Histoire de famille [Sam]

Sam quittait le boulot étrangement tôt ce jour-là. C'était sûrement tout ce que ses collègues s'étaient dit en la voyant ramasser ses affaires avant même que la matinée ne soit terminée. Il était vrai que d'habitude, Sam était la dernière sortie, et celle qui rêvait de décrocher les heures supplémentaires dont personne ne voulait. Elle était celle qui bossait de nuit comme de jour, sans jamais se plaindre. Jour après jour, elle remerciait Bob de faire parti de la police. Sans lui, qui sait ce qu'elle serait devenue. Peut-être serveuse, ou pire. Mais non, celui qu'elle considérait comme son oncle l'avait inscrite sans lui demander à ce test d'entrée dans les forces de l'ordre et elle en était sortie gagnante. Elle avait appris ce boulot, celui de policier, et l'aimait de plus en plus. Seulement, depuis quelques jours, on ne lisait plus cette petite étincelle qui jaillissait des yeux de la brune. Pas depuis qu'un homme avait fait son entrée au commissariat et avait demandé à la voir. Elle ne l'avait pas tout de suite reconnu, leurs petites entrevues passées ne lui ayant laissé aucun bon souvenir. Moins ils se voyaient, mieux ils s'en portaient. En tout cas, Sam l'avait toujours pensé. Mais en voyant le père de Micah débarqué, elle s'était demandée ce qu'il pouvait bien avoir derrière la tête pour venir la voir, elle, la petite pauvre que son fils avait un jour décidé de côtoyer. Il n'avait jamais accepté leur amitié, et avait tenté sans relâche de les séparer, ne faisant que les rapprocher plus encore. Il n'arrivait jamais à ses fins. Le père Rosendale s'était dressé devant elle, le visage fermé, avant de feindre un faux sourire. Il ne lui avait adressé aucune parole, et avait simplement jeté une enveloppe sur le bureau de la jeune femme. « Il parait que votre soeur est malade, n’est-ce pas ? Les finances doivent être rudes, par les temps qui courent… » Elle avait arquer un sourcil, partagée entre l’idée de lui demander de ficher le camp ou bien lui faire peur en l’arrêtant sans aucune raison. Elle laissait peu de gens lui parler de sa soeur, et Rosendale n’en faisait pas parti. Pourtant, il esquissa un geste vers l’enveloppe marron posée sur les affaires de la brune. Piquée par la curiosité, elle l’ouvrit, le visage bientôt figé par l’étonnement. Là était rangés des centaines de billets, certains avoisinant même un montant que Sam n’avait jamais tenu entre ses mains. « Acceptez l’argent. » Reprenant ses esprits, la jeune femme finit par reposer l’enveloppe et se pencher vers le père de Micah. « Je suis moi-même enchantée de vous revoir Mr. Rosendale. Et en échange de quoi devrais-je accepter cet argent ? Ne me dites pas que vous êtes venu jusqu’ici sans arrière pensée. Mon amitié avec Micah n’est pas monnayable, je suis désolée. » Elle ne l’était pas du tout. Cet argent ne pourrait en rien la décider à ne plus être amie avec son fils. « Arrangez les choses entre mon fils et moi, et une deuxième enveloppe vous attend. » Et il avait tourner les talons avec ce dédain habituel. Ce que Sam pouvait détester les riches. Micah était l’exception qui confirmait la règle. Elle était restée là des heures durant, le regard fixé sur l’enveloppe. Tout cet argent… Il pouvait aisément suffire à payer tous les soins dont Lexie avait besoin, et plus encore. Après tout, s’il voulait juste redevenir proche de son fils, elle n’y voyait pas d’inconvénient. Alors pourquoi se sentait-elle l’âme d’une traitresse à l’instant même où elle glissait l’argent dans son sac à main ? Quelques jours plus tard, elle avait donc quitté le poste en fin de matinée et avait pris le métro pour se rendre dans le west london. Elle venait rarement dans ces beaux quartiers, ne s’y sentant pas vraiment à sa place. De beaux appartements se dressaient face à elle, lui rappelant encore et toujours à quel point sa vie à elle était misérable. Elle secouait la tête à cette pensée et s’engouffrait dans l’un d’eux, où elle emprunta un grand ascenseur. Les touches auraient pu être en or, ça ne l’aurait pas choqué. Elle allait jusqu’au dernier étage avant que les portes ne s’ouvrent sur une magnifique entrée de la taille de son propre appartement. Micah avait du goût, et Micah avait de l’argent. Ébahie, elle regardait les petites merveilles qui se trouvaient autour d’elle, jusqu’à ce que la voix de son meilleur ami résonne dans ses oreilles. Sans attendre, elle se retrouvait dans ses bras, alors que l’enveloppe présente dans son sac semblait lui brûler les côtes. « Tu m’as manqué à moi aussi. » Elle lui offrait un large sourire avant qu’il ne l’invite à rejoindre le salon et boire quelque chose. Alors qu’elle prenait place dans un immense fauteuil où elle se sentait minuscule, elle regardait Micah attendre sa réponse concernant la boisson. « De l’eau ! Juste de l’eau. » Elle priait pour qu’il ne remarque pas sa nervosité, et attrapait le verre qu’il lui tendait. C’était étrange de le voir dans son élément, elle ne venait jamais ici. Il lui posait la question fatidique : que faisait-elle ici ? Elle aurait pu sortir l’enveloppe et lui raconter ce que le père Rosendale lui avait demandé. Pourtant, elle n’en fit rien. « Est-ce qu’il me faut vraiment une raison pour rendre visite à mon meilleur ami ? » Elle souriait plus largement avant de prendre une mine faussement boudeuse. Elle but son verre d’une traite avant de reporter son regard vers Micah. « Alors, qu’est-ce que tu as de beau à me raconter ? Je veux tout savoir de ta vie de rêve ! » Sam espérait qu’il en viendrait finalement à son paternel, et alors peut-être pourrait elle lui avouer ce qu’elle faisait. Mais pourquoi l’appel de l’argent se faisait-il si fort ?