Declan était assis sur son lit, pensif, à se demander combien de temps encore il passerait dans ce centre. Il rêvait, en se disant que son père viendrait le chercher et que plus jamais il n'aurait à subir ses sautes d'humeur. Il rêvait en songeant que tout irait pour le mieux et qu'il n'aurait plus besoin d'avoir peur, plus jamais. Il tenait un crayon et une feuille dans les mains, mais finit par les poser sur la table de chevet, proche de son lit. Il n'avait pas vraiment d'inspiration pour dessiner et c'était un fait assez rare pour être relevé. A vrai dire, il n'avait pas le moral. Dans cette chambre, combien-même il avait diverses activités, il commençait à se morfondre. La thérapie qu'il suivait avait peut-être eu quelques effets positifs, mais ce n'était pas certain, car à le regarder, on voyait toujours un enfant, pas un adolescent de seize ans.

L'assistante sociale qui s'occupait de lui avait commencé un jour à lui raconter qu'il irait peut-être vivre dans une famille d'accueil. Il avait bien compris ce que c'était, et cela l'effrayait un peu. Est-ce que des personnes qui lui étaient pleinement inconnues sauraient le comprendre et surtout l'accepter tel qu'il était ? Il aurait tellement aimé que ce soit son papa qui le racompagne à la maison.
Tandis qu'il était perdu dans ses pensées, à observer les murs sans les remarquer réellement, il entendit la porte de sa chambre s'ouvrir, après quelques coups frappés bien forts. Il sourit en apercevant Breena, accompagnée de l'assistante sociale. Breena était quelqu'un qu'il appréciait grandement. Il l'avait rencontré dans un concours de circonstances étrange et les deux personnes s'étaient super entendues. Elle s'approcha en le saluant. Il sauta simplement dans ses bras, pour la serrer contre lui. "Salut Breena! Je vais bien et toi?" demanda-t-il simplement. Il s'empara ensuite de la boîte qu'elle avait apporté, toujours avec un sourire sincère. Il salua également son assistante sociale. Cette femme, il ne l'avait pas beaucoup apprécié au début de leur relation, sans doute car on l'avait arraché à sa famille et que les événements s'étaient précipités super rapidement, mais, en fin de compte, il l'aimait bien. C'était une personne gentille et empathique.

Pour une fois, il était heureux d'avoir de la visite. Souvent, il faisait la tête, il boudait en quelques sortes. Mais là, ce n'était pas le cas, bien au contraire. Il observa les cookies avec une lueur d'appétit dans le regard. " Merci beaucoup, c'est super gentil! Je peux les partager avec les gens des chambres d'à côté? Ou alors je vais les emmener à l'atelier de poterie, ce soir! Tout le monde sera content!" demanda-t-il naturellement, avant de déposer la boîte sur la table de chevet, par-dessus sa feuille blanche. Il indiqua ensuite de la main la place vide à côté de lui sur le bord de son lit pour que Breena vienne l'y rejoindre, tandis que l'assistante sociale s'était assise sur une chaise.

L'adolescent écouta attentivement les instructions prodiguées par Breena à propos des cookies qu'elle lui avait apporté. Il était vraiment tout sourire. Comme chacun, il aimait que l'on prenne soin de lui, surtout dans de tels circonstances. C'était bon de savoir que certaines personnes étaient là pour lui et ne l'oubliaient pas. En plus, ces gâteaux devaient obligatoirement être délicieux, puisqu'ils avaient été faits avec le coeur. Un jour, Declan avait préparé des brownies à son père. Ils étaient absolument immondes, mais son géniteur les avait tous mangé, pour faire plaisir à son enfant qui avait voulu lui faire un cadeau du fond du coeur. C'était dans les bons temps, ceux luxuriant ou personne ne frappait personne.
Lorsque Breena lui indiqua qu'il devait être étonné de sa visite, il sourit de plus bel, tout en déballant ses dessins, tous posés sur la table de chevet.
"Parce que t'avais envie de me voir?" demanda-t-il simplement avec un énorme sourire et en riant bêtement, avant de lui tendre une feuille. "Tiens, celui-là est pour toi." déclara-t-il. C'était un dessin de paysage, pour lequel il avait pris comme modèle le parc du centre. Il ne s'était pas posé de questions sur la présence de Breena. Après tout, c'était son amie. Par contre, pour l'assistante sociale, c'était différent. Elle n'avait pas l'air d'être là juste pour voir comment se sentait le garçon dont elle devait suivre le dossier. Cependant, elle avait l'air ravie, donc ce devait être pour une bonne nouvelle. Du moins, Declan ne se sentait pas en danger, surtout avec Breena dans la pièce. Il lui faisait entièrement confiance depuis leur rencontre. Certes, notre adolescent était quelqu'un qui accordait très rapidement sa confiance, ce qui pouvait lui jouer de mauvais tours s'il la cédait à de mauvaises personnes, mais là, c'était différent. C'était mutuel et bien plus intense. Et lorsque l'assistante reprit la parole, Declan se figea un instant, s'immobilisant. Il écarquilla les yeux et ne dit rien avant.... de finalement fondre en larmes. De vraies larmes de crocodile. Il pleurait et se cacha finalement les yeux dans les mains, pour les essuyer avec ses manches. "Tu veux dire... Quelqu'un veut de moi? C'est vrai? C'est pas une blague?" demanda-t-il encore en sanglots. La réaction avait dû effrayer ses interlocutrices, mais dans son état psychologique instable, ce n'était pas si étonnant. Avec ce qu'il vivait en ce moment, il avait bel et bien le droit de craquer. "Désolé.. Mais je croyais que plus personne ne voudrait jamais de moi dans sa vie... Parce que les autres disent tous que je suis bizarre et que je suis un débile..." dit-il en baissant les yeux, les joues rouges. Il n'arrivait pas à croire à la nouvelle. C'était un rêve éveillé...

Declan cligna des yeux en observant Breena, tandis qu'elle venait de lui dire qu'elle avait bien eu envie de le voir, mais que ce n'était guère la seule raison de sa venue ce jour-là. Il était vrai qu'il ne l'attendait pas de sitôt. Il lui offrit un dessin, même si, à présent, il se demandait réellement ce qu'elle faisait là. Elle avait éveillé sa curiosité et cela commençait à le tarauder. Pour le coup, il aurait bien aimer sortir Doudou et le câliner, pour se calmer, parce que ce genre de situation était souvent à l'origine de paniques chez lui. Il se faisait un tas de films dans la tête, allant même jusqu'à se demander si son interlocutrice n'allait pas lui dire qu'elle ne viendrait plus jamais le voir. Cette crainte de voir disparaître toutes les personnes qu'il aimait était bien réelle, et plutôt justifiée, puisque sa génitrice était décédée des années plus tôt et son père venait de se retrouver en prison.

Finalement, il sourit simplement à Breena. Puis l'assistante reprit la parole... Ce qui eut pour effet de rendre Declan complètement en pleurs. Le pauvre ne parvenait pas à se rendre compte de la situation. Pour le coup, il avait l'impression de vivre un rêve eveillé. Il ne parvenait plus à contrôler ses émotions. Là, il avait vraiment besoin de Doudou. Pourtant, impossible de le montrer, puisqu'il l'avait volé dans les bureaux des infirmières. Son médecin lui avait dit qu'il n'en avait plus besoin et le lui avait pris. Mais notre lycéen avait trouvé un moyen de le rechercher et le rapporter dans sa chambre. Il le cachait sous son coussin et ne le sortait qu'à la nuit tombée, pour le serrer contre lui. Cela le calmait et lui permettait de s'endormir rapidement.

Il s'essuyait les larmes à l'aide de ses manches, lorsque son assistante sociale reprit la parole pour le rassurer. Il souriait, joyeux, encore sous le choc de cette annonce. Mais en même temps, il avait toujours peur de ce que Breena avait à lui dire. Declan était tellement paumé qu'il n'avait pas fait le rapprochement entre les deux situations... C'était pourtant si évident. D'ailleurs, son amie vînt s'accroupir auprès de lui, sans doute désireuse de la tranquilliser à son tour. Et les mots qu'elle prononça lui redonnèrent le sourire. Il cessa complètement de pleurer. Il la regardait, droit dans les yeux, doucement et en silence, comme s'il tentait encore une fois de s'assurer qu'il était bien réveillé. Après l'avoir jaugée en silence pendant plus d'une minute entière, il se leva en sautillant, subitement. "Oui, je veux, je veux, je veux!!!" Il était presque en hystérie. "Mais..." Il se calma tout à coup. Son esprit était en ébullition, il passait de la joie à l'inquiétude à une vitesse déconcertante. "Tu es sûre? Enfin... Vous êtes sûrs de ça? Que vous voulez que je vienne vivre chez vous?" demanda-t-il, en fronçant les sourciles. "Et si... Si je dérange?" Il se demandait si Breena était au courant de TOUT ses problèmes.... Comme les crises de terreur nocturnes ou alors... Le fait que cela lui arrivait encore de temps en temps de faire pipi au lit, même si c'était rare. Ou même qu'il ne pourrait jamais se développer comme les autres garçons, aussi vite.... Oui, bien sûr, elle devait le savoir, l'assistance sociale avait dû lui dire...

Le lycéen avait vraiment peur d'être un poids pour les autres. En fait, il savait que s'il s'était retrouvé dans ce centre, c'était parce que personne ne s'était senti assez fort pour le prendre en charge. Bref, tout le monde avait eu peur d'avoir un boulet cloué à la jambe, à commencer par Seth. Et cette idée ne l'avait pas quitté depuis tout ce temps. Il se sentait si vulnérable et si seul. Alors, maintenant que Breena lui avouait son envie de le faire venir chez elle, il en tremblait. Si elle finissait par le regretter? Si elle le renvoyait au centre parce qu'elle ne le supportait pas? Declan n'était pas un adolescent normal, il avait plein de problèmes, c'était un moulin à paroles que beaucoup qualifiait comme le chieur du siècle et dont on voulait se débarrasser. Du moins, c'était ainsi à l'école et, de fait, il n'avait presque aucun ami. Ceux qui restaient avec lui le faisait plus par pitié qu'autre chose. Enfin, c'était ainsi qu'il imaginait les choses. Que les autres avaient peur de lui car il était différent.

C'était donc pour cela qu'il était pleinement étonné par l'envie de Breena de le prendre en charge. Le faisait-elle par pitié aussi? Ou voulait-elle vraiment de lui? Est-ce qu'elle l'aimait, avait un réel attachement? C'était absurde de se poser ce genre de questions... Après tout, il avait toujours pu compter sur elle depuis qu'il la connaissait, mais il avait tellement peur qu'elle finisse par regretter sa décision. Lorsqu'elle tenta de le rassurer cela marcha quelques secondes. Il lui sourit tendrement, avant de la prendre dans ses bras pour la serrer contre lui avec tout le plein d'amour dont il était rempli depuis toujours.
"Oui, c'est à cause de mes problèmes. J'en ai beaucoup et je sais qu'ils sont pas faciles à vivre. Les gens vont dire plein de choses sur vous dans votre dos.  Je le sais." Oui, il savait que les autes pouvaient être cruels avec Breena, du fait de son choix. Surtout ceux qui penseraient qu'elle avait un lien de sang, c'est-à-dire biologique, avec ce garçon si spécifique et si étonnant. Et il ne voulait pas que les gens parlent mal d'elle ou finissent par la mépriser car elle s'occupait de lui et qu'il n'était pas normal. "Je ne veux pas que tu finisses par regretter de m'accueillir chez vous... Je veux pas que tu deviennes malheureuse à cause de ça. Je veux pas te créer d'ennuis ni de problèmes... " dit-il finalement tout doucement, avec une toute petite voix. Il était sincère. Declan était toujours sincère et ne mentait que très rarement, dans des cas où il y était forcé. "Je te promets que je vais faire tout ce que je peux pour être un bon garçon..." conclut-il en baissant de nouveau les yeux.