Hazel | Un grain de folie qui met du baume au cœur

Hazel ? ... Hazel !? Un chuchotement qui n'atteint pas mon ouïe. Pourquoi tu te lèves ? Tu vas où ? La voix innocente de Dylan qui raisonne dans notre chambre. Mais je ne l'entends pas. Mon corps se tourne vers lui. Il me prend la main, inquiet, et me raccompagne jusqu'à mon lit, et me borde. Il s'allonge contre moi. Et s'endort, me tenant aussi fort qu'il le peut avec ses petits bras. A mon réveil, j'ai six ans, il en a quatre. Je dépose un baiser sur son front. Je l'aime si fort, mon petit frère. Et c'est ma première crise de somnambulisme, avant une longue série. Des épisodes de plus en plus fréquents qui m'ont offert une carte de fidélité chez un psychologue. Comprendre pourquoi, ce stress refoulé. Et la raison a été plus qu'évidente.

Un père, Christopher Wise, qui été dévoué pour sa famille, qui a sombré dans l'alcoolisme et la dépression après son licenciement. Un ennui mortel qui l'a transformé. Ses mains levées sur ma mère, Lucy Simmons, mon frère et moi. J'ai tout fait pour protéger Dylan. Recevant les coups à sa place. Mais je n'ai jamais pu faire quoi que ce soit pour ma mère. Mais elle est forte. C'est une battante. Mon exemple. Et j'me suis jurée de devenir comme elle.

Je rentre de l'école. J'ai dix ans. J'entends mon frère pleurer. Des pleurs si criards qu'ils m'arrachent la poitrine. Mon cartable tombe à mes pieds, et je cours à travers la maison. Et quand je passe le seuil de la porte de chambre, mon père, cet homme, le poing serré qui se lève. Hargneuse, je m'élance et lui rentre dedans. Je lui fais face, statuée devant mon frère. Et même s'il fait trois têtes de plus que moi, j'en ai plus rien à faire. J'le protègerai, coûte que coûte. Ses doigts empoignent mes cheveux. Je reste silencieuse, le visage dur. Je suis forte. Il me trimbale dans la salle à manger, en tirant mes cheveux. Il gueule, mais je ne l'écoute pas. Et sa main qui marque mon visage. J'essaie de lui donner un coup, avec mes poings, avec mes pieds, en vain. Mes membres sont trop courts. Il est prêt à récidiver, lorsque la porte d'entrée s'ouvre. Maman. Il relâche son emprise. Je tombe à genoux, mais me relève aussitôt, rejoignant ma mère. Elle me prend la main. C'était la dernière fois, Christopher. Sa voix est dominatrice. Mon frère qui accourent dans ses bras. Et de sa main libre, elle lui saisit la sienne. Quoi ? Tu t'en vas, comme ça ? Avec les enfants ? Tu m'abandonnes ? La porte se claque derrière nous. Les valises déjà installées dans le coffre de la voiture. Et ma mère qui nous conduit loin de tout ça. Nous quittons la Californie définitivement. Une nouvelle vie, un nouveau départ, en Pennsylvanie. Le reste de mon parcours scolaire se déroule tranquillement, toujours appréciée des professeurs sans pour autant être première de la classe. Ma mère a pris la sage décision de quitter mon père après ces 4 ans de négociation avec lui. Quitter l'alcool, gérer ma maladie, assurer une scolarité correct pour Dylan et moi, la décision de ma mère a été aussi difficile qu'évidente, pour notre bien à tous les trois. Plus de violence, mais plus de père. On reste tout de même en contact, mais à l'autre bout du pays.

Je fête mes dix huit ans. Ma mère qui connait mon désir pour le tatouage de cette koï monochrome de sept centimètres que je lorgne depuis des années. Elle me l'offre, parce qu'elle sait à quel point ça me tient à cœur. A quel point son symbole représente pour moi. Force et persévérance. Et je choisis de l'imprégner définitivement à droite de mon bas ventre. Elle me rappellera qui je suis, d'où je viens. Ce que j'ai supporté. Affronté. Et que je m'en sortirai, toujours. Comme ma mère.

J'ai vingt ans, j'entame ma troisième année à l'université de Princeton, dans le New Jersey. Je rencontre le seul homme qui a su faire battre mon cœur à en mourir. Mourir. Je me rappelle, notre accident. Sa voiture de sport, alors qu'il est au volant. Il va vite. Trop vite. Je suis du côté passager. Je lui ordonne de ralentir. Il n'en fait qu'à sa tête. Comme d'habitude. Mon bad boy. Parce que je n'aime que ceux qui ne respectent pas les règles, que ceux qui se croient mauvais, détruits. Que ceux qui ont de l'assurance, confiance en eux, protecteurs, jaloux et possessifs. Parce que je m'ennuie quand une relation amoureuse est trop belle, trop facile, trop de romance et de poésie. Parce que j'ai l'espoir d'être leur lumière. Leur issue de secours. Et j'étais sa lumière. Je suis devenue son rayon de soleil. Et il est devenu mon ange, après le crash de son bolide. J'm'en suis sortie. Pas lui. Et je l'aimerais toujours. A vie. Il a été mon premier. Des semaines difficiles qui ont suivi son enterrement. Mais je sais aussi qu'il aurait aimé que je refasse ma vie. Et c'est loin d'être mon genre, de plonger dans la dépression.

J'ai vingt deux ans. Diplômée en cosmétique. Et je pars pour l'Europe. Au début, ce n'est que pour voyager. Voir autre chose. Changer d'air. Aventurière. Et je tombe amoureuse du Royaume-Uni. Et tout particulièrement de sa capitale. Londres. Parce que j'y trouve mon compte. Un logement. Un travail. Tout s'offre à moi en un claquement de doigts. J'aime l'ambiance qui y règne. Tous ces parcs où gambader me font rêver. C'est un tout. J'ignore combien de temps je vais y rester. Parce que je suis plutôt du genre imprévisible et incapable de me projeter dans l'avenir. Je vis au jour le jour. Et jusque là, ça m'a réussie.