Tu regardais par la fenêtre, ton papa te tenait dans ses bras. Il te chatouillait le ventre et toi tu riais aux éclats. Ton petit rire aigu raisonnait dans tout l’appartement et cela faisait sourire ton père. Tu passas tes petits bras frêles autour du cou de ton père et tu nichas ta tête au creux de celui-ci, une manière pour toi de t’enfuir des chatouilles de ton père. Ton père arrête soudainement ce qu’il était en train de faire et il s’exclama :
« Cassie, regarde, une étoile filante !» Tu relevas la tête, toutefois pas assez vite et tu n’arrivas pas à la voir toi aussi. Tu fis une mine déçue.
« Ne t’inquiètes pas ma chérie, tu en reverras, parce que tu sais ce que j’ai toujours dit sur les étoiles filantes pas vrai ? » Un petit sourire apparu alors sur ton visage tu savais très bien ce qu’il voulait dire. Les étoiles filantes étaient tous les êtres chers qui nous avaient quittés.
« Oui, c’est maman qui veille sur moi » * * *
Tu fixais à l'extérieur les feuilles du grand palmier qui bougeaient au vent. C’était comme une mélodie, comme si tu pouvais entendre le vent qui soufflait entre les feuilles. Tu fermas les yeux quelques instants pour mieux t’imaginer les douces notes.
« Cassandra ! » Tu sursautas et ouvris immédiatement les yeux. La maitresse d’école te fixait ainsi que vingt autres paires d’yeux. Tu sentis la chaleur monter jusque dans tes petites pommettes qui ne tardèrent pas à virer au rouge. Tu baissas les yeux, bien trop gênée. Tu allais encore tu faire sermonner après le cours. Tu le sentais. Ce n’était pas la première fois que tu n’étais pas attentive en classe et la professeure s’en rendait plus que bien compte.
* * *
La dame en face de toi parlait. Tu n’entendais rien, bien trop prise dans tes propres pensées. Tu observais les objets qu’il y avait sur le bureau de la directrice. Tes yeux passaient du crayon à la tasse de café en passant par la petite figurine en céramique. Ton regard s’arrêta finalement sur l’horloge au mur. Tu suivais la trotteuse du regard en comptant les secondes qui passaient. La Directrice continuait à parler, mais c’était en vain. Tout ce qu’elle te disait rentrait par une oreille et sortait par l’autre.
« Ça suffit ! J’en ai assez ! Là tu vas m’écouter attentivement sinon je serai forcée d’appeler tes parents ! » Tu tournas la tête vers la dame et la regarda droit dans les yeux le regard rempli de défi.
« Oh mais vous pouvez essayer, mais je pense que ça va être difficile, ils sont morts » * * *
Ton père fumait sa cigarette en te regardant. Il essayait d’avoir l’air sérieux mais au fond tu savais qu’il te trouvait bien drôle. Tu étais la petite prunelle de ses yeux, comment pouvait-il être en colère contre toi ? Comme tu t’y attendais il finit par s’esclaffer de rire ce qui tira un sourire sur tes lèvres.
« Nah, j’arrive pas à y croire ! Raconte ! Elle a dû tellement rester bête après que tu lui aies dit cela ?! » Tu te mis à rire à ton tour.
« Je te jure, elle savait plus quoi dire et sa tête, oh mon dieu ça valait de l’or ! » Tu riais en cœur avec lui. Ah ton cher papa, que n’aurait-il pas fait pour toi ? Il se foutait complètement que tu aies été renvoyée de ton école, il en voyait même une opportunité pour te trainer à travers le monde en tournée avec lui.
* * *
Tu déposas un baiser sur les lèvres du jeune homme. Il avait quelques années de plus que toi soit dans la mi- vingtaine. Toi tu n’étais encore qu’une gamine qui n’avait rien vu de la vraie vie mais tu savais que tu l’aimais. Ce jeune homme qui était tout pour toi, tu savais que c’était le bon. Même ton père l’aimait bien, il faisait partie de la famille. Vous vous étiez installées au Canada depuis quelques mois déjà. Ton père faisait des spectacles avec son groupe et vous deux, et bien vous vivez votre vie de jeune couple. Vous alliez à des rancards, vous cuisiniez ensemble, vous faisiez l’amour, vous fumiez tout ce qui était fumable. Et pour une fois dans ta vie tu étais vraiment heureuse.
* * *
Tu le regardais lui et seulement lui. Malgré tes amis et ta famille qui vous regardaient tu n’avais d’yeux que pour lui. Son joli sourire te faisait craquer, ses yeux pétillants à chaque fois qu’il te regardait, tu adorais tout de lui. Tu tenais sa main et il tenait la tienne. Tu attendais les dernières paroles qui allaient vous unir jusqu’à ce que la mort vous sépare.
« Vous pouvez désormais embrasser la mariée » Il se pencha vers toi et au contact de ses lèvres tu fermas les yeux.
* * *
« Chéri.. . je… je viens de perdre mes eaux… » Il se leva d’un bond et s’approcha de toi affolé. Tu avais peur mais tu savais que c’était normal. Il prit ton manteau et te le mis sur tes épaules en vitesse. Il prit les clés de l’auto et t’aida à marcher jusqu’à la voiture. Tu pris place dans le siège passager. Les contractions commençaient à arriver et bien vite tu sentis la sueur couler le long de ton front. Ton mari te pris la main pour te rassurer. Il faisait noir, il neigeait, il conduisait assez vite pour arriver à l’hôpital à temps. Il tourna le regard vers toi, il serra ta main et tu essayas de lui faire un petit sourire pour le rassurer à son tour. Tu reportas ton regard vers l’avant et tu crias.
* * *
Tu ouvris les yeux, ta vision était trouble, tu essayais de regarder autour de toi mais la blancheur des murs te donnait mal à la tête. Tu vis une silhouette se pencher vers toi, tu ne la reconnus pas immédiatement. Il passa sa main sur ton front et tu reconnus vaguement son visage. C’était ton père tu en étais pas mal certaine. Il déposa un baiser sur le dessus de te tête et s’assit ensuite à côté de ton lit. Tu tournas la tête vers lui et tu essayas de parler mais rien de voulait sortir de ta bouche. Ton cœur de mère commença à battre à toute vitesse et tu mis ta main sur ton ventre. Il était devenu petit, il n’était plus rond comme avant, et ce que tu redoutais arriva. Ton père secoua la tête négativement et tu te mis à pleurer à chaudes larmes.
* * *
Tu enfilas la robe noire qui était sur ton lit. Tu n’étais pas sortie de chez toi depuis près de trois semaines déjà et pourtant en cette journée de janvier 2014 tu devais sortir de chez toi. L’auto de ton père se gara à l’extérieur de l’appartement. Il sortit de la voiture et monta jusqu’à chez toi. Il t’aida à t’attacher les cheveux et t’enfilas ton manteau puisque tu n’arrivais pas à le faire seule. Tu étais dans un état second loin de tout forme de vie réelle. Tu étais toi aussi morte, seulement, tu l’étais de l’intérieur. Il t’aida à aller dans l’auto et il conduit jusqu’au salon funéraire. Lorsque tu y entras et tu vis les deux cercueils. Un petit et un grand. L’un pour ton bien aimé et l’autre pour ta fille que tu n’as jamais connue. Tu étais terrifiée et tu tourna les talons pour partir à la course à l’extérieur sous la douce neige qui tombait.
* * *
Tu embarquas dans l’avion prête à recommencer ta vie ailleurs. Tu n’avais qu’une destination en tête, Londres. Tu voulais tout laisser derrière toi et ne plus avoir à y penser. Tu n’étais pas prête mais tu savais qu’il fallait que tu le fasses. Tu pris place dans ton siège et tu fermas les yeux.