sa cigarette. Elle l'avait pris pour un con pendant des années, à vivre à ses crochets. « Tu le savais ? T'as fais des études de médecine, évidemment que tu le savais. ». Son ton de voix est mauvais et il comprendrait facilement qu'elle ait peur de lui, il n'était pas d'une nature violente, mais personne ne lui avait jamais fait perdre les pédales comme c'était le cas actuellement. Il réalise tristement que rien de ce qu'elle pourra dire ne pourra atténuer la souffrance qu'il ressent en découvrant la vérité. Il n'avait pas envie de comprendre, pas envie de savoir qui était son vrai père. Le résultat était le même, Nora n'était pas sa fille biologique. « Je veux plus que tu m'adresses la parole, sauf pour parler de notre fille. ». Sur ces mots, il se lève pour retourner dans la salle d'attente, car il avait besoin d'être le plus près possible de sa fille physiquement. Quoi que dise la biologie, elle serait toujours sa fille.