hindsight's a wonderful thing, when we're all experts
who pretend. where's a good place to begin,
let's start with the truth 'cause it gets you in the end.
• • •« Et donc quand je lui ai dit en plaisantant qu'il me manquait encore une rousse ou une gauchère pour dire que je les avais toutes faites, elle a commencé à s'énerver. Mais c'est vraiment une grognasse, c'est elle qui a voulu que je lui parle de mes anciennes relations! » débita-t-il, complètement blasé à propos de sa dernière petite amie. Qui l'avait largué comme une merde à cause d'une unique dispute, soit dit en passant. Ah, les femmes. Elles étaient la plus grande source de distraction de Rhys, mais aussi de problèmes. Hilare, Julian lui donna une grande tape amicale dans le dos avant de faire signe au barman de leur apporter une autre tournée d'alcool.
« Laisse tomber, tu étais trop bien pour elle. » ironisa-t-il, tout sourire.
« Grave, elle sait pas ce qu'elle a perdu. » répondit-il en bombant le torse d'un air narquois. En vérité, cette rupture ne lui faisait ni chaud ni froid. Il ne fréquentait cette fille depuis seulement quelques semaines et il ne s'y était pas particulièrement attaché. Il préférait se concentrer sur son boulot, sur le nouveau projet qu'il avait bâti aux côtés de Julian et qui s'annonçait plutôt intéressant. Un journal indépendant, avec l'un de ses meilleurs amis et lui en tant que propre patrons, quoi de mieux? Rhys connaissait Jules depuis son adolescence. Il le considérait comme l'un de ses frères de cœur et pour cette même raison, il balança, de but en blanc:
« J'ai un truc à te dire. Je suis désolé, je sais d'avance que ça ne va pas te plaire alors si tu veux me foutre ton poing dans la gueule, je t'y autorise. » Aussitôt, le journaliste sentit sa gorge se nouer et il lui fallut boire une gorgée de scotch pour se décider à continuer, sous le regard soucieux de son ami.
« J'ai embrassé Sam. Sam Oswald-Bower. » Il avait l'impression de confesser un meurtre. N'ayant pas pour habitude de tourner autour du pot, Rhys avait préféré être direct plutôt que de tergiverser pendant des heures. Après tout, l'aveu était le même.
« Je sais que je n'aurais jamais dû m'intéresser à elle. D'ailleurs, je comprends pas ce que je lui trouve, mis à part son physique. Enfin je veux dire, on est complètement différents. Mais... elle me plaît. » Il s'enfonçait complètement là, non? Julian n'avait sûrement pas envie d'entendre qu'il y avait un peu plus derrière ce baiser – du moins, du côté de chez Rhys – et ce dernier se demandait sérieusement s'il n'était pas suicidaire. Mais à côté, ce serait mentir que de dire que ce baiser avait été un accident ou qu'il ne comptait pas. Car même si Rhys se détestait pour cela, il admettait à présent (enfin) que Sam rentrait de plus en plus dans ses critères et que s'il y avait moyen, il n'était pas contre la connaître un peu plus. Pas forcément de façon seulement amicale, cela s'entendait. Cependant, il devait le dire à Julian. Son amitié de longue date avec lui comptait plus qu'une amourette qui finirait probablement mal alors quitte à ce que Jules veuille qu'il arrête tout avec la brune, Rhys était prêt à le faire. Il ne supportait pas l'idée d'avoir dérogé au
brocode quand il savait que si le contraire s'était produit, il l'aurait très mal pris. De la même manière qu'on ne touche pas aux sœurs des potes, on ne touche pas non plus aux exs des potes. Pourtant, quelque part, il ne regrettait pas d'avoir embrassé Sam. Il se souvenait encore de l'intensité de leur baiser, de la sensation qui lui avait noué le bas du ventre au moment où ils avaient établi ce contact. Il avait connu beaucoup de filles, beaucoup de relations mais rares étaient celles qui lui avaient autant donné envie d'en
avoir plus. Sans seulement parler de sa plastique de rêve, Sam avait quelque chose qui l'attirait comme un aimant. Elle était chiante, insupportable même. Mais elle lui plaisait, beaucoup plus qu'il ne pouvait l'avouer. Resserrant nerveusement ses doigts contre son verre, il observa son voisin, craignant pour la première fois sa réaction. Il ne s'était jamais disputé avec Jules. Ça le tuait de s'être comporté de façon aussi égoïste, et ça le tuait encore plus de ne pas être capable de regretter. Il sentait que Julian commençait à s'agiter, digérait la nouvelle et cogitait intérieurement. Un peu prudent, Rhys posa sa main sur l'épaule de son ami mais celui-ci se dégagea aussitôt et se leva de son tabouret, blême.
« Faut que j'aille faire un tour dehors. » maugréa-t-il avant de boire son verre d'une traite et de s'éloigner vers la sortie du bar. À choisir, Rhys aurait largement préféré se prendre un coup bien mérité plutôt que ce silence pesant.
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Lunettes de soleil sur le nez et cheveux comme d’habitude en bataille malgré le gel, Rhys déambulait dans les rues de San Francisco au milieu des autres passants. Danny était partie depuis quelques semaines ainsi que la plupart de ses amis londoniens, il avait été le seul à rester. En même temps, lorsque l’été se terminait, qui à part Rhys faisait le choix de rester en vacances? Sa mère l’avait d’ailleurs sermonné durant de longues minutes au téléphone, surtout à propos du journal indépendant qui faisait maintenant son petit bonhomme de chemin sans lui, mais comme un enfant de cinq ans, Rhys ne l’avait pas écoutée. Il était bien, aux États-Unis. Certes, il ne se sentait pas comme chez lui comme à Londres mais au moins, le climat était tout de même plus agréable. Il n’avait pas de responsabilités, ici. Il était juste Rhys Carstairs et sa voiture, roulant sur la route à la conquête des paysages américains. Le jeune homme savait pertinemment que cette période ne durerait pas indéfiniment mais tant qu’il le pouvait, il avait choisi de poursuivre son séjour aux States. C’était sûrement une décision irréfléchie, prise sur un coup de tête et insensée. Mais dans tous les cas, ce ne serait pas la première fois. Entrant dans une épicerie pour se racheter un paquet de cigarettes, il releva la tête et son regard s’entrechoqua avec celui d’une brune, loin d’être inconnue.
« Rooooxanne, you don’t have to put on the red liiiight. » chantonna-t-il d’un ton moqueur en l’observant. Roxanne. La première femme qu’il avait aimée et sûrement celle qu’il avait
le plus aimée à ce jour. La rupture avait été difficile à vivre. Si pendant les deux années qui avaient suivi, il n’avait fait que vouloir lui pourrir la vie, de l’eau avait aujourd’hui coulé sous les ponts. Enfin, normalement.
« Rhys?! » Elle s’approcha pour lui faire la bise et sans rien dire, le jeune homme sentit une décharge électrique lui envahir la poitrine au moment où leurs peaux se touchèrent. Pas de doute, Roxanne avait toujours su lui faire de l’effet.
« Je savais que tu avais emménagé aux États-Unis mais je te pensais plutôt dans une ville comme New-York ou Washington DC. » déclara-t-il, étonné de pouvoir lui parler avec une telle aisance. C’était quand même une sacré coïncidence de retrouver son ex dans un autre continent. Fichu karma. Comme deux vieux amis, ils échangèrent des banalités avant qu’elle ne lui annonce la nouvelle quand il lui demanda alors ce qu’elle devenait.
« Hum, je me suis mariée. » Premier choc. Rhys accusa le coup silencieusement, faisant mine d’être enjoué pour elle. Roxanne, mariée? L’idée lui semblait tellement incongrue. Enfin, pas tant que ça car plus il y pensait, plus il se souvenait que Rox lui avait déjà fait part de ses désirs de mariage. Elle avait toujours été très organisée, du genre à avoir une ligne directrice toute tracée pour sa vie depuis qu’elle était adolescente. Tout le contraire de lui. Mais le fait de la savoir engagée lui provoquait un pincement au cœur. Peut-être parce qu’au fond, il s’était toujours dit qu’elle serait la seule qu’il pourrait épouser malgré son aversion pour cette cérémonie. Rhys avait tourné la page, mais Roxanne avait été un chapitre tellement important dans sa vie qu’il réalisait qu’il avait encore du mal à accepter certaines choses.
« Et je vais avoir un enfant. » Coup de grâce. Mariée et enceinte, le pompon. Il hocha la tête, encaissant en bouillonnant intérieurement.
« Moi aussi. » lâcha-t-il, sans réfléchir.
« Enfin, je ne suis pas enceinte hein, ou enceint, je ne sais pas comment ça se dirait. Mais je vais me marier. » Est-ce qu’il était crédible, sans bague à l’annulaire? Connaissant sa situation actuelle et son tempérament, non, assurément. Cependant, pour quelqu’un qui ne l’avait pas vu depuis des années, c’était tout à fait probable. Rhys voyait la plupart de ses amis se fiancer tour à tour, apparemment, il était dans la bonne tranche d’âge. Il ne savait pas trop pourquoi il avait dit cela. Sûrement pour qu’elle pense qu’il avait évolué depuis tout ce temps, qu’il n’était pas resté au point de départ. Pour la piquer aussi, en lui montrant qu’une autre femme avait réussi à le convaincre quant à ses convictions sur le mariage. Ce qui était évidemment complètement faux.
« Oh, je suis surprise, je pensais que tu étais absolument fermé à l’idée de te marier. Je suis contente que tu aies changé d’avis, Rhys. » Le pire, c’est qu’elle avait l’air sincère. Le journaliste avait envie de s’enterrer plus bas que terre. Roxanne était tellement agaçante. Jamais jalouse, toujours à vouloir le bonheur de chacun. Ne pouvait-elle pas lui montrer qu’elle avait pensé au moins une seule fois à lui, comme lui avait pensé à elle à chaque fois qu’il sentait qu’une de ses relations devenait un peu plus sérieuse?
« Et c’est dommage pour le fait que tu n’attendes pas de bébé, tu ferais un super papa, te connaissant. » Elle disait ça sur le ton de la plaisanterie, mais le brun se raidit automatiquement. Il pensa à Cardiff. À Caroline. À l’enfant qu’il avait laissé dans cette ville, sans jamais donner de nouvelles hormis l’enveloppe pleine d’argent qu’il leur versait chaque fois. Il pensait à son fils, et cela suffit pour qu’il ne puisse songer à autre chose tout le reste de la journée.
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Londres. Home sweet home. Après près de quatre mois à vagabonder, Rhys avait fini par revenir. La ville lui avait manqué, inévitablement. Ce n'était pas la première fois qu'il la quittait pendant longtemps, mais le retour lui procurait toujours la même agréable sensation de revenir aux sources. Londres était sa maison, il n'avait jamais eu de doutes. Sortant de sa voiture flambant neuve qu’il allait sûrement finalement revendre dans quelques semaines en se rendant compte qu’il n’en avait pas plus besoin que cela, Rhys claqua la porte à la volée et enjamba les marches du perron de la maison d’en face. Il était tellement pressé qu’il ne se rendit même pas compte qu’en appuyant aussi fort sur la sonnette, il l’avait sûrement déclenchée plus de trois fois. Un bruit de serrure retentit et le visage de Caroline apparut dans l’entrebâillement de la porte.
« Salut. Désolé pour le retard, il y avait des bouchons. » Il s’était surtout réveillé en retard malgré les deux alarmes qu’il avait pris le soin de programmer, mais elle n’avait pas besoin de savoir ce genre de détail.
« Je commençais à m'inquiéter. Oh mon dieu, mais que t'est-il arrivé sur le visage?! » demanda-t-elle en écarquillant les yeux, passant une main sur sa joue pour examiner la plaie.
« Rien du tout, ne t'en fais pas. Je me suis juste mangé un poteau. » répondit-il en se dégageant, ne voulant pas qu’elle voit plus en détail le bleu naissant sur sa pommette. A vrai dire, il ne se souvenait même plus de la raison de cet ecchymose. Il hésitait entre la fois où il s’était véritablement pris un poteau dans la tronche en voulant escalader la clôture d’un terrain vague, ou la fois où il s’était juste battu à la sortie d'une soirée arrosée. Dans les deux cas, il valait mieux ne pas chercher à comprendre, il avait le don de toujours s’attirer des ennuis.
« Arrête de me mentir, Rhys. Et je te mets en garde, c'est la dernière fois que je te vois dans cet état. » Il soupira. Caroline avait déménagé à Londres depuis à peine deux semaines, il fallait qu’elle comprenne que si elle avait accepté que Rhys revienne dans sa vie, certaines choses chez lui ne changeraient pas. Il voulait faire des efforts. Vraiment. Pour son fils, pour lui, pour elle, pour tout le monde. Mais il n’y arrivait pas. Il ne pouvait se résoudre à abandonner ses vieilles habitudes, c’était son caractère, sa personnalité.
« T'es pas ma mère, Caroline. » « Non, mais je suis celle de Noah. » rétorqua-t-elle, sans ciller.
« Et moi, je suis aussi son pè— » Il fut interrompu par une petite silhouette qui accourra en poussant un cri de joie.
« Salut, bonhomme. » Rhys s’abaissa à sa hauteur, et entoura le garçon de ses bras avant de lâcher son étreinte.
« Mais regardez-moi ce beau-gosse! C’est quoi, ça? » demanda-t-il en désignant sa tignasse.
« Il a voulu faire la même coiffure que toi. Je lui ai dit que ce n'était pas tout à fait ça, mais il ne m'a pas écoutée. » Le brun s’esclaffa. Noah avait une espèce de houppette trop bien faite sur la tête, il espérait tout de même ne pas se coiffer de cette façon. Caroline lui disait souvent qu’ils se ressemblaient beaucoup. Qu’ils avaient le même sale caractère, ce grain de folie et cette insouciance qu’on lui reprochait trop souvent.
« Attends, fais voir. » Il ébouriffa les cheveux du garçon, laissant alors quelques mèches rebelles se dresser de façon négligente.
« Voilà, c'est mieux. Faut les laisser faire leur vie aussi, un peu! » déclara-t-il d’un ton amusé tandis que Noah se débattait.
« Arrêêête, tu détruis touuuut! » grogna-t-il, essayant de remettre sa coupe en place.
« Mais c'est pour le swag, Nono! Tu sais ce que c'est le swag, au moins? » C'était souvent comme cela quand ils se voyaient. Ils avaient rapidement tissé une complicité et si Noah râlait toujours quand on l'appelait Nono, le brun s'amusait à continuer avec ce diminutif ridicule. Ne pouvant réprimer un sourire, l'enfant abandonna et se contenta de mettre son sac avec un superhéros dessiné dessus sur son dos. Il releva la tête vers Rhys.
« Bah, tu t'es fait mal? » Le jeune homme haussa les épaules avec un geste désinvolte et prit le soin d’éviter le regard insistant de Caroline. Il savait que son fils ne devait pas voir ce genre de choses, il était censé montrer l’exemple, pas être un mauvais père.
« C'est rien, ne t'inquiète pas. Je me suis battu avec un crocodile, il était plutôt coriace. J'ai réussi à m'en sortir quand même, mais je suis sûr que je ne serais pas blessé si tu avais été là. » Il vit les yeux du garçon s’agrandir, émerveillé par la perspective d’avoir pu vivre un semblant d’aventure, comme dans les films.
« Oooh, mais pourquoi tu m'as pas appelé, Papa? On l'aurait retassé tous les deux! » Papa. C'était toujours aussi étrange quand il l'appelait de cette façon, il n'était pas encore tout à fait habitué. Sa voix était tellement innocente et attendrissante. Rhys n’avait jamais voulu avoir d’enfant. Il les aimait bien, il savait s’y faire mais il n’avait jamais voulu être père. Cependant, depuis qu’il avait fait la rencontre officielle de Noah il a quelques semaines, il se rendait compte à quel point il avait pu être stupide durant ces quatre ans.
« On dit terrasser, mon cœur. Allez, monte dans la voiture, j'ai deux mots à dire à ton père. » Elle l’embrassa avec chaleur puis se tourna vers le journaliste quand leur fils s'éloigna dans l'allée, en direction de la voiture.
« Ne le blesse pas. Pas une deuxième fois. Ne l'abandonne pas. » Il jeta un coup d’œil au véhicule, observant Noah qui s’amusait à faire des dessins sur les vitres de la voiture grâce à la buée. Non, il ne l’abandonnerait pas. Il avait maintenant une raison d’être meilleur pour quelqu’un, de se montrer à la hauteur. Il ne gâcherait pas tout.