life is a game and i am the winner Tout s'était parfaitement déroulé comme il l'avait prévu. Comme toujours. Comment aurait-il pu en être autrement ? Lui, Maître Levinson, l'avocat américain de renommée mondiale qui a montré à tous à de très nombreuses reprises ses multiples talents de manipulateur, de parfait conna... Enfin, de bon avocat. Il n'avait plus rien à prouver à personne, et en y réfléchissant, il n'avait d'ailleurs jamais eu quoi que ce soit à prouver à quiconque, encore moins à cet imbécile de Gordon. Comment avait-il pu ne serait-ce que penser remporter une telle affaire, face à lui qui plus est ? C'était tout bonnement idiot de sa part, mais après tout, c'était ce qu'il était; un parfait idiot. Un idiot qui n'abandonnait pas facilement, certes, mais un idiot parmi tant d'autres. Quoique, peut être pas, celui-ci avait le don de l'insupporter davantage que ses congénères et ce détail n'était pas négligeable.
— Tu as remporté une bataille, pas la guerre, grinça l'homme roux, véritablement irrité.
Et voilà qu'en ce Jeudi pluvieux du mois de Mars, le pseudo-avocat incompétent - et européen, par dessus tout, ceci expliquant cela - venait pleurer sa lamentable défaite dans le cabinet de l'américain. Une scène qui commençait à devenir répétitive, bien que toujours aussi jubilante au goût de Lucius.
— En voilà une bonne réplique de perdant, Gordon.
— Mais ce n'est pas un jeu, quand est-ce que tu vas le comprendre ?! répliqua immédiatement Gordon avec hargne.
Voilà qu'il se prenait maintenant pour sa mère à lui rappeler ce qui était sujet à rire et ce qui ne l'était pas, le fusillant avec ce même regard grave et accusateur qu'il lui accordait depuis le tout premier jour. Franchement, il manquait beaucoup d'imagination, ne pouvait-il pas changer un peu de registre de temps en temps ? Nan, il ne le pouvait décemment pas, c'était un idiot.
— Pourtant, commença lentement Lucius d'une voix doucereuse, c'est bien toi qui a commencé la partie en entrant dans la "guerre", je me trompe ?
Avant même que l'avocat à la chevelure de feu ne s'embrase, l'américain reprit la parole, le ton impérieux et irrévocable mettant en évidence toute la condescendance charismatique dont lui seul savait si bien faire preuve.
— Accepte la défaite, cela sauvera peut être le peu de dignité qu'il te restes.
Cet effort pathétique que Gordon fit pour rajuster fièrement son épitoge histoire de garder un semblant de contenance - qu'il n'avait jamais eue - le fit esquisser un sourire moqueur.
— Tu considères donc la Guerre comme un jeu ? conclu finalement l'avocat roux après quelques longues secondes de silence.
— La Guerre, Gordon, tu apprendras qu'elle oppose toujours au minimum deux armées...
Deux joueurs.
Les deux derniers mots avaient été énoncés d'une voix plus rauque, plus vicieusement joueuse qui fit légèrement frémir le roux.
— Tu apprendras également, bien que je doutes que tu puisses apprendre quoi que ce soit... Que l'une de ces deux armées doit forcément l'emporter. A la fin, il ne reste que le gagnant. La guerre est un
jeu, un jeu impitoyable, certes, mais un jeu parmi tant d'autres.
Gordon en demeura bouche bée. Il le regardait, de cet air ahurit et complétement idiot qui lui était propre, se demandant sans doute comment une personne telle que Lucius pouvait-elle bien exister.
— C'est... bredouilla-t-il.
Lucius rit légèrement, un rire froid et mauvais qu'on lui reconnaissait.
— Mais encore ? s'amusa-t-il à lui demander, la tête légèrement penchée sur le côté.
Gordon secoua finalement la tête faisant virevolter quelques mèches rousses désordonnées dans tous les sens.
— Peu importe. balaya-t’il finalement d'un geste fluide de la main pour chasser le sujet de ses pensées.
Il ne voulait visiblement pas lui parler de la guerre en général, mais bel est bien de la dernière guerre dans laquelle il n'avait été qu'un pion. Et bien soit, cela promettait d'être amusant. Lucius croisa ses bras contre sa poitrine, un mince sourire commençait à se dessiner sur son visage.
— Mme Taylor ne mérite pas d'êtres traitée ainsi, tu le sais aussi bien que moi, elle n'a pas...
— La loi n'a que faire des mérites de chacun, le coupa l'américain en levant les yeux au ciel.
— Seulement la loi est juste, à sa manière, mais elle l'est toujours dans un certain sens ! Alors comment peux-tu la contourner par je ne sais quels stratagèmes quand tout porte à croire que... Arg, tu es tout bonnement ignoble Levinson !
Voilà que le rouquin était en colère maintenant, ce n'était définitivement pas compliqué de le mener à bout, cet idiot. Lucius considéra Gordon de son regard sombre durant quelques secondes. Le mince sourire sardonique ne daignait pas quitter ses lèvres.
— Tu sais, Gordon, il existe trois manières de gagner : être le premier, être le plus malin et tricher. Il suffit de choisir son camp.
Un dernier regard mauvais et le
perdant déclina sa
défaite en prenant la porte sous l’œil triomphant du
gagnant.
family above all, they saidLe crépuscule s'était tranquillement installé dans la
paisible ville de manhattan, aussi la faible lumière d'un lampadaire éclairait légèrement la façade sombre de la luxueuse demeure d'en face.
Que faisait-il là déjà ? En voilà une bien bonne question que le manager se posait depuis deux bonnes minutes maintenant. Le regard hésitant, presque fuyant, il fixait la battisse dans laquelle il avait grandi avec une certaine appréhension qui ne lui était pas ordinaire.
Pourquoi n'avait-il pas simplement agit comme d'habitude ? En refusant simplement et catégoriquement l'invitation. Comme le lâche qu'il était. Ce n'était pas comme si il ne l'avait pas toujours fait. Mais il était trop tard maintenant, il ne pouvait plus faire machine arrière.
Il se tenait là, devant cette immense grille noire, complétement perdu et incapable de prendre une décision. Ah, il était bien beau le brillant marketing manager en cette soirée. Où avait bien pu aller se cacher l'homme de prestance si sûr de lui et si pédant qui déambulait les trottoirs, la tête haute, un sourire carnassier aux lèvres ? Voilà ce qu'il en coûtait de prendre des décisions trop hâtivement, maintenant il devait en assumer les conséquences... Chose, que, naturellement, il ne savait pas faire dans les normes et qu'il ne souhaitait pas le moins du monde savoir faire.
Après avoir laisser échapper un long soupir supposé lui redonner un peu du courage qu'il n'avait pas, il prit une décision.
Alors qu'il passait le portail, de violentes bourrasques commençaient déjà à faire ployer les vieux arbres de la propriété familiale. Il n'y fit pas attention plus que nécessaire et, après avoir monté bien rapidement les marches du perron, il pénétra dans la demeure. Il défit avec légèreté son surplus de vêtement et rajusta machinalement sa cravate noire. Son accoutrement était simple, pas bien différent de celui qu'il arborait en temps normal, quoiqu'un peu plus formel. Un costume élégant bleu foncé, une chemise blanche, une cravate et des chaussures habillées noires. Seuls ses cheveux avaient décidés de se rebeller un peu ce soir, preuve de sa longue hésitation dans le vent froid de la nuit. Des mèches grisonnantes venaient lui chatouiller le visage ça et là. Il entreprit rapidement de les remettre sur le droit chemin en passant sa main dans sa chevelure, un peu trop nerveusement à son goût. Ahh ce qu'il détestait ne pas être maître de lui même !
Lucius rajusta une dernière fois ses manches et entra sans plus de manières dans la grande salle. Il s'arrêta quelques secondes au milieu de l'entrée, et releva la tête avec élégance pour observer la foule à la recherche de têtes familières.
— Lucyyy ! hurla à son intention une voix bien trop aiguë pour ses oreilles sensibles.
Lucius se mit instinctivement à soupirer. Puis, comme il savait parfaitement comment allait se dérouler la suite, il fit volte face et ouvrit grand ses bras, les yeux fermés, un air de dégout plaqué sur le visage. Ainsi, il était prêt à encaisser les "coups" de la catastrophe ambulante, aussi connue sous le nom de Emma Levinson.
Quand celle-ci lui fonça dessus comme la furie qu'elle était, Lucius esquissa un petit sourire forcé et se mit à lui tapoter maladroitement le dos sans grande conviction.
— Tu m'as trop manqué ! lui confia la brunette, tout sourire.
Ah, vraiment ? Il roula des yeux et se mit maladroitement à essayer, oui 'essayer', de détacher les bras féminins qui venaient de s'être emparer fermement de son cou. Sa cousine avait toujours le don de le mettre mal à l'aise, c'était un fait. Jamais dans de mauvaises intentions, bien sur. Mais, merde quoi, si il était bien prouvé que le ridicule ne tue pas, Emma, elle, mènerait surement à sa perte !
— On s'est vu hier... lui lança l'homme d'affaire, sans entrain.
Ce fut au tour de la cousine de rouler des yeux. Visiblement embêtée par le peu d'entrain dont faisait preuve son cousin à la saluer. Elle se détacha d'elle même de son cou et vint lui coller deux énormes bisous sur chacune de ses joues, ravie.
— Oh ça va ! Fais pas ton rabat joie !
Lucius ne lui répondit pas, bien trop occupé à essuyer ses joues à l'aide du tissu qu'il venait de retirer de sa poche. Une expression d'agacement se lisait clairement sur ses traits, pourtant, il ne pouvait pas nier que sa
chère cousine lui avait au moins fait perdre sa nervosité passagère.
— Tu sais ce qu'il se passe ici ? lui demande finalement Lucius calmement.
— Eh bien, hésita la jolie brune, à vrai dire, cette fête est en l'honneur de ta sœur.
Évidemment. A quoi s'était-il attendu après tout ? Il n'a toujours été question que d'elle, la petite princesse sans défauts de la famille, celle qui fait tout toujours très bien, qui a du mérite et qui est forcément à plaindre lorsque les choses tournent mal. Père n'a d'ailleurs jamais cessé de lui rappeler à quel point il devrait prendre exemple sur sa parfaite grande sœur, puisque "elle, au moins, elle réussi sa vie".
Les sourcils froncés et le regard aussi sombre qu'il lui était permis d'être, Lucius ne se rendit pas immédiatement compte que sa petite cousine avait tenté de lui adresser à nouveau la parole.
— Excuse moi Emma.
Il offrit un joli sourire à sa cousine et tourna sur lui même avec élégance. Puis sans attendre davantage, il lui faussa compagnie pour s’engouffrer dans la foule d'invités.
Une fois les escaliers montés, les quelques invités bousculés, les faux sourires et fausses excuses accordés, il mit la main sur l'élue. Elle était là, parfaitement habillée, parfaitement coiffée, assise gracieusement sur un fauteuil presque aussi chic que sa personne.
Léandra Levinson. Femme d'affaire et d’état notoire, célébrité médiatique internationale de quarante et un ans, aussi redoutée que redoutable, mariée à un écossais droit et honnête, Jaxon Goldroy. Mère de deux merveilleux enfants, Thomas, dix huit ans et Maria, vingt et un ans.
La fille parfaite. Sa détestable grande sœur.
Leurs regards se rencontrèrent et s'assombrirent quasiment au même moment.
Léandra brisa le contact la première. Elle n'avait jamais été douée à ce jeu là. Il fallait bien qu'il y ait au moins une chose que Lucius fasse mieux que l’héritière.
Jouer. Et puis, c'était tout ce qu'il était aux yeux de la famille après tout; un grand gamin qui s'amuse avec les mots et les sentiments.
Puis le son de la voix rauque de George Jefferson Levinson se fit entendre et ce dernier apparu aux côtés de sa
fille chérie, tout sourire.
C'est à cette vue que le mépris de Lucius sembla atteindre son apogée.
La mâchoire contractée, le regard meurtrier, le fils Levinson avait perdu tout de sa contenance habituelle. Il ne pouvait tout simplement pas rester ici. C'était une erreur, il n'avait vraiment rien à faire ici. Il devait partir. Fuir. Il avait toujours été doué pour ça après tout. Il ne savait faire que ça. Faire preuve de duperie et de lâcheté. Alors il ne lui restait plus qu'à faire la seule chose dans laquelle il excellait réellement.
— Où est-ce que tu crois aller comme ça, fils ?
Finalement, ce ne serait peut être pas des bras de sa cousine trop attentionnée qu'il dépérirait.