MATHILDA > whitewater

Rose-Mathilda et Louise-Adriane (as Domino Kirke) naissent le 13 avril 1986. Quelques mois plus tard, la vie de Rose-Mathilda dérape déjà. Les médecins découvrent chez sa sœur le virus de la mucoviscidose. Dès lors, ses parents ne s'occupent presque plus de Mathilda. Évidemment, puisqu'ils ne risquent pas de la perdre, elle. Mais pendant huit ans, Rose-Mathilda ne parvient pas à avoir une relation correcte avec ses parents. Elle obtient des "je t'aime" jetés avant les portes claquées, mais n'y croit plus vraiment. Elle finit même par ne plus y répondre, remarquant alors qu'ils ne s'en apercevaient même pas.
1995, le regain d'espoir. Louise-Adriane va mieux. Alice Leroy et Christhelm Glühwürmchen arrivent même à avoir un troisième enfant, qu'ils nomment Joël-Nikolaus. Pour eux, il était important que leurs enfant portent à la fois un prénom français et allemand, pour qu'ils n'oublient jamais le mélange dont ils sont issus. Les parents des trois enfants avaient une politique très stricte. Aucune sortie, très peu d'amis et surtout, le travail avant tout. Pour eux, comme pour leurs enfants. Ces derniers ne comptèrent plus les fois où leurs parents oublièrent de les prévenir d'un déplacement, les soirées qu'ils passèrent seuls à manquer de brûler la cuisine faute de n'avoir aucune babysitteuse de préparée. De fait, Rose-Mathilda se détacha de sa soeur et de son frère. Contrairement à eux elle était très débrouillarde, n'hésitait pas à sortir quand ses parents étaient absents et à fumer dans sa chambre, mettant inconsciemment sa sœur en danger. A quatorze ans elle se fichait déjà pas mal des règles, n'ayant pas la maturité nécessaire pour les comprendre. Elle aimait se sentir libre, rebelle, décalée. Elle aimait la fraîcheur interdite de la nuit sur son visage quand il lui arrivait de s'échapper.
Vint fatidiquement le jour où Louise-Adriane dénonça sa soeur, sentant bien que la fumée dans la chambre qu'elles partageaient ne faisait que la rendre plus malade. Dès lors, Rose-Mathilda vécut un calvaire, mais un calvaire qu'elle méritait en soit. N'ayant pris aucune précaution envers sa soeur malade, elle fut vue comme une anarchiste égoïste et irresponsable. Ses parents l'envoyèrent dans un internat en France, qui lui semblait perdu dans la campagne. Sa mère parlant le français à la maison, elle n'était que dépaysée mais pas perdue. Au contraire elle se surprit à aimer la France, aimer la solitude et l'absence de restrictions incompréhensibles. Elle apprit, de quinze à dix-huit ans, à se servir des interdits pour avancer dans la vie. Elle se découvrit une passion pour la photographie qu'elle abandonna au profit de l'histoire des arts. Un bac L en poche, elle revint penaude en Allemagne, découvrant une famille bien plus épanouie sans elle. Ses parents ne l'accueillirent pas en fanfare, sa sœur se sentait extrêmement mal et n'osait pas lui parler, et son frère était trop jeune pour comprendre ce qu'elle voulait. Lorsqu'elle annonça qu'elle désirait faire des études de lettres et d'histoire de l'art, ses parents ne furent pas emballés. Louise-Adriane, elle, avait déjà commencé à étudier la médecine depuis un an. A côté d'elle, Rose-Mathilda était le rejeton incapable.
Le meilleur jour de sa vie fut lorsque leur mère leur annonça que son mari et elle souhaitaient rentrer en France. Rose-Mathilda faillit sauter de joie. L'école qu'elle fréquentait alors était si pauvre en caractères épanouissants qu'elle aurait bien cru y vivre sa mort culturelle. Seulement revenir en France n'était pas non plus une si bonne idée. Dans ce pays qu'elle aimait tant s'enchaînèrent les emmerdes. Premièrement, Louise-Adriane vécut une histoire traumatisante que Rose-Mathilda n'eut jamais l'occasion d'entendre. Sa soeur devint simplement méprisante, critiquant sa jumelle dans tout ce qu'elle faisait. Sa masculinité, ses passions, son physique, tout. Sa mère, ayant déjà une image instable pour Rose-Mathilda, rejeta ses enfants un par un. Chaque soir, elle les punissait. Chaque semaine, elle les frappait. Elle ne respectait plus rien, et même si son mari lui criait d'arrêter, elle n'en avait cure. Au lieu de se serrer les coudes, Louise-Adriane refusa de vivre ça et quitta la maison. Joël-Nikolaus et Rose-Mathilda essayèrent de former un bloc à l'encontre de leur mère.
Rose-Mathilda avait vingt-trois ans quand sa mère commit l'irréparable. Elle trompa son mari. Et lui annonça, sans aucune émotion. Comme si elle était en droit. Et pire que tout, elle rejeta la faute sur lui. C'est à partir de ce jour que Rose-Mathilda eut un profond dégoût pour le genre féminin, voyant son père et son frère les subir, et c'est à partir de ce jour qu'elle décida de boxer. Boxer pour évacuer sa rage, boxer pour oublier, au lieu de sombrer comme n'importe quel crétin dans la drogue ou l'alcool. Lorsqu'Alice quitta le foyer en emportant tout avec elle, Christhelm fut obligé de retourner en Allemagne, avec son fils. Rose-Mathilda, elle, ne le suivit pas. Elle resta avec Lucas Savary. Fou amoureux d'elle, il l'épousa. Perdue, elle accepta.
Tombée enceinte à vingt-six ans, la deuxième année de mariage, elle accoucha d'un beau garçon, qu'ils appelèrent Julino. Pendant sa grossesse, Rose-Mathilda se remit en question. Mais quand Julino vint au monde, elle eut ce que communément nous appelons le baby blues. De nombreux kilos perdus lui valèrent l'inquiétude extrême de son mari. Elle ne fit attention ni à elle, ni à son enfant. La dépression l'avait avalée toute entière. Lorsque Lucas demanda le divorce, elle se rendit compte une nouvelle fois de la capacité qu'ont les femmes à faire souffrir les autres. Elle ne chercha pas à se battre pour la garde de Julino. Elle ne demanda rien, et Lucas lui donna tout. Son appartement à Londres, sa galerie d'art et la moitié de son compte en banque, pour qu'elle se relance. Qu'elle y arrive, sans lui.
C'est ainsi que Rose-Mathilda fraîchement Glühwürmchen débarqua à Londres, muta sa galerie d'art, et entreprit de se trouver un boulot. Elle changea aussi de prénom, devenant Mathilda. Elle trouva sa salle de boxe, qui devint sa salle de prédilection. Elle regrette la France, regrette l'Allemagne, mais les souvenirs accrochés à ses deux pays sont trop sombres pour qu'elle ose y reposer les pieds.