aislinn niahm mcguire ❝ the thing we lost in the fire ❞

« Aislinn, comment allez vous ? » Je lève les yeux vers mon psychologue et j'hausse les épaules. Cela fait neuf ans que je vais voir Paul régulièrement, neuf ans que je lui raconte ma vie, mes coups de gueule et mes bons moments. Neuf ans qu'il suit ma vie et écrit tout sur son calepin. J'aurais du arrêter depuis bien longtemps de me rendre chez le psychologue mais je n'arrive pas à prendre cette décision. Encore moins en plein mois de juillet. Neuf ans. Ça va faire neuf ans qu'Hunter est décédé, neuf ans qu'il m'a quitté et qu'il ne reviendra jamais. Neuf ans que je me dis que si je n'avais pas oublié mon portable, je serais morte avec lui. Ce serait peut être moins difficile ainsi. J'essaye de ne pas y penser mais c'est dur, trop dur. Je sens que les larmes montent et je les retiens du mieux que je peux. Je n'ai aucune envie de pleurer devant Paul. Il m'a déjà vu dans des tas d'états mais ça, c'est un peu trop pour moi. J'ai vingt sept ans maintenant et plus dix huit. Enfin, ça ne veut rien dire. « Ca va comme un mois de juillet. Ça ira mieux le mois prochain » Il n'y a aucun doute là dessus. Tout le monde sait que le mois de juillet, ce n'est pas mon mois. Mes parents ont d'ailleurs décidé de venir me voir tout le mois. C'est leur façon à eux de me dire qu'ils n'oublient pas ce qu'il s'est passé en 2005. Je me demande si je ne devrais pas plutôt y aller, retourner à Mullingar, dans mon Irlande natale. Ça me ferait du bien, beaucoup de bien mais fuir mes problèmes n'arrangera rien. « Ca a beau faire neuf ans, j'y pense encore régulièrement. Je ne trouverais jamais l'homme de ma vie avec Hunter coincé dans ma tête, dans mon coeur » Hunter était plus que coincé dans ma tête, il y était gravé. Je voyais ma vie avec lui et depuis neuf ans, je me sens seule, vide. Paul m'a longtemps proposé de faire des rencontres, d'aller plus loin qu'une soirée arrosée mais je n'y arrive pas. Aucun homme n'est comme l'irlandais dont je suis tombée amoureuse à quinze ans. Mon portable sonne et je fronce les sourcils. Tout le monde sait que le premier vendredi du mois, de quinze heure à seize heure, je ne suis pas joignable. Pourtant, c'est ma meilleure amie et associée qui m'appelle. On a peut être signée un nouveau contrat et cette possibilité me rejouis presque. Ou ce sont mes parents qui sont arrivés en avance, comme d'habitude. « Je rumine constamment cet incident, cet attentat mais j'ai tout pour être heureuse. Je suis en forme, j'ai une santé de rêve, un compte en banque plein à craquer et j'aime ce que je fais. Stachmo est un chien très fidèle, j'ai une relation en or avec ma famille mais pourtant, je me sens vide » Nouveau constat et il lève les yeux de son calepin – ou plutôt de mon dossier. C'est la première fois depuis neuf ans que je dis que je me sens vide et non pas que je suis morte de l'intérieur. À croire que le processus de 'guérison' commence enfin. À croire que je suis enfin prête à avancer. Il le remarque et grifonne sur mon dossier. « Nous venons de faire un pas considérable en avant, que vous le vouliez ou non. » conclue-t-il, souriant. J'ai l'impression d'avoir gagné à la loterie et pourtant, ce n'est pas le cas.

Aislinn est une femme pétillante, souriante et heureuse dans la vie de tous les jours▼ elle va rendre visite à ses parents une fois par mois▼ elle vit dans un studio énorme avec son chien Stachmo (berger allemand)▼ elle est toujours très bien habillée et porte rarement des baskets▼ son dressing est plein à craquer, elle achète tout ce qui lui passe sous la main▼ elle est partie de rien et a tout maintenant▼ elle appelle ses frères et sœurs tous les trois jours via skype▼ elle est l'aînée d'une famille de six enfants (Aislinn – 27 ans ; Drucht – 26 ans ; Niallàn – 25 ans ; Quinn – 23 ans ; Sedna – 20 ans ; Elwyn – 18 ans)▼ elle écoute beaucoup de musique mais joue aussi du piano et de la guitare : elle est autodidacte et s'est récemment mise à la batterie.