"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici But can you fake it, for just one more show? ( James + Ali ) 2979874845 But can you fake it, for just one more show? ( James + Ali ) 1973890357
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But can you fake it, for just one more show? ( James + Ali )

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Alastair H. Pratt
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() message posté Dim 30 Sep 2018 - 21:12 par Alastair H. Pratt
Now I'm naked,
nothing but an animal

But can you fake it,
for just one more show?

And what do you want?
I want to change
And what have you got,
when you feel the same?

Even though I know,
I suppose I'll show
All my cool and cold,
like old job

James + Ali


Dix heures tapantes.

C’était le jour des poubelles. À la lumière du jour, Old Compton Street ressemblait à une vieille harpie blafarde et éreintée qui s’était affaissée sur ses propres excès. Les pigeons et les mouettes tournoyaient autour des sacs de plastiques pourpres et des cartons défoncés qui pullulaient sur les trottoirs. L’odeur subtile de la décomposition urbaine vous emplissait les narines. Les bruits de moteur des véhicules de services enterraient les brides de dialogue qu’on entendait, de l’autre côté de la rue. Les ordures des fêtards de la veille s’amoncelaient de ça et là, devant les portes closes des clubs de nuit, qui avait fait trembler le béton de la rue à peine quelques heures plus tôt. Les passants tentaient de contourner d’un pas pressé les employés de la voirie qui s’affairaient à ramasser tout ce grabuge avant que la horde de touristes ne franchissent de nouveau les grands murs parfaitement circulaires d’ivoire de Regent Street pour envahir Soho.

Debout sous l’enseigne éteinte du Viper Room, Alastair regardait d’un œil morne des employés se crier à la tête dans une langue incompréhensibles et décharger un camion de livraison de ses produits exotiques au coin de la rue, pour les emmener dans les ruelles étroites du Chinatown, vers un restaurant quelconque. Une matinée parmi tant d'autres dans ce quartier où tout se mélangeait. Les hommes d'affaires, les touristes, les amateurs de comédies musicales, les gays et les asiatiques. Avait-il déjà vu ce quartier sous la lumière crue du matin, avant que Wilde ne le force à se lever à des heures qu'aucun artiste ou oiseau de nuit digne de ce nom ne voit? Le jeune homme jeta un énième coup d’œil à son téléphone et maugréa un flot d’injures, en le remettant dans la poche de son beau veston de velours. Nerveusement, il réajusta le col de son T-shirt noir et fouilla de nouveau son veston, à la recherche de papier à rouler et du petit sac en plastique contenant son tabac. Rouler ses propres cigarettes lui occupait l’esprit et les mains.

Max ne viendrait pas. Il l’avait texté, tôt ce matin. Une excuse à la con. Une exposition spéciale à préparer au British Museum, un collègue malade. Un truc bidon du genre. Depuis quelque temps, Max était distant, il le sentait. Même au Lucky Star, il était parti à peine le show terminé, l'autre jour. Alastair ressortit son téléphone et relut le message de son meilleur ami. Mais que se passait-il avec Babyboy? C’était lui, non, qui avait décidé de présenter tout seul les Untitled au Viper Room. Lui! Et il se défilait maintenant? Alors que Wilde avait dit que ce matin était important pour eux? Depuis que Wilde lui avait parlé de ce type de la BBC, tout avait pris de l’importance. Tout. Il n’était pas sûr de comprendre. Non, il ne voulait pas comprendre. Il ne voulait pas vraiment savoir ce qui expliquait l'absence de Max. Pas maintenant.

Et puis, il était où, Wilde? Il ne s’était pas non plus pointé la veille et le pianiste avait attendu comme un imbécile pendant plus d’une heure, devant le studio d’enregistrement, alors que les examens de fins d’années battaient leur plein. Il n'avait pas vraiment revu Wilde depuis le show au Lucky Star. Le show au Lucky Star... Keynes lui manquait mais il n'avait pas le temps de le voir, ces jours-ci. Il se regarda dans le rétroviseur d’une voiture stationnée sur le trottoir. Il avait une mine à chier. Ses médicaments lui donnaient toujours la nausée, le matin. Et l'odeur ambiante n'aidaient pas. La chaleur non plus. Les cernes bleuissaient presque ses joues. Il avait passé ses dernières nuits entre la composition et ses putains d’études.

Ses putains d’études, oui. Pourquoi tenait-il tant à rafler tous les honneurs alors qu’il savait qu’il ne réinscrirait pas, pour Septembre?

Par orgueil. Pour faire taire toutes les sales langues qui ne manqueraient pas de clamer qu’il abandonnait ses études parce qu’il était trop sot ou trop gâté pour les finir. Qu’il choisissait encore la facilité pour se défiler alors qu’au fond, c’était la musique qui l’avait étreint.

Alastair soupira et lança un regard noir à l’ouvrier de la voirie qui le regardait faire les cent pas dans ses beaux habits, au travers des ordures. Était-ce comme ça qu’il finirait, s’il continuait ainsi? À ramasser la merde des autres?
Le doute. Toujours le doute…

Il lui envoya un doigt d’honneur sous l’hilarité des employés de la ville et humecta son papier à rouler sans faire davantage attention à son public improvisé. Le claquement du zippo fut enterré sous le vacarme de la rue.

Dix heures vingt. Et Wilde n’était toujours pas là.
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James M. Wilde
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() message posté Ven 5 Oct 2018 - 17:29 par James M. Wilde

« Oui, tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
La douleur m'éventre
Mais je ris dès que je peux
Tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
Oui la mort me tente
Mais je vis faute de mieux »

Alistair
& James




C’était une erreur… Une erreur. De se risquer là-bas sur des territoires qui n’étaient pas les miens, territoires étrangers, qui m’ont volé plus d’espoirs que je ne pouvais en sauver. Braver l’atmosphère du Lucky Star, et la touche arrogante de son propriétaire, c’était déjà beaucoup. Mais évoquer plus encore de moi que je ne l’aurais voulu dans une conversation blafarde et presque dérangeante, c’était bien trop. Bien trop pour que la nuit ne s’infiltre pas dans mes poumons et dans ma tête au sortir de la boîte, esseulé, irascible et désavoué. J’en ai oublié les heures, j’en ai oublié l’aube, qui s’est étendue sur ma peau insomniaque, traînant encore sa déraison dans les limbes d’une ville tentaculaire. Je ne sais pas où je suis, je ne sais pas où je suis. Je crois que j’ai croisé du monde, je crois que j’ai suivi un groupe de connards à un certain moment, mais tout s’embrouille après cela, parce que j’ai trop bu, et la cocaïne rend ma nuque raide, mes pensées fourbes. Je me souviens de la nudité d’un corps, et d’un rire, d’un rire déformé. Qui me fait frissonner. Des images dansent dans une temporalité absconse, je ne parviens plus à les raccrocher à une réalité qui s’enfuit entre mes doigts tremblants. Je suis au bord de la Tamise, non loin de ce petit muret où nous étions assis, Eleah et moi, un jour lointain, un autre jour à accoler aux autres qui n’ont plus de sens, plus de raison. Pas aujourd’hui alors que mon humeur flanche, recouvre peu à peu tous les projets, tous les avenirs, pour les rendre noirâtres, incapable de survivre dans le pessimisme qui m’étreint. Qui m’étrangle. L’astre qui se lève ne fait qu’apposer d’autres ombres sur mon front. Aberdeen devient une destination fantasque et ridicule, une invitation qui m’irrite plus qu’elle ne me sied. La France, une contrée indescriptible, inabordable, la ville où elle a osé me convoquer tel un chien devient un tout autre univers, impossible à atteindre ou encore à convoiter. Je devrais la laisser là-bas, ne prendre l’avion ni pour l’un, ni pour l’autre, les abandonner au détour du chemin, tandis que les précipices se distinguent, au rythme de mon coeur qui saccade son dégoût. J’ai un haut le coeur, avachi sur un banc, à sonder l’eau dégueulasse, le ciel hideux. Les bruits de la circulation qui s’éveillent destinent à mes songes des atours monstrueux, la bête ne fait que me mordre, tente de me dévorer, je me sens imparfait au milieu du vacarme. J’aimerais tout voir brûler. Tout voir brûler. Mes comparses, la tournée, ma musique, ses grands yeux noirs, et ses chansons à lui. Son mal être qui tourbillonne en moi et finit par venir s’insinuer dans mes fureurs. Je prétendais la veille que tout ce qui importait, c’était lui, c’était Alastair, mais ce matin, non ce matin, je n’en suis plus très sûr. J’ai mal au ventre, et je suis en colère. L’affront qu’il me fit sur une scène concurrente m’est toujours aussi détestable, et j’ai beau ravaler l’argumentaire que j’ai servi à Nate, pour mieux accepter les couleuvres qui dévorent mes entrailles, en ce jour je me sens convoqué par d’autres idéaux. Quelle heure peut-il bien être ? 8h peut-être ? Comment a-t-il pu jouer ainsi sur la lame d’une fidélité que mon orgueil m’a interdit de mettre en exergue ? Comment a-t-il pu me faire ça ? Me faire ça à moi. Moi qui suis tout, et lui qui n’est strictement rien. Un insecte sur mon chemin. Une entité impropre, incapable, imparfaite. La tyrannie hurle, les idéaux blessés grondent, et la folie qui me nargue susurre d’autres images qui versent des humeurs assassines en mon sein. Je passe mes deux mains sur mon visage, je ne vais pas parvenir à bouger. Je vais rester là. Rester là. Oui là. Ici. Maintenant et à jamais. Quelle importance, qu’est-ce que ça peut bien me foutre, de laisser ma carcasse pourrir. Qu’il crève lui aussi, qu’il m’abandonne pour de bon, qu’il me délaisse comme il a déjà commencé à le faire. C’est tout ce qu’ils font. Tout ce qu’ils savent faire. 8h hein ? 9h désormais… Peut-être, peut-être. Je sonde mes mains grandes ouvertes et si vides, si vides. Je ne parviens pas à calmer ma respiration. Je devais aller quelque part la veille ? J’y suis allé ? Ce n’était pas au Lucky non… C’était ailleurs. J’avais promis quelque chose, je crois, je crois, je ne sais pas. Je me lève dans une posture chancelante, cherche mon paquet de clopes à tâtons mais j’ai dû le paumer quelque part. Quelque part. Je devais me rendre quelque part. Ce matin alors ? Non. Non. Qu’il se débrouille, enfant pervers, cupide, infidèle créature. J’ai un rire rauque, et la tête qui tourne une déraison implacable. Une moue indélicate se peint sur mes lèvres blêmes, et quand dans le hasard de mes déambulations je croise mon reflet sur les vitres d’un magasin, je peine à me reconnaître. J’ai mal. Mal au crâne, et je masse ma nuque à plusieurs reprises pour en chasser les tensions de la came, qui réclament, qui réclament. Sans cesser, la part de soumission d'un corps perclus de douleurs. Je tremble un peu, oscillation mécanique qui me ramène dans mon quartier, plus par habitude que dans un véritable but. Les quelques employés matinaux me bousculent, je ne regarde pas où je vais et quand je parviens aux alentours du Viper, je suis pire qu’une ombre fantomatique qui traine sur le trottoir. Je veux aller crever dans mon plumard, et rêver les buter. Tous. J’ai un mouvement de tête, attiré par une silhouette que je connais mais que je peine à identifier vu l’état dans lequel je suis. Bordel… Je plisse des yeux. Qu’est-ce qu’il fait là, l’enfant prodigue. Judas. Je trimballe un regard absent sur lui, mais la colère qui sourde durcit mon expression. J’arrive à sa hauteur avant de grogner, la voix cassé :
_ Qu’est-ce que tu fous ici, toi. Tu es venu ramper pour regagner mes faveurs ? C’est trop tard.
Mon ton est saccadé, vipérin. Il s’éloigne de cette ironie mesquine à laquelle je l’ai habitué, je suis déjà quelqu’un d’autre, prompt à blesser, prompt à tuer. Il n’y a plus d’amitié dans mes iris froides, plus de cet intérêt que je lui voue depuis que nous nous sommes rencontrés. Si mon regard est fixe, il s’y glisse une distance, une sorte de rejet.
_ Barre-toi, c’est ce que visiblement tu fais de mieux.
L’autre visage de mes attitudes changeantes… Celui qu’il n’a jamais subi, celui qu’il n’a pu que subodorer.
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Alastair H. Pratt
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() message posté Sam 6 Oct 2018 - 9:10 par Alastair H. Pratt
The world is a vampire, sent to drain
Secret destroyers, hold you up to the flames
And what do I get, for my pain?
Betrayed desires, and a piece of the game
James + Alastair




10h41

Le mégot de cigarette lui brûla les doigts, comme toujours. Le jeune homme porta la phalange de son majeur à ses lèvres pour tempérer l’écho de la douleur en pestant tout bas, conscient des employés municipaux qui causaient sans but et qui lui lançaient encore des regards hilares. Comme une bête de foire dans sa cage.

Comme un putain de pédé qui n’avait pas encore compris que son club gay n’allait ouvrir qu’au crépuscule. Oh! il les avait bien entendus, au travers du traffic! Ils hurlaient leurs petites basesses, de l’autre côté de la rue.

Un putain de pédé. Était-ce comme ça que les gens le percevait? Était-ce pour ça que Persée ne s'était même pas essayé de l'entrainer dans son lit? Ou Eleah? Alors qu'il avait tenté, tout le long de sa vie de dissimuler par tous les moyens ce côté de lui-même aux yeux du monde? Qu'est-ce que Nate, qui avait même bravé les coups de son père voyait, lorsqu'il retirait sa main de la sienne, quand un passant traversait Golden Square, en même temps qu'eux? Nate. Son... amant, disons l'avait texté trois fois la veille en lui demandant de passer au Lucky Star. Il avait répondu un peu vite. Il devait vraiment étudier. La vérité était qu' il devait finir cette putain de chanson. Pour jeter Wilde par terre. Pour lui faire regretter de l'avoir fait attendre.

Il voulut lancer un autre flot d’injures aux employés lorsqu’il vit une figure émaciée tourner le coin de Dean Street.

La vision était atroce, fantômatique, emblème de la même décrépitude qui jonchait les rues, devant eux. Elle avançait dans un brouillard seulement perçu d’elle-même, presque maintenue debout par une force surnaturelle. La coke. Ou son appel, peu importe. Non mais comment faisait-elle, cette ombre, pour contourner la fange devant elle?

Wilde. C’était Wilde, bien évidemment. Alastair renifla d’envie et de mépris, bien malgré lui. La coke. Juste à le regarder déambuler, ça se voyait. Il pouvait presque sentir la drogue dans ses propres veines, les décharges électriques de celle-ci le revigorer. Et l’abysse de son manque l’écraser par terre. Ses narines frémirent et ses doigts roulèrent du papier imaginaire. Il jeta son mégot au travers des détritus et transperça celui qu’il considérait secrètement comme son mentor et le spectre de son avenir d’un regard noir.

Un mec raisonnable se serait foutu un sourire bien placide sur ses lèvres, se serait avancé vers lui, lui aurait mis une claque dans le dos, avec un clin d’œil et lui aurait dit d’aller au pieu se reposer. Un mec raisonnable lui aurait dit que tout se reportait toujours. Au lendemain, à la semaine prochaine, au mois prochain, même. Parce qu’un type raisonnable se serait dit qu’il n’y avait foutrement rien à tirer d’un mec dans l’état de Wilde. Ni maintenant, ni jamais.

Mais un type raisonnable restait au lit au moindre rhume. Un type raisonnable acceptait son destin avec grâce. Un type raisonnable étudiait, bien sagement. Un type raisonnable ne passait pas ses nuits à composer, quitte à s’effondrer comme une poupée de chiffon, le lendemain. Un type raisonnable ne jouait pas de musique même s’il avait la main en sang. Un type raisonnable ne poussait pas son meilleur ami à bout.

Un type raisonnable n’acceptait pas que de purs inconnus lui paie un verre, en sachant très bien ce qu’ils avaient en tête, dans une ville étrangère où personne ne pouvait le protéger.

Un type raisonnable obéissait à son père.

Alastair sentit la nausée lui liquéfier les trippes. La trithérapie ne passait pas, le matin. Elle donnait un goût de cendre au petit déj’, un goût d’acide au café et l’envie de se rouler en boule dans son lit. À quoi bon prendre ces foutus médocs s’ils lui donnait envie de mourir, à peine l’aube arrivée? Le docteur Taylor disait que ça allait passer.
Fou. Tai. Ses.

L’odeur doucereuse de la mort qui émanait des ordures allait le faire gerber, il le savait. Il voulut s’avancer pour donner une réplique accerbe au retardataire mais s’arrêta net. Là, dans le regard de Wilde, dirigé droit vers lui, il n’y avait plus de cette étincelle à la fois curieuse et venimeuse qui l’avait enveloppé au cours des derniers mois. Il n’y avait plus cette empathie qu’il surprenait en silence, dans les iris bleus.

Alastair eut inconsciemment un mouvement de recul et perdit son souffle, quelques secondes, les yeux aggrandis par un instinct de survie.

Non, dans ce regard-là, il y avait de la haine, du mépris.
Du meurtre.

« Barre-toi, c’est ce que visiblement tu fais de mieux. »
C’était définitivement le jour des poubelles.
Le bassiste de son groupe allait le balancer là, Alastair le savait. Son meilleur pote, fatigué, voulait passer à autre chose. À des amitiés plus limpides, plus légères, plus commodes, plus enrichissantes sans doute qu’à un pauvre enfant trop gâté dont il fallait toujours ramasser la merde.

Et Wilde l’abandonnait là, sur le coin d’une rue morne, après lui avoir promis la gloire et de superbes ténèbres.

Le jeune homme se passa la main au visage et lança un coup d’oeil vers les ouvriers, public improvisé, qui les observaient, au loin. Où avait-il déjà vu ces regards gourmands de drame et de malaise? Il se souvenait vaguement de cette réception que ces parents avaient eu, avant que sa mère ne quitte Notting Hill pour de bon. Était-ce une réception d’anniversaire d’un de ces parents ou du Nouvel an? Quel âge avait-il? 4 ans? 5 ans? 7 ans? 11 ans, peut-être?  Il se voyait encore, attifé de son beau pyjama de Batman déjà trop petit pour lui, ses cheveux blonds tout ébouriffés, debout dans le grand salon, alors qu’il aurait dû dormir depuis des heures, au milieu de tous ces adultes dans leur tenue de soirée qui le voyaient comme un intrus. Il avait demandé du gâteau. Mais ce n’était qu’une excuse pour ne pas être seul dans sa chambre, d’être le centre de l’attention et d’être dans la cour des grands.

La cour des grands, ouais.

Et lorsqu’on lui avait refusé son putain de dessert à la con et qu’on lui avait dit d’aller au lit, il avait hurlé, hurlé et hurlé. Et cogné. Il s’était enraciné au plancher du salon et avait refusé de d'aller se coucher, malgré les cris de sa mère, les menaces et les tentatives désespérées de la nourrice de le faire bouger de là. Il en avait eu des bleus plein les bras. Était-ce pour ça que sa mère était partie à Aberdeen?

Alastair roula des épaules sans s’en rendre compte et croisa les bras sur sa poitrine, en s’accotant au mur extérieur du bar. Il sentit les racines de son âme défoncer le béton du trottoir, dans un instinct de survie sauvage. Il baissa la tête et renifla un autre coup, pour se charger de l’air morbide qui les imprégnait, tous les deux.
Pour se souvenir que s’il fléchissait, s’il laissait cette putain d’angoisse le gagner, il allait se retrouver dans cette rue. À trier les poubelles pour pouvoir survivre.

Il ne bougerait pas. Pas tant que Wilde ne le fasse entrer dans ce putain de bar. Pas tant que Wilde n’écoute la putain de composition sur laquelle il avait travaillé durant des nuits et des nuits, jusqu’à la perfection. Jusqu’à ce que Wilde garde son putain de sarcasme pour lui. Pas tant qu’elle ne serait pas enregistrée, cette putain de chanson. Comme un gage d’éternité. Pas tant qu’il ne verrait pas la putain de gueule de ce putain de Jonathan Perse de la BBC que Wilde lui avait fait miroiter.

Il ne bougerait pas.

Un sourire placide lui fendit les lèvres et il vomit un petit rire acide pour enterrer les blasphèmes que son mentor venait de lui jeter à la gueule. Il jeta un coup d'oeil à sa rolex, en exagérant ses airs exaspérés.

« Ramper? Trop tard? Trop tard?! Trop tard de quoi? Mais de QUOI tu parles, putain? C’est toi, qui est en retard. On devait pas parler de ce putain d’interview? Jonathan Perse. Tu m’en parles depuis des semaines, bordel. Je t’attends depuis quarante putain de minutes. Et je t’ai attendu hier au studio comme un con tout l’après-midi. On devait enregistrer, remember? Je t’ai appelé, je t’ai texté. J’ai appelé au bar, bordel et Kait’ ne savait pas où tu étais. Tu étais où, hein? Allez. Tu ouvres ce bar, avant qu'on ne crève tous les deux d'axphixie, avec cette puanteur? Bordel, tu tremble. Donnes tes clés, je vais le faire. Donnes-moi tes putains de clés, Wilde. »

Un ordre. Parce qu'il ne savait que parler comme ça, quand il paniquait. Parce qu'il ne voulait pas rester à la rue. Pas laisser tomber sa musique sur le pavé.
Est-ce que le tremblement et la note de terreur qui laissait sa voix plus rauque que de coutume s'entendait?

L’envie de tuer. Elle était toujours là, dans le bleu glacial des yeux du camé. Déterminée à l’ôter de son chemin, comme un parasite. Déterminée à l'écraser, à le réduire en bouillie. Les muscles crispés, l’angoisse au ventre le dos toujours écrasé au mur par la vague déferlante qui l’assaillaient, comme à une bouée de sauvetage. Ne pas détourner le regard.

Il ne fallait pas détourner le regard, même si tout son corps lui disait que courir.

Alastair avala sa salive.

« Non mais bordel… Tu t’es regardé là? Et c’est moi que tu accuses de fuite? Je te signale qu’on a été là, moi et le groupe, à tous les soirs où tu nous a booké. Que j’ai été là à chaque fucking fois où tu l’as demandé. Putain, j’ai composé toute la putain de nuit pour te donner le morceau que tu voulais. Et bordel, je t’ai invité à Aberdeen, non? Comme promis. Et je t’ai promis de tout laisser tomber. Non mais tu réalises que la réception, c’est au début du mois? Tu réalises ça? Tu réalises que j’ai plus rien, à la fin du mois? Et je suis encore là. Alors, me fais pas chier à me dire que je suis un lâche. Non mais toi, tu fuis quoi, Jamie, hein? Tu fuis quoi, comme ça? »
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James M. Wilde
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() message posté Dim 7 Oct 2018 - 18:35 par James M. Wilde

« Oui, tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
La douleur m'éventre
Mais je ris dès que je peux
Tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
Oui la mort me tente
Mais je vis faute de mieux »

Alastair
& James




Dans les ombres grisâtres d'une journée funeste, persister à marcher, sans but aucun, dans les méandres de ma tête. J'ai mal partout parce que j'ai dû m’assoupir sur ce banc comme un clodo et que mes os souffrent de l’absence d'un luxe auquel ils sont habitués. Assoupi. Doux euphémisme… Je me suis sans doute évanoui parce que ma carcasse ne tient plus les excès que je lui inflige cette semaine. L’absence hurle une possessivité déjà malsaine, elle me manque, Eleah, elle me manque sans que je ne sache réellement formuler cette tyrannie qui s’insinue dans mes veines. Il y a une part de moi arrachée qui voyage quelque part dans les dénivelés qu’elle expérimente, un morceau d’âme qui se corrompt dans une autre existence que la mienne et c’est insupportable. Elle ne répond plus. Je ne prends aucune nouvelle, je m’effondre sur les projets ébauchés qui deviennent des leurres, des fantaisies de mon esprit trompeur qui crament déjà dans une indicible douleur les quelques rêves qui s'y arrimaient. Les rêves sont morts dans l’aube grise, les tremblements au bout des doigts ont tout effacé, les images et les idées. Parler de la tournée sans cesse me donne l’envie de me fondre dans le noir pour ne plus jamais en sortir, image glacée en pleine lumière sur des affiches racoleuses qui me rappellent ce que je serai incapable de supporter, ou de prétendre, dans la solitude de ma tête. Les garçons ne comprennent pas, que ça ne suffise pas. Que l’album ne soit pas assez pour moi, car ils ne savent pas. Ils ignorent ce qu’il a fallu blesser pour le concrétiser. La violence qu’il a fallu excaver. J'aimerais trouver une solution. J'aimerais qu’elle apparaisse soudain au détour de la rue embrumée. J'aimerais que quelqu'un se manifeste pour détromper mes présomptions malsaines, briser le sceau sous lequel j’étrangle un futur mort-né.

Il apparaît alors. Il apparaît. Silhouette malingre qui forme un miroir dérangeant à ma déchéance aggravée. Il apparaît dans ses atours sombres, sombres comme les miens, les traits dévastés par une angoisse latente quand il me dévisage. Et qu'il entrevoit la nature qui feule dans mes yeux, éructe par ma bouche. Nature bestiale déchaînée par la cocaïne et la déraison. J’espère que je n'ai sauté aucune fille cette nuit et que les flashs qui traînent sur ma rétine sont des héritages d’autres errances. Si je me suis perdu dans le noir, faites que ce ne soit avec personne… Car le visage de la créature qui brave les rues pleines d’ordures vomies par les déchaînements des noctambules n’est sans doute que le fantôme de celle qui m’habitait alors. Prière silencieuse qui ne fait qu'aiguiser tous mes crocs surtout lorsqu'il se dessine tout près de la devanture du Viper, couleurs sur fond argenté, spectacle enlaidi par mes yeux cernés et la journée d’automne qui sommeille encore. Quelque chose en moi s’enorgueillit de le voir reculer et un rictus malsain parcourt mes lèvres pour lui rappeler sa place. Inexistante. Qu'importe s'il apparaît quand j'en appelle à un sauvetage dans toute la peur qui gît sous la haine et qui me permet encore de marcher. Tant pis. Tant pis. Ça n’a aucun sens. Aucun. Il n’est déjà plus là. Il n'est pas là. C’est un leurre ou un songe enterré. Ça aurait pu marcher. Ça aurait pu, je crois oui. Je l'ai cru. Désormais je ne crois plus en rien, je ne vois que sa mimique apeurée, je ne sens que l’acide ronger mon estomac et l’envie de lui expliquer comment dégager de mon chemin avant que ne me vienne l’idée de le toucher, d’en venir aux mains, de détruire l’image qu’il me renvoie, les projets qu’il a su insinuer dans ma musique, et les quelques rires qu’il a su façonner dans ma gorge. Tout rejeter, tout renier, il devrait le savoir, je suis ainsi. C’est ce qu’ils disent, c’est ce qu’ils murmurent dans mon dos, ce qu’ils me crachent en pleine face lorsque leur vient ce drôle d’instinct combatif, aussi éculé que pathétique, qu’ils portent en étendard pour pourfendre celui dont ils ont si peur. C’est ce que je suis, l’hérésie au coeur, l’infidélité au bord des lèvres. Je t’ai déjà dévoré, je t’ai déjà dévoré, va-t'en, va-t'en je t’en prie. J’ai l’impression qu’il se décompose, et quelque chose s’écroule à l’intérieur, se navre d’imaginer les quelques idéaux à peine formalisés déchoir ainsi, rongés au vitriol de mes mots. L’air tranche, j’ai mal, j’ai mal partout. Je veux qu’il disparaisse, je ne veux pas qu’il puisse voir, je n’en ai pas envie, je n’en ai pas la force. Va-t'en, va-t'en, s’il-te-plaît. Je passe une main nerveuse sur mes bras pour en chasser les démangeaisons qui y courent, puis attends qu’il persiste dans ses réflexes soumis, qu’il s’efface devant moi, et m’oublie. Mais c’est tout sa silhouette qui se braque, face à la mienne qui peine tant à se maintenir dans l’élégance de ceux qui n’en peuvent plus de survivre. Le fil est mince, la chute n’est plus une hypothèse, elle devient absolue. Je sens tous mes muscles répondre à son impudence, c’est comme s’il me carcantait, qu’il cherchait par sa seule présence à maintenir ma tête hors de l’eau, contre ma volonté, et j’ai plus mal encore. J’ai un frisson qui court le long de mon échine, la nuque plus arrogante, mes allures de cadavre entièrement figées dans une détestation assumée. Mon souffle siffle entre mes dents serrées, j’ai déjà dépensé trop d’énergie à lui parler, je n’en peux plus de dire, d’exprimer ce qui ronge à l’intérieur. Il ne devrait pas être là, ça ne devrait pas être lui. Greg sait… C’est Greg qui me ramasse dans le caniveau, qui se laisse insulter, qui a le bon sens de ne rien répondre, et de me foutre dans un lit avant de s’enfuir pour oublier. La mort qui rôde, sur ma peau et dans ma voix. Ça n’a pas existé, ça n’a jamais existé, ça n’existe déjà plus. Alors pourquoi est-ce que c’est toujours là ? Dans son putain de regard, dans son sourire implacable et son rire alarmant. Il éructe maintenant, pire encore il demande des comptes, se met à donner des ordres et je peine à ne pas me décomposer. Tout résonne dans ma tête, les projets cherchent à survivre quand je souhaitais avec prégnance les enterrer. Jonathan Perse. Je ne sais plus qui c’est et pendant une très longue seconde, mes sourcils se froncent le temps que mes idées s’éclaircissent. Cette foutue interview, cette putain d’interview à laquelle je devais le préparer. Par l’Enfer, pas maintenant, plus jamais. Et hier c’était ça, oui, c’était ça, le studio, je devais aller au studio et je ne me suis pas pointé. Puis j’ai traîné ma hargne jusqu’au Lucky. Mais c’est fini tout ça, ça n’a plus d’importance, ça n’a plus d’importance, ça ne doit plus en avoir. Je le dévisage, la tête sur le côté, insupportable migraine qui me dévore et que je ne parviens pas à porter, ma joue frôle mon épaule, comme pour s’y reposer un instant, avant que je ne laisse la destruction me posséder, me porter à la place de cette raison enfuie, dans le creux de la nuit.
_ J’étais ailleurs, là où tu disparais toi aussi. Parfois. Parfois, tu y vas. Le concert était bien, il paraît. Oui, il paraît. Mais qu’est-ce qu’on s’en branle que ce soit bien hein ? Que le moment soit bon ? Bien. Bon. Platitudes informes. Pousse-toi. Pousse-toi. Je t’ai dit de te barrer. Ça ne m’intéresse pas. Ta musique. Ça ne m’a jamais intéressé. Je m’ennuyais. C’est… C’est tout… Putain, tu comprends ça hein ? C’est tout, c’est rien. Rien. Ça ne représente rien.
Je cherche à le contourner, l’idée même de le bousculer, bien que la virulence feule sous mon épiderme, me fait subodorer un contact que je ne pourrais souffrir. Impossible, pas comme ça. Pas quand je suis dans cet état. Alors je me tiens suffisamment loin. Je trifouille mes poches jusqu’à sortir les clefs de la porte de service, dans l’idée de rejoindre le penthouse par le couloir, et lorsque je les ai en main, mes doigts glacés ne savent plus comment les manipuler ou les insérer dans cette maudite serrure. Le métal crisse, et sous la chair, sous le crâne, c’est une disharmonie horrible. Je me crispe, puis me fige au moment où sa présence se matérialise de nouveau. Trop proche, bien trop proche, c’est son odeur, et ses mots, et toute son existence. Qui continue de me maintenir quand j’aimerais sombrer. Tout mon corps se rebelle, statufié, réflexes d’un autre âge, ma voix déformée murmure une mise en garde :
_ Ne m’approche pas. Ne m’approche pas. Pourquoi tu es encore là… Pourquoi ?!
J’ai refermé mon poing, les phalanges blêmes, sur les clefs qui mordent ma paume, et de peur qu’il ose ce geste qui déclencherait tout, et aussi sous le coup de la frustration de me voir incapable d’ouvrir la porte de chez moi, ce poing s’abat, en un bruit sourd, sur l’acier. Une douleur qui m’aide à demeurer les yeux ouverts. Tout ce que je crains, dans le jour blafard, l’extérieur harassant, se matérialise, et je me crispe plus encore. Mes iris changeant lui intiment de disparaître, l’angoisse y palpite, la colère y rugit. Pousse-toi, pousse-toi, pousse-toi. Je pose mon front sur le battant métallique de la porte, les clefs toujours dans ma main crispée, l’observant de biais, alors que la déferlante de ses mots me rappelle toutes les promesses tenues, que je n’ai toutefois pas honorées en retour. Et tous les sacrifices admis, qu’il se tient prêt à assumer jusqu’à l’aube de la déraison, juste parce que je l’y ai poussé. Misérable créature que j’ai traîné dans mon sillage, je réalise, oui. Je réalise que je t’ai laissé entrer dans ma vie, et je ne sais pourquoi. Pour te détruire, pour te former ? Pour te façonner à mon image ou bien t’en sauvegarder ? Pourquoi, pourquoi es-tu ici ? Pourquoi. Ne m’appelle pas comme ça. Ne m’appelle pas ainsi. Le surnom qui en temps normal me révulse, parce que personne ne l’ose si ce n’est Ella dans ses cajoleries, me fait fermer les yeux. C’est comme une entité que l’on rappellerait à la surface, celle qui devrait enchaîner l’animal, lui arracher les dents et lui rogner les griffes. Celui que je fus, que je suis parfois. Rarement. Jamais avec lui en tout cas. Mon ton s’effondre, devient presque plaintif, les mots s’échappent, suivent les lignes irrégulières d’une mémoire informe :
_ Personne ne m’appelle comme ça. Personne. Ma soeur, elle le faisait quand j’étais plus jeune. Pourquoi… Pourquoi t’es parti si loin, hein, pourquoi tu n’es plus là, Jamie. Pourquoi ? Et je ne lui répondais pas, tu sais, je ne lui répondais jamais. Qu’est-ce qu’il y a à dire ? Qu’est-ce que tu veux que je te dise, hein, le môme, qu’est-ce que tu veux de moi ? Ce que j’ai promis, c’est ça, c’est ça, oui. Mais il y a des soirs où tu t’évades, et tu sais quoi, j’ai compris, j’ai compris hier. Que c’était ce qu’il fallait. Que c’était mieux, bien mieux. Oui c’est mieux pour toi, plus simple. Alors pourquoi je n’y parviens pas hein ? À… À…
Mes prunelles deviennent distantes. À te lâcher complètement, à te repousser une bonne fois pour toutes. Mais je ne peux pas le lui dire, les mots se bloquent dans ma gorge. J’ai un rire saccadé, douloureux, cassé. J’ai toujours ma tête appuyée sur la porte, tout mon corps d’ailleurs, mon poing frappe encore, avec moins de conviction, comme si le Viper allait me laisser entrer, ravaler le monstre pour que personne ne puisse le voir ainsi, dans cette déchéance risible. Peut-être que des gens prennent des photos. Et que ce sera dans la presse à scandale bientôt. Et alors, et alors. Je suis si fatigué, si fatigué. Ce que je fuis hein… Ce que je fuis. Elle, toi. Tout. Et ces pensées qui me hantent, qui me tuent. J’aimerais tant que cela cesse.
_ J’aimerais juste que ça s’arrête. J’aimerais que ça s’arrête. Je n’y arriverai pas. Je ne vais pas y arriver. Non. À revenir. Je ne reviendrai pas de cette tournée-là. Alors j’aimerais que ça s’arrête avant, Alastair, j’aimerais. Avant que ça ne t’arrive aussi. Parce que c’est ce qu’il y a ici. C’est tout ce qu’il y a. Sous les promesses, sous mes envies. Tout ce qui gronde, et me dévore.
Mes doigts tremblants se déplient doucement et dans un geste fragile je lui confie les clefs, en prenant bien garde à ne pas le toucher, mon bras se rétracte aussitôt. Car c’est ce que tu verras, ce que tu subiras. En bien pire sans doute. Je me décale pour qu’il puisse ouvrir la porte, me recule, oscillant toujours dangereusement, alors que je passe une main brouillonne dans mes cheveux. Tout ce qui le menace et me menace aussi.
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Alastair H. Pratt
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() message posté Sam 13 Oct 2018 - 8:54 par Alastair H. Pratt

And what do I get,
for my pain?
Betrayed desires
and a piece of the game

And what do you want?
I want to change
And what have you got,
when you feel the same?

Despite of my rage
I am still a rat in a cage
Then someone will say
what is lost can never be saved
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Jonathan Perse.

Cinq syllabes lâchées au coin du comptoir d’un bar, par une nuit embrumée. Cinq syllabes auxquelles il s’accrochait de toutes ses forces. Cinq syllabes qui l’avait déjà propulsé loin, très loin dans les dédales de son imagination. Dans un studio de la BBC One, assis sur un divan rouge à côté de Max, d’Erwan et de John et filmés sur un fond vert déguelasse qui capturerait, plus tard au montage, l’essence de la présence sur scène des Untitled. Avec un présentateur en costard, aux cheveux argentés et à la gueule suffisante qui parlerait de son dernier album devant des millions de téléspectateurs.

Cinq putains de syllabes qui ne voulaient rien dire, maintenant.

Dieu qu’il avait été con. Comment avait-il pu croire à ça? Une boutade sans doute lancée pour lui faire oublier un peu l’affront que les Wilde lui avait fait, à lui et lui seul, en éclipsant ses chansons à lui, pour éblouir le public volage du Viper Room avec leur putain de renommée déjà acquise. Pour lui faire une oublier le vide abrutissant du silence. Pour s’amuser sans doute, oui. Ou parce que l’ivresse de la scène faisait dire n’importe quoi. Pour chanter un espoir que tous les foutus paumés de ce monde recherchaient, en s’agglutinant autour d’une scène et d’un peu d’alcool. Il ne fallait jamais faire confiance à personne, dans un bar. Personne.

Il était ben placé pour savoir, non?

Des larmes de rage avaient même commencé à s’entremêler à ses cils alors que Wilde gueulait des insanités en pleine rue comme un ivrogne, en vacillant vers l’abîme. Est-ce que ce coup de poing lui était destiné? Sans doute. Et sans doute que si Wilde avait eu pleinement conscience de ce qu’il faisait, ils seraient là, tous les yeux, à se rouler dans la merde de Londres et dans le sang. Alastair ne bougea pas.

Ça ne m’intéresse pas. Ta musique. Ça ne m’a jamais intéressé. Je m’ennuyais. C’est… C’est tout… Putain, tu comprends ça hein ? C’est tout, c’est rien. Rien. Ça ne représente rien.


Des insanités. Ce n’étaient que de putains d’insanités. Ils le savaient tous les deux. De ce genre d’insanités qu’on hurlait à une ancienne flamme pour la faire fuir à toutes jambes avant qu’elle ne vous abandonne d’elle-même. Le genre de petites méchancetés bien lâches qu’il jetterait sans doute lui-même à la jolie gueule de Nate, dans quelques semaines lorsque celui-ci se trouverait enfin quelqu’un d’autre, pour pouvoir baiser et s’épanouir. Des insultes qu’il jetterait à Max dans quelques heures, quand le rouquin aurait les couilles de lui dire qu’il ne viendrait plus aux pratiques du groupe.

Des insanités qui avaient pourtant percé les failles de son armure. Alastair dut détourner la tête.

Manquerait plus qu’il te voit chialer, bordel.  


Qui fallait-il croire ou ne pas croire? La star triomphante et tyrannique qui promettait monts et merveilles ou la créature rampante qu’il avait sous les yeux?
Les deux, sans doute. Les deux.

Il renifla s’essuya les yeux et regarda la larme couler dans paume ouverte. Le manque de sommeil. Ce n’était que le putain de manque de sommeil, c’était tout. Et cette nausée qu’il allait bientôt répandre sur le bitume.

« Alors c’est donc ça. Tu fais la gueule. Tu fais la gueule parce qu’on s’est produit au Lucky Star, les gars et moi. C’est ça, le concert dont tu parle, hein? Est-ce qu'il faut aussi que je te rende des comptes sur qui que je baise ou pas? Il me semble que j’étais là, non, quand on s’est entendu sur ce que tu pouvais nous donner, au groupe? Un public vorace, de l’alcool à flot et les filles qu’on pouvait se taper. Je m’en souviens. Et nous, on te remplissait ta boîte sans avoir un foutu centime en retour. Et on l’a rempli à craquer, ta boîte. »

Il s’essuya la main sur son veston et essuya sa chaussure sur l’asphalte, comme on tente d’enlever une merde imaginaire. Il baissa la tête et haussa un sourcil et en pesant sur chaque syllabe, comme Wilde avait appuyé sur cinq des siennes. »

« Je me souviens pas qu’on ait eu le moindre contrat d’exclusivité, toi et moi. Ouais, je t’entends déjà là, tu vas me dire qu’il n’y a aucun contrat, entre toi et moi. Aucun. Tu me dois rien, je te dois rien et puis voilà. Je joue où je veux et toi, tu choisis qui monte sur ta scène ou pas. Hein? Tellement, tellement simple. Mais on sait, tous les deux qu’il n’y aura jamais plus rien de simple. »

Le pianiste leva la tête et l’accota sur le mur de brique. Pour poser son regard sur le camé qui se démenait toujours avec ses clés, au bord du gouffre.

« Si tu veux savoir, ouais, il était bien le concert, vraiment bien. On a joué une heure ou deux. Puis John s’est déniché une jolie pétasse rousse, à ce qu’il paraît. Erwan, je ne sais pas. Max est parti se coucher de bonne heure et moi, j’ai passé le reste de la nuit, je crois, à massacrer en duo des putains de covers sur scène avec un verre de scotch à la main. Pourquoi est-ce que j’ai besoin de te dire ça, Wilde? Pourquoi ai-je à me justifier de me détendre dans le bar à deux pas de chez moi, de temps à autre*? Pourquoi est-ce que le gérant du Lucky Star m’a texté toute la soirée pour me demander de passer, hier? Pourquoi t’es allé là-bas si ma musique ne te rejoignait pas, hein? Pourquoi ai-je toujours l’impression d’être une putain de poupée en chiffon qu’on s’arrache et qu’on veut garder pour soi, prisonnière, si je ne représente rien pour personne? Ne me prends pas pour un con, Jamie. »

Jamie. Le surnom avait fini par démolir ce qui restait de Wilde. Il s’était écroulé sur lui-même, comme un enfant blessé. Comme cet interview avec Jonathan Perse. Comme ces promesses qui ne verraient pas le jour. Du moins, pas aujourd’hui. Alastair s’essuya les yeux, ce picotement-là, qui menacait de faire fondre son masque. Avec prudence, il fit un pas et puis deux et cueillit les clefs que le musicien cédait, sur le point de s’évanouir.

« Je vais là-bas comme toi, tu rejoins ta petite fée, après les pires abîmes. Tu sais, celle qui te tend ses petites paumes fraîches en te disant de garder les yeux ouverts? Ça fait du bien un moment. Mais on sait tous les deux que ce sera jamais assez toi et moi, pas vrai? Jamais. Que même les étoiles, même les fées des bois ne parviendront jamais à effacer toute la merde qu’on a dans nos têtes. Toutes ces putains de voix qu’on a là, dans nos putains de caboches. Ta sœur qui te supplie et … et ces putains de macaronis, qui se demandent ce qu’ils vont faire de mon cul pendant que je suis paralysé. »

Le jeune homme avala sa salive. Pourquoi avait-il dit ça? Le camé ne s’en souviendrait plus de toute façon. Ces mots s’étaient probablement détruits à jamais dans l’esprit de Wilde au moment même d’être prononcés. Tout disparaitrait, dans les bras de Morphée. Il sourit avec tristesse.

« Et qu’il faut ça sorte pas vrai? Tout ce poison. Parce que ça s’arrêtera pas. Je ne sais pas si tu vas revenir de tournée. Je ne peux pas te le promettre. Mais là, tu reviens au moins chez toi, pour ce matin. C’est déjà ça. Je te fous au lit, mec. »

Le déclic du mécanisme de la serrure et le grincement de la porte leur accorda l’éphémère délivrance de la puanteur urbaine. Le Viper Room, désert, les accueillait dans ses ténèbres silencieuses. Le couloir de service, à gauche. Ou était-ce à droite? Peu importe, il trouverait.

La tour d’ivoire finit par se dévoiler, avec sa froideur moderne. Comment pouvait-on vivre dans un endroit aussi stérile et dénudé de chaleur et d’histoire? Alastair ne voulait pas savoir. L’épaule déjà endolorie par le poids mort de Wilde, il guida la carcasse chancelante vers son lit, encore tout habillée et la recouvrit de couvertures, en ignorant les injures devenues incompréhensibles de toute façon.

Combien de temps resta-t-il planté là, à ce demander quoi faire? Alastair ne savait pas. Une onde de nausée le sortit de sa transe et c’est presque sans scrupules qu’il déversa un mélange d’acide, de café et de médicaments dans le couloir. Il dirait à Wilde que c’était à lui de ramasser sa propre merde, il ne s’en rendrait même pas compte.

Il ne pouvait pas partir maintenant. Pas dans l’état dans lequel Wilde était encore. Il se souvenait trop bien de l’overdose de Pettigrew et des questions qu’on lui avait posé, après. Pourquoi êtes-vous parti, Monsieur Pratt, ce soir-là?

Non, il ne pouvait pas le laisser seul comme ça, ce camé de merde. Il s’affala sur le canapé et posa sa composition sur la table basse avec son téléphone portable dessus. La dernière chose qu’il vit, en fermant les yeux fut l’écran qui s’allumait. Nate s’inquiétait. Nate s’inquiétait toujours.

*La joueuse de Nate avait jusqu'à choisi l'adresse du Lucky Star. Et moi, j'avais établi qu'Alastair vivait sur Air Street, lors de la création du perso. Lors de mon voyage à Londres, je me suis amusé à faire le trajet à pied du petit bar jusqu'au domicile imaginaire d'Ali. 3 minutes à pied.
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James M. Wilde
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() message posté Mar 23 Oct 2018 - 21:09 par James M. Wilde

« Oui, tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
La douleur m'éventre
Mais je ris dès que je peux
Tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
Oui la mort me tente
Mais je vis faute de mieux »

Alastair
& James




Cinq syllabes. Cinq syllabes dans l'éther, pour un rêve qui se désagrège dans le fiel et l'aigreur. J'ai l’impression que l’aube a arraché une partie de mon âme pour la laisser en lambeaux, prétendre devient impossible, la colère et la fatigue implacables. Je le dévisage pour lui donner les masques de l’absence. Cette absence que j’aimerais apposer sur sa vie et sur son front. Une absence qui nous verrait désunis, il ne serait plus débiteur, je n’attendrai plus rien de lui, la simplicité d'une froideur dessinée par une cruelle déception. Celle des lâches. Des lâches. J'ai si mal. Si mal ce matin. Ou bien était-ce hier ? Hier déjà… et avant. Et encore avant cela. L’infini d'une noirceur qui n’en peut plus de se contenir. Elle dégouline sur sa gueule pour lui donner des traits étrangers. Je ne le connais pas. Je ne le connais plus. Si seulement c’était vrai. Si seulement cela pouvait s’improviser au détour de mes phrases bancales et abruptes. Disparais. Disparais. Je t’en prie. Je ne peux pas faire face à la réalité. Pas aujourd'hui, pas maintenant. Les autres savent. Ils savent lorsqu'il faut me nier quelques heures ou quelques jours pour que mon existence atone puisse reparaître dans des parures plus appliquées. Mais tu ne t’en vas pas hein, tu ne t’en vas pas. Tu préfères regarder. Regarder et respirer de ces relents putrides que tu cherchais déjà lors de notre toute première rencontre, quand il s’agissait de nous affronter jusqu'à ce que l'un de nous ne s'écroule. Je me suis écroulé avant toi. Regarde. Regarde donc. Il n'y aura pas d’après, il n'y aura rien de ce que l'on a pu rêver. Car c’est trop difficile. Trop tard. Trop tard. J'aimerais qu'il disparaisse pour ne pas conserver cette image de moi, celle que tant de monde fantasme, mais que si peu connaissent en vérité. La difformité d'une créature infamante, cette intimité affreuse que je planque si jalousement. Sous le poids de mon ironie et d'une violence plus simples, qui me protègent et me laissent à l’écart. A l’écart. Il reste à l’écart, choqué par la perspective écroulée de nos efforts. Il reste là, à considérer le mensonge et l’outrage. Des pleurs perlent dans ses yeux sombres et je n'ai pas suffisamment de force pour ressentir une empathie effondrée dans le coin de ma mémoire. Au contraire, le monstre réclame la douleur pour entraver toute possibilité d'un lien singulier, dérangeant, symbolique. Ma respiration feule :
_ Va chialer ailleurs. Putain… Putain… Je suis pas ton père. Ni ton frère. Je suis personne pour toi. Et t’es… t’es… personne pour moi non plus.
Une flopée de mensonges qui tombent à mes pieds, des mensonges ébréchés, à la conviction aussi vacillante que ma silhouette. Ma voix s’éraille, la virulence du langage cherche à se glisser dans un corps trop malade pour le supporter. Les muscles se contractent, ne sont plus que douleurs insatiables. Mais il ne bouge pas. Il ne bouge pas. Un hurlement meurt sur le bord de mes lèvres tremblantes, c’est plus un râle pathétique qu'une injure. Il sait. Il sait… il connaît les astuces des faibles, les assauts des fuyards. Parce qu'il dessine les mêmes à l'intérieur de son corps qui meurt. Qui meurt comme le mien. Alastair. Tu peux encore partir, tu ne comprends pas ? Partir et survivre en dehors de ça. En dehors de moi. Sa tête se détourne et je ferme subrepticement les yeux pour chasser les vertiges et les nausées qui me manipulent. Ses argumentaires sortent en trombe de sa bouche, de l’information trop compacte pour que je ne l’analyse ou m’en défende. Mes épaules sont encore plus basses. Le poids de sa juste colère me voûte. Je ne peux qu'esquisser un rictus qui ne vaut pas celui plein d’arrogance que je distribue d’habitude. Celui-ci est plus destructeur, érodé par le temps, acéré par le dégoût. De moi. De moi.
_ J'en ai tellement rien à foutre… de ce que tu branles dans ton coin. Tu ne comprends pas. Tu ne comprends pas… Tu crois quoi, qu'il y a une entente entre… nous ? Une sorte de foutu contrat tacite ? Connard. J’attends de toi plus que des promesses. Plus… plus… Ce que tu donnes ne suffit pas. Ça ne suffira pas. J'attends plus. J'attends. Tout. J'attendais. Maintenant…
J'agite ma main d'albâtre comme pour le chasser du paysage. Les mots sont compliqués à sortir, à imaginer. Ils ne font pas long feu. Le passé rattrape le présent qui trahit encore tous mes espoirs envers lui. Il déjoue les arguments un à un et en tisse de plus denses, ceux qui continuent d'obscurcir mes iris. Ce plus que je quémande comme un chien. L’hérésie d'un triomphe dans les larmes et dans la tourmente. Il l’a peut-être compris bien avant moi. Que ce ne serait pas simple. Que ça ne serait jamais simple. Au moment même où quelque part je l’ai élu et traqué en exigeant de lui cette foutue chanson au fil d’une nuit de cauchemar. Le portant à des extrémités que quelqu'un de sensé n'aurait jamais tolérées. Mais je ne suis pas sensé. Mon silence porte l’éloquence de son affront et je le fusille du regard. Pourquoi. Pourquoi. Pourquoi hein ? Mes tremblements se font plus soutenus et je crie, en frappant cette porte de malheur qui ne reconnaît plus son maître.
_ Tu sais très bien pourquoi. Tu le sais ! Parce que je veux tout. Ton temps. Ta musique. Ta peine. Et ta putain de haine. Et t’arracher aux moments qui rendront le tout plus acceptable. Parce qu'il faut… il faut que ce soit insupportable. Insupportable. Ensemble. Ensemble. Pour qu'il reste quelque chose… autre chose…
Mes hurlements meurent dans la rue dégueulasse, se délitent lorsqu'il ose ce diminutif interdit qui ôte à ma colère tout ce qui savait la nourrir. Ma voix est si blanche après la stupeur, et mes délires sur ma pauvre sœur qui doit être sur les bancs de son université à cette heure filtrent malgré moi.
_ Je ne veux pas te garder pour moi. Je veux que tu deviennes… que tu deviennes qui tu dois être. Qui tu dois être. Il faut qu'il reste quelque chose hein ? Hein… parce que sinon tout est vain. Tout. Tes petits cachets multicolores, et la poudre. Et les cris. Et le mal. Tout le mal que l'on se fait. Je suis fatigué… je suis si fatigué…
Je lui cède mes clefs comme s'il s’agissait d'un trésor, dans un geste d’enfant apeuré et me recroqueville plus encore quand il évoque Eleah. Partie. Partie là-bas. Je ne sais pas. J’aimerais. J'aimerais qu'elle soit là. J'acquiesce, vaincu et concède tout bas, ébranlé par une révélation qui se grave, tombe comme une pierre dans mon estomac et me donne l’envie de gerber. :
_ Il n'y a rien… Rien qui puisse… Dissoudre l'horreur. Il faut… juste… l’immoler. Dans les notes. Les notes. Jusqu'à ce que l’horreur… nous tue.
Parce qu’elle nous tuera. Elle nous tuera. J'ai un pâle sourire en esquissant un geste presque tendre envers lui, qui demeure suspendu, comme pour effacer l’horreur de son front. Elle nous tuera mais pas encore. Pas encore n’est-ce pas ? Dis-le moi. Dis-le moi. Je comprends alors. Qu'il faut cesser de le repousser. C'est une révélation si abyssale qu’elle me laisse abruti contre le battant de la porte. Au contraire. Il faut qu'il vienne. Qu'il vienne avec moi. Voir l'horreur. Vivre la tyrannie. Les excès. Et la perdition. Il faut qu'il vienne en tournée avec moi. Le projet déchaîne ma respiration. Je le laisse m’emmener, convaincu par mes augures presque funestes. Comme si j'avais l’égoïsme de le condamner avec moi. Mais il est resté. Il est resté. Ça doit être comme ça. Le couloir étend ses ombres presque menaçantes qui courent sur le béton armé. J'appuie mollement sur le bouton de l’ascenseur qui m’est réservé et qui ne dessert que l’étage de mon penthouse, m'appuyant comme un poids mort sur lui, acceptant la proximité qui m'est si épidermique lorsqu'il s'agit de quelqu'un d’étranger. Mais ça n’est pas un étranger. Il est bien plus que cela. Maria a dû passer. Mon appartement clinique se dévoile dans toute sa fatuité : la baie vitrée s’ouvre sur la grisaille du temps automnal, qui tournoie ses mélodies sur la splendeur de la ville. La vue est imprenable ici. Parfois elle m’émeut mais c’est surtout la nuit que je l’apprécie. Aujourd’hui toute cette lumière m’éblouit et lorsque nous passons le seuil, je grogne comme un animal blessé. Ma gentille fée du logis n’a pas osé déranger ni mon alignement maladif, des tableaux, des éléments sur le bar, des clefs sur le guéridon, ni le bordel qui contraste cette dualité qui m’habite, autour du piano à queue, où il y a des feuilles éparses, mon étui monogrammé où le sachet de came clame mes abus, des suites d’harmoniques tracées au marqueur blanc, sur le vernis, qui s’effaceront un jour dans un mouvement rageur. Mes inspirations sont brouillonnes, mon univers effroyablement blanc, sans cloison, avec cette baie qui mange une partie du plafond. Il n’y a que de l’espace, de l’espace, une impression d’infini. D’infinie solitude aussi. Rien ne trahit que quelqu’un d’autre ici, partage mon intérieur, passe dans mon existence, hormis Greg mais qui ne se permet de laisser aucune affaire à lui, quand certaines de mes frusques gisent chez lui, dans cette chambre qui m’est attitrée. Sur la gauche de l’immense pièce à vivre, qui vaut la moitié de la salle du Viper, 30 étages plus bas, se distingue la cloison de la chambre, aux proportions effroyables elles aussi, avec ce grand lit qui se love tout contre la vitre, un lit fraîchement refait, qui serait apparu tout autant désordonné que mon piano si Maria ne s’était pas égarée jusqu’ici. Je souffle, presque incohérent, sentant l’appel des draps blêmes tenter cet évanouissement qui ne demande qu’à se parfaire :
_ Il faut verrouiller… la porte. La porte d’entrée. Il ne faut que personne. Personne. Personne vienne. Personne.
Je me laisse faire, je crois que de temps à autres je le réprimande, parce que j’ai mal, j’ai mal partout. Je demeure ensuite, presque absent, à répéter ce mot “personne”, dans une boucle névrotique. Personne ne doit me découvrir ainsi. Ils savent, ils savent… Quand c’est verrouillé. Qu’il ne faut pas rentrer. Le verrou du haut, il ne saura jamais. Je ne parviens pas à le lui dire. J’essaye de former des mots qui se terminent en frissons et me recroqueville sous la couette qu’il rabat sur moi, allant me nicher près de cet extérieur blindé par une vitre immaculée. Ma place. Toujours. Avec cette sensation d’infinie liberté. Si factice. Si factice. Je ne veux pas être enfermé. Je ne veux pas. Mes murmures sombrent dans un sommeil agité :
_ Je ne veux pas. Pas… Pas là-bas. Jamais.
Là-bas, cet ailleurs plein de mes terreurs, l’asile où on m’a enfermé. Mais je ne lui dirai pas. Je ne lui dirai pas. Car je n’en parle jamais, et ma mémoire s’ouvre sur d’autres cauchemars, qui m’emmènent très loin. Ils se mélangent, les siens, les miens, tout est abscons. Je crois entendre parler italien. Je dors, me révulse d’un mal qui m’étreint, me donne de la fièvre, puis ce froid glacé dans le ventre. Je rêve des aiguilles de l’héroïne. De ce que cela me ferait enfin. Cet apaisement trompeur que je ne tarderai pas à chercher si je continue à jouer avec une consommation débridée. Je ne l’entends pas gerber, ni se retirer dans le grand canapé de l’autre côté, je n’entends plus rien, je ne suis plus rien. Des heures durant. À me débattre avec des souvenirs qui m’arrachent certains gémissements. Des heures durant. Lorsque je rouvre un oeil abruti, il est tard. Il fait peut-être déjà nuit. Je peine à comprendre, où je suis. Un sursaut de panique me fait me redresser tandis que la tête me tourne et que je jure entre mes dents serrées. Bordel. Bordel de merde. J’hésite… Entre me lever et me laisser de nouveau entièrement sombrer. Mais ce que j’ai vu dans mon sommeil me donne des sueurs glacées. Tremblotant, je me drape dans la couette et avance à petits pas, tel un revenant, dont la superbe absente, laisse croire une déchéance aggravée.
_ Greg ?
La silhouette dans le canapé. C’est toujours sa silhouette dans le canapé. Et le ton de ma voix est presque doux. Doux et honteux sans doute. Avant que je ne me rappelle. Pas Greg. Lui. Lui. Oui, bien sûr. Lui. Qui doit venir en tournée avec moi. Il le faut. Il le doit. Ma résolution me donne la force d’avancer jusqu’à lui, je fous une sorte de coup de pied dans le canapé :
_ Oh. Debout les morts.
Mon humeur n’est pas massacrante, il y a une sorte de camaraderie dans ce geste-là. Mon nez se fronce, des airs outragés passent sur ma mine cave :
_ Qui a dégobillé sur la moquette ?
Une fausse question, j’ai l’air de m’en foutre très rapidement, car je hausse les épaules et mes yeux aussitôt se fixent sur la partition qui gît là, telle une preuve, sur la surface brillante de la table basse. Je contourne le canapé, toujours en traînant des pieds, penche un peu le haut du corps pour distinguer des accords, et des mots. Il est resté. Il est resté ici. Et je ne comprends pas pourquoi. Ou peut-être que je ne le sais que trop. Il y a des mots, des mots fragmentés. La substance d'un aveu, que je tais. Je ne sais plus ce que j'ai imaginé, ou non. Je sais qu'il a été massacré. Je sais que pour cela, il ne me dira pas non. Il partira avec moi. Il partira. Je le regarde un long moment, un très long moment, mes iris encore brillantes de fièvre.
_ Joue. Joue s’il-te-plaît. Emmène-moi un peu plus loin. Qu’ici. Et je t’emmènerai à mon tour. Parce que tu es encore là… Encore. Alors, je vais t’emmener avec moi.
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Alastair H. Pratt
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() message posté Lun 19 Nov 2018 - 7:40 par Alastair H. Pratt
Un jeu. C’était un jeu. Non… non. Une danse morbide. Un ballet, vraiment, où le danseur pousse son partenaire dans un élan destructeur et le rattrape juste avant qu’il ne chute sur le sol. Juste, juste avant. Juste avant que les os ne craquent et que l’autre se désagrège en cendre. Dans un nuage de suie.

Une danse qui se jouait à deux et où les partenaires se confondaient pour ne faire qu’un en bout de ligne. Reflet grotesque de l’autre et de sa gestuelle décadente. Un jour, c’était une main ensanglantée sur un clavier électronique, après une vantardise de trop. L’autre, c’était des ongles grinçants sur une porte qui refusait de s’ouvrir et les laissaient là, haletant, à respirer une odeur de décomposition. Les insultes qui se jetaient de par et autre, les râles, les supplications à peine masquées seraient à jamais leur musique de trame, Alastair s’en rendait bien compte, oui.

Wilde avait raison. L’horreur était là. Bel et bien là. Dans ce gigantesque lit qui aurait pu contenir une famille entière et où était recroquevillé, entassée sur elle-même, une carcasse à peine humaine, là, tout contre l’immense baie vitrée, comme un animal disloqué qui se serait embroché sur les barreaux de sa propre cage.  

Il resta là un moment, vidé, à regarder cette goule des abysses fuir le monde qu’elle avait elle-même bâti. Verrouille la porte, lui avait-il dit. Verouille la porte. Parce que la peur et la paranoia seraient toujours là, comme un bruit de fond. Toujours. Parce que la gloire, peu importe laquelle, attirait son lot de vautours. Que ces harpies là s’infiltraient partout et qu’à la fin, il n’y avait plus rien d’intime. Plus rien. Même dans son propre lit, même dans ses propres cauchemars.

Alastair jeta un œil dégouté à la tache brunâtre qu'il avait lui même répandue sur la moquette et leva la tête vers la baie vitrée. Là, au loin, bien en évidence, la silhouette effilée du Shard se détachait à l’horizon, de l’autre côté de la Tamise. Comme une espèce de menhir des temps modernes. Une offrande à tout ce que la société londonienne avait de plus dégueulasse, paré de beaux contours de verre qui vous renvoyait votre propre image. Était-ce pour la voir que Wilde avait choisit cette vue? Pour voir cette pointe tranchante surgir de la ville et éventrer le ciel? Pour se rappeler que plus on montait haut, plus on risquait de finir empalé sur sa réputation?

Las, il était si las. Las de tourner en rond. Las de faire du surplace. Il caressa du bout des doigts les notes blanches, à demi effacées sur la laque noire du piano. Des notes qu’il n’avait jamais entendues. Beaucoup plus douces, plus tendres que le déchaînement qu’il avait jamais vu, au Viper Room. Gêné, le jeune homme se détourna. Ces notes ne lui étaient pas dédiées. Elles ne devaient pas être vues, pas entendues. Pas encore. Il le sentait.

Verrouille la porte. Les vautours vont se vautrer de ce qui ne doit pas être vu.

Sa main glissa par instinct sur l’ouverture de l’étui. Tous les camés avaient ce genre d’étui. Tous. Il en avait eu un, lui aussi. Avant. Une petite boîte à bijoux que sa mère avait abandonné, en quittant Londres. Un truc ovale en bois orné de motifs celtiques et tapissé de velours vert émeraude, à l’intérieur. Ça faisait l’affaire. Alastair l’aimait bien, cette boîte. Personne n’osait trop fouiller dedans. Parce que c’était un truc de femme. Parce que ça avait appartenu à sa mère et que le fait de le voir traîner ce truc partout avec lui devait être sentimental. Un truc d’enfant de famille éclatée. Des conneries du genre. Les camés aimaient toujours enrober leur dope dans de jolis boitiers. Parce qu’il y avait ce paradoxe de l’immonde et de l’esthétique. Et parce qu’on donne toujours les meilleurs atours à ceux qu’on aime plus que tout.

Il fit cliquer l’ouverture et ouvrit le couvercle. Là, la blancheur de la poudre semblait presque l’éblouir. Est-ce que Wilde se rendrait compte, s’il en manquait un peu? Juste un peu? Le jeune frémit au souvenir de l’euphorie qui l’avait maintes fois terrassé, par le passé. Il caressa le sachet de plastique et ferma d’un coup sec le couvercle. Bien sûr que la star s’en rendrait compte! Quel camé ne surveillait pas avec obsession la quantité de drogue en sa possession, hein?

Et puis bordel! Il restait là comme un con pour appeler l’ambulance si l’autre se mettait à faire une overdose. Ce n’était pas le moment. Pas maintenant. Peut-être… peut-être plus tard.

« Oh. Debout les morts. »

Le choc du coup de pied le réveilla un peu trop brutalement, sans doute. Une plainte en italien, tout droit sortie d’un cauchemar retentit. Il avait mal partout. Alastair jeta des regards affolé autour de lui avant de réussir à rassembler ses esprits. Il était en Angleterre. Il était habillé. Il pouvait bouger. Ce n’était que Wilde. Wilde affublé de sa couette, comme l’atour d’un roi déchu ou d’une mariée maudite et qui lui demandait qui avait vomi sur le plancher.

« Oh putain, t’as déjà oublié hein? Déjà que je te ramasse dans la rue, je ne vais quand même pas ramasser la merde que tu dégueule toi-même chez toi. Demande à ta bonne de nettoyer. »

Mais Wilde était déjà passé à autre chose. Il lui agitait sa propre partition là, sous le nez. Comme si Jonathan Perse existait encore, comme si Max ne venait pas de dissoudre le groupe, avec un simple texto d’excuses. Parce que si Max n’était plus là, John avait toute la latitude de faire ce qu’il voulait. Il prit le feuillet tendu d’un geste lourd, dépassé, la tête encore pleine de ces mêmes images sordides qui le hantaient et de ses propres cris.

« Tu… tu veux que je joue ça? Là maintenant? M’emmener avec toi? Mais de quoi parles-tu? »

Bien sûr. Là, maintenant. C’était toujours là, maintenant. Il n’avait pas besoin que le camé lui réponde. Il s’était déjà assis au piano. Il avait déjà posé ses doigts blêmes sur les touches d’ivoire. Là, maintenant. Dans le vif de la blessure, dans les antres torturées de sa mémoire. Dans les affres de ses souvenirs. Là où les accords se mélangeaient encore aux obscénités les plus horribles. Crache, bordel! Crache! Il n’est pas prêt je te dis! Il est sec comme du papier sablé. CRACHE!

Parce que c’était là que la musique était la plus belle, non?
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James M. Wilde
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() message posté Jeu 6 Déc 2018 - 16:16 par James M. Wilde

« Oui, tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
La douleur m'éventre
Mais je ris dès que je peux
Tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
Oui la mort me tente
Mais je vis faute de mieux »

Alastair
& James




Les draps mordent ma peau fiévreuse, j’ai l’impression qu’ils m’arrachent un peu plus de moi à chaque fois que dans mon sommeil contrarié, virulent, je tourne les remords et les mouvements qu’intime la folie. Les murs se resserrent, mon coeur panique, il y a une sorte de déchirure sous la cage thoracique, douleur larvée aux relents d’hôpital. L’odeur de ces couloirs, et de cette chambre toute petite, les lueurs grisâtres de ces jours semblables, l’aplomb de trop de nuits à hurler, noires, noires. Et les mots qui tournent, continuent de tourner, comme mon corps qui ne saurait trouver le repos ou la paix. Je sais qui tu es. Qui tu es… James. James. Arrête. Arrête ! Je t’en prie… Nos voix contraires, nos voix entremêlées dans mon esprit malade. Je crois que j’échappe un gémissement dans le silence de la pièce, et je me recroqueville plus encore, assailli par des bruits parasites, souvenirs qui s’entremêlent aux miens, le corruption d’une ruelle dégueulasse, et lui dedans, quelque part, à mourir, mourir. Ou bien c’est moi, comment savoir, comment savoir vraiment, ce qui fait écho à mon propre passé, et ce que j’usurpe à une confidence que l’on vient d’égarer contre mon front. Je ne sais même plus qui il est, le sacrifice de sa carrière, de sa carcasse se confond à tous mes crimes, et c’est Rebecca qui se lève, elle se lève et ses yeux si noirs, si noirs, me regardent et me jugent. Pourquoi… Pourquoi… Mes mains se crispent sur les draps, comme sur son poignet autrefois. J’entends encore sa tête heurter la table, ou le carrelage. Avant. Après. Tout ce que j’ai su arracher à son corps, enfin soumis, enfin décharné par la plus grande de mes violences. Mon souffle s’étrangle, filtre une plainte qui ressemble au trépas, ou à ce plaisir déviant que j’ai compris chercher cette nuit-là. Et que j’ai malheureusement su trouver. Rien ne sera jamais si parfait, si effroyable, si brutal et pourtant si délicat, qu’une vie que l’on froisse. Qu’une vie que l’on fracasse. La déchirure s’étend, l’angoisse me réveille en comprimant ma cage thoracique et je me relève violemment, tandis que la tête me tourne, j’ai encore l’impression de la sentir en moi, tout autour, d’entendre ses plaintes animales bientôt remplacées par le néant. Mon crâne est si lourd… Si lourd. Une harmonie s’y insinue pourtant, terrible harmonie, harmonie volée, cachée, qui gît quelque part au milieu des annotations contrariées. Harmonie composite, presque parasite. Je sais à qui elle est destinée, mais je ne sais pas encore ce qu’elle doit lui dire, lui dire ou lui avouer. Le titre je ne l’ai pas, il n’y a que l’ébauche d’un refrain, la musique du couplet. Et d’autres yeux noirs pour la déchiffrer. La déchiffrer. La vivre peut-être. Dansera-t-elle pour moi ? Dansera-t-elle sur ce fil-là ? Je ne sais plus… Je passe une main lasse et douloureuse dans mes cheveux, piétine mollement jusque dans la salle de bain toute aussi clinique que le reste de mon habitat, évite mon reflet cave comme si j’en avais peur, m’abreuve au robinet tel un animal fourbu. Les gorgées sont lentes, je m’étouffe un petit peu, et tousse ces cauchemars qui sont encore si présents, dans la chambre, qu’ils m’abrutissent. Mon t-shirt colle à ma peau glacée de sueur et si je cherche à ôter les masques de l’horreur en passant un peau d’eau sur mon visage, rien ne change, rien ne change. Je me trouve monstrueux et je détourne les yeux dans un frisson maladif. Les démangeaisons dans mes bras, appel pervers de ces aiguilles qui un jour laissèrent leurs tout premiers stigmates, tracent la marque rougeâtre de mes ongles sur la peau blême. Je trébuche et manque de m’affaler, avant de me draper dans la couette, tant le froid continue de me torturer. Revenir dans le salon et ne pas y découvrir Gregory est comme un décalage, les secondes butent et se perturbent dans le replis stratégique de mon souffle. Il semble reposer paisiblement, mais je le réveille avec cette même brutalité qui me fit m’arracher à l’horreur de ces dernières heures. Je parle d’une voix ténue, un peu rauque, plus sensible, le personnage s’est entièrement enfui dans les limbes d’un sommeil avorté, et je déambule dans mon propre salon tel un invité. Je fais un paresseux détour jusqu’à la porte d’entrée, le verrou soigneusement enclenché me rassure, et j’y glisse une caresse, un murmure :
_ Greg ne doit pas savoir… Pas en ce moment. Ni Ellis.
C’est un constat, une demande piteuse, où la honte accentue le trouble des dernières syllabes du prénom de mes deux amis qui m’ont connu dans le pire des états. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est le nombre de fois où je leur ai épargné ce pire qui continue de me menacer à chaque instant, cette nature qui ne cherche qu’à brûler. Qu’Alastair soit le témoin de ma déchéance me dérange, mais je l’accepte comme s’il s’agissait de cette évidence depuis longtemps imaginée entre nous. Il le savait, dorénavant il le voit. Je hausse mes épaules, Maria a rattrapé bien pire sur ma moquette. Je la fais changer régulièrement de toute façon, vu que ses tons crème ne conviennent pas réellement à mon genre d’existence. Je reviens, saisis les partitions et les lis, la musique se déploie dans ma tête, chasse les résidus de mes cauchemars et de cette oeuvre encore embryonnaire. Je le regarde par dessus le papier, me nourris des errances qui se peignent sur ses traits fatigués. Quels sont tes cauchemars, quels sont tes propres horreurs ? Nous échangeons nos places, et je hausse un sourcil avec moins de panache qu’à mon habitude. A ton avis, dans 120 ans… Ma tête repose négligemment sur le dossier du canapé, le cuir crisse sous ma silhouette moitié avachie, je resserre les pans de la couette pour mieux couvrir mon épiderme qui continue de geler. Je lève un doigt, et laisse siffler ma voix maladive dans l’air :
_ Chut, chut… Tais-toi, juste la musique. La musique et rien d’autre. On parlera après. Après. Laisse-moi écouter.
Laisse-moi comprendre. Laisse-moi parasiter les cauchemars de quelqu’un d’autre pour oublier les miens. Et je me laisse dériver sur le fil qu’il déploie, ses mains et le piano, parfaitement accordés, dans cette pièce trop grande à l'acoustique irréelle dans la nuit. Le toit du monde, le toit d’un monde, qui se perd, s’oublie, dans d’autres harmonies. Je ferme les yeux mais je ne dors pas, j’attends la déchirure, celle qui viendra faire écho à la mienne, celle que j’ai déjà entrevue à de nombreuses reprises chez lui. Et que j’imagine pouvoir entendre encore, légitimant ainsi mes projets de tournée, dans une errance dangereuse qui nous mènerait sur des chemins que je n’ai jamais partagés.
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Alastair H. Pratt
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() message posté Mer 23 Jan 2019 - 6:17 par Alastair H. Pratt
Ne rien dire à Greg ni Ellis. Alastair hocha la tête, comme un automate en se passant la main sur le visage, la tête encore embrumée par la fatigue. Combien de temps avait-il dormi, comme ça, sur ce foutu canapé trop moderne qui crissait à chaque fois qu’on se retournait dessus? Comment pouvait-on voir ça comme un meuble de luxe? Il avait mal partout et avait le cou aussi rigide qu’une barre de fer. Il devrait prendre des anti-inflammatoires s’il voulait survivre à la maudite nuit d’études qui l’attendait encore. Comme s’il n’était assez bourré de médicaments, déjà. La nausée le reprit rien que d’y penser. Avait-il crié? Il espérait que non.

Il lança un regard morne à son téléphone sur la table à café et au piano là, contre le mur. Max n’avait pas texté. Il n’avait texté pour s’excuser de son absence, ni pour assurer son éventuelle présence, ASAP, comme il le faisait normalement, à la prochaine répèt’ ou au prochain show. Rien. Le pianiste savait qu’il avait été impossible, ces derniers temps. Qu’il avait probablement été aussi draconien que Wilde lui-même, ces derniers temps. Comme si chaque fausse note, lors des répétitions, sonnait le glas de la fin. S’il devait tout foutre en l’air pour ses passions, s’il fallait crever pour ne pouvoir jouer que cinq minutes devant des milliers de personnes, autant le faire parfaitement, non? Les autres ne comprenaient pas, eux. Ils avaient leurs vies et la musique n’y figurait que comme un passetemps. Ils n’avaient pas les tripes qui se tordaient en dedans, quand ils étaient éloignés de leur instrument. Ils n’avaient pas ce putain de cafard qui les tenaillaient dès que les projecteurs de la scène s’éteignaient. Comme si c’était toujours le dernier show. Ils ne comprenaient pas du tout. Est-ce que Greg et Ellis comprenaient eux? Juste un peu?

Il leva les yeux vers le cadavre vautré dans son canapé en cuir. Les pommettes qui saillaient, avec l’os de la mâchoire et le cartilage du nez sous cette peau vaguement grisâtre, les petites cicatrices blanchâtres, sur les bras qu’il avait vu, un peu plus tôt et qu’il pouvait facilement imaginer crispés sous la couette… C’était pathétique. Complètement pathétique. Et pourtant, cette épave réussissait à faire hurler de délire la foule devant lui, au Viper Room comme au Royal Albert Hall. On le recevait encore sur les plateaux de talk-show, à la BBC One. Comment faisait-il, hein?

Alastair se passa la main dans le cou et grimaça de douleur. Là, juste à côté du piano, il pouvait voir la petite boîte et son précieux contenu. Juste un peu de poudre sur la table à café et tout serait oublié. Tout. Ses muscles qui le faisait souffrir, la nausée, l’épuisement, le putain de sentiment de vide qui le tenaillait et menaçait toujours de l’engloutir. Avec des gestes saccadés, il obéit au murmure d’outre-tombe qui lui sifflait de s’asseoir et de jouer. Il rechigna encore une fois, juste pour la forme. Parce que les spectres s’attardaient encore un peu, du coin de l’œil et que chaque réveil, peu importe l’heure le laissait toujours un peu plus épuisé. Juste pour le faire chier, Wilde, juste un peu. Pour avoir encore l’illusion, quelques secondes, de n’être la marionnette de personne. Qu’il ne plierait l’échine devant personne. Même pas cette ombre qui mourrait à petit feu là, dans son sofa.

Le simple banc de bois recula en écrasant un peu plus la belle moquette. Le jeune homme s’y assit et posa une main sur le clavier, en savourant le contact des touches d’ivoire et l’écho de quelques notes éparses, dans le silence de la pièce. Depuis combien de temps n’avait-il pas touché à un vrai piano? Alastair n’en savait rien. Le son majestueux de l’instrument n’avait rien à voir avec son foutu Yamaha. La note faisait vibrer les cordes et les cavités de bois de l’instrument. Aucun clavier électronique ne pourrait jamais rendre l’écho d’une note de piano qui meurt dans le silence. Toute cette vibration tangible qui restait en suspend dans l’air, avant de disparaître avec une subtilité infinie. Le modernisme de l’antre du musicien lui donnait froid dans le dos mais il devait admettre que l’acoustique y était parfaite.

Parfaite.

Il ferma les yeux pour mieux écouter les raisonnances dans la pièce, en laissant ses doigts courir sur les touches de l’instrument, au hasard, pour le simple plaisir de jouer et d’entendre, en oubliant presque celui qui il tournait le dos. Mais l’instant de magie ne dura pas. Comment pouvait-on oublier James Wilde, hein? S’impatientait-il? Sûrement. Il se retourna un instant pour lui lancer un coup d’œil et se mit enfin à jouer.

Encore un autre morceau qu’il avait écrit, sans en parler aux autres. Peut-être parce que celui-là était plus intimes que les autres. Trop sans doute. Beaucoup trop. Max aurait fini par comprendre. Peut-être qu’Erwan aussi. Surtout Erwan. Même en prétextant que toute cette violence discordante sous ses doigts, toute ce sentiment de souillure, de doute, de terreur provenait de ces témoignages de femmes à jamais brisées qu’il avait lu sur les réseaux sociaux. #Metoo. Même s’il prétendait ne suivre que le courant et donner ses mots aux autres victimes qu’on avait baillonnées.


Qui serait dupe, hein, qui?
Jonathan Perse, peut-être. Et cette foule qui ne vivait que par procuration. Peut-être qu’au fond de lui, Alastair espérait que quelqu’un finisse par l’entendre. Ou qu’on croit encore à ses petits mensonges, en hochant gentiment la tête.

Il avait essayé d’écrire autre chose. De trouver d’autres mots. D’autres sons. Mais il n’y avait que ces notes échevelées et les lourds silences qui leur succédaient, sans sa tête. Et sa voix qui s’élevait doucement, un peu trop nasillarde au goût d’Erwan, qui chantait, des tendres mots de désir qui avaient tourné au cauchemar.

La musique s’arrêta enfin sur une note claire et la pièce retomba dans le silence. Il n’y avait que le bruit de la circulation, dehors. Alastair resta silencieux un long moment, le regard fixé sur le clavier. Max n’avait toujours pas appelé. Ni texté. Il se racla la gorge et renifla avec mépris. Un mépris pour lui-même de n’être pas arrivé à maintenir son propre groupe.

« Il n’y a plus d’Untitled. Max a quitté le groupe. Les autres vont suivre. »
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James M. Wilde
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() message posté Mar 12 Fév 2019 - 18:37 par James M. Wilde

« Oui, tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
La douleur m'éventre
Mais je ris dès que je peux
Tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
Oui la mort me tente
Mais je vis faute de mieux »

Alastair
& James




Le temps se disjoint, le temps se distance. Les sons ici s'amenuisent, ils se font timidité malsaine et désuète qui ne nous ressemble guère. Une maladie qui galope sur la peau, qui suppure dans les chairs. Une maladie honteuse que celle qui s'expose ainsi dans l'intimité violentée d'une rencontre… Je ne maquille plus rien, ni la fatigue, ni la souffrance. Encore moins ces doutes qui dansent encore dans mes yeux brillants d'une fièvre qui me quitte à peine pour mieux revenir me torturer. Dans le grand sofa, ce bien trop grand sofa, je me perds, silhouette malingre, et je frissonne. La vie s'accroche. A la peau et au cuir. Parasitaire. Il a l'air aussi paumé que moi, Alastair, dans ce décor clinique qu'il ne connaît pas. Un invité de passage, malgré lui, malgré moi, partageant le naufrage. Si les regards s'échangent, c'est pour tout ce que l'on ne dit pas, ce que la confidence pourrait faire saigner jusqu'à l'âme. Je n'ai pas besoin de surprendre ses cris pour savoir qu'il cauchemarde autant que moi, que le noir de certaines nuits provoque de ces chimères qui nous étranglent. Qui nous paralysent. Il chipote son téléphone, cherche à y trouver ce sursaut de vie, venu de l'extérieur pour le sortir des limbes étouffantes que je prolonge ici. Et notre regard se croise, le jugement se distille dans l'air, le dégoût, la fascination dévoyée, l'écho d'une superbe exsangue que je ne puis convoquer dans l'hérésie de mes lendemains de défonce. Il ne reste plus rien, les rêves sont fracassés par la saccade d'un souffle qui se meurt. Les idéaux à deux se voient trompés par le mal-être qui exsude par tous les pores. Il reste l'envie que j'ai souhaitée noyer sous la débauche, il reste l'obsession qui fait trembler mes doigts. La musique estropiée quelque part entre le cœur qui bat et l'estomac qui se soulève de songer à vivre encore. Vivre encore. L'évidence se destine dans le magnétisme d'un regard qui continue de s'échanger, la seule à laquelle se raccrocher alors. La musique pour seul étendard, même d’un héros déchu. Les foules en délire et les lames de mes mots, les sons s'érodent, le fil n'a plus rien d'acéré quand les tremblements le cisèlent. Je vois son dernier coup d'oeil, à l'orée du précipice, l'étui monogrammé qui renferme une extase artificielle, la seule qui demeure quand la nuit est solitaire, comme hier. Je me demande si mon disciple déjà au bord de l'abîme peut se permettre de consommer au milieu de toutes ces petites pilules qu'il avale déjà pour allonger son existence. Les plans qui s'échafaudent sont des avenirs incertains, sera-t-il à mes côtés quand mon état sera pire que celui-ci ? Serai-je en train de le malmener quand il se traînera comme une loque après les nuits blanches héritées de son traitement ? Il attend, il me laisse ronger mon frein, un soupir feule au travers de ma gorge qui tait les hurlements enfuis. Il veut montrer qu'il n'a pas à obéir quand je sais qu'il le fera. Il le fera, car la main que je lui tends revêt une symbolique nouvelle quand nos échanges ont toujours été en opposition, en rivalité. J'ai un sourire malingre mais un sourire quand même, lorsqu'il consent enfin à se mettre à l'épreuve, laissant s'élever dans la pièce immense le seul langage que nous comprenons l'un et l'autre mieux que les mots. Les premières notes se réverbèrent dans la perfection de l'espace conçu avant tout pour mes compositions et cette sensation d'infini que procure l'absence de cloison ou de plafond, particulièrement au dessus du piano. Il s'approprie l'instrument, celui dont personne ne joue à part moi mais ma faiblesse me rend magnanime. Ou peut-être le suis-je volontiers dès lors que les barrières sont ainsi effondrées. Mon œil le cherche, vrille son dos pour l'enjoindre à se rendre à mes exigences. Mon visage parvient à exprimer un agacement clairement lisible lorsqu'il vérifie par dessus son épaule que je ne me suis pas endormi. Je grogne, mon timbre enroué :
_ C'est bon, tu t'es assez fait désirer comme ça ?
Je peux causer… C'est un art que je manie à loisirs, de quoi rendre mon entourage dingue. Je ferme de nouveau les yeux pour me laisser emmener, qu'importe la destination qu'il ait choisie. Et il m'emmène exactement là où il a su conquérir mon intérêt la toute première fois. Là où le malaise et la honte insufflés par l'atrocité se rencognent. Là où la souillure dégouline sur les murs et sur les êtres. Là où certains choisissent leurs victimes pour surjouer les bourreaux. Là où je suis allé, encore et encore, repoussant toujours plus les limites de la décence pour prendre et décharner, un prédateur dont la liberté se vit pleinement dès lors qu'elle consiste à briser celle de quelqu'un d'autre. Là où l'adversaire doit me contrer s'il ne veut pas finir estropié, indicible créature qui tremble, pathétiques contours dont l'essence s'est enfuie à force d'être aspirée par un monstre. Les cauchemars sont si proches, les siens, les miens, mais le vertige n'est pas le même, l'angle est asymétrique. Je songe à elle, à ses cheveux noirs et sa peau si pâle. Si pâle à la fin. Je songe à tout ce qu'elle enduré, tout ce que mon amour, mon horrible amour lui a imposé. Et toute la souffrance partagée, que je lui ai faite payer. Chaque jour. Chaque heure. Jusqu'à ce que la relation soit exsangue. Exsangue. Et que ne reste plus que son existence même à briser pour rester libre. Je songe à lui aussi… aux rêves dont il hérite et qui demeurent hantés, froissés par d'autres bêtes, d'autres monstres. Est-il ici, est-il ici avec moi, m'a-t-il choisi comme mentor justement parce que je lui rappelle l'horreur qu'il a croisée ? Ou n'est-ce que l'expression de nos instincts de destruction qui se rencontre pour mieux s'enchaîner. J'ai toujours aimé quand il chantait. Une tessiture moins classique que celle de son pote inutile, un grain de voix plus dérangeant, parce qu'il ressemble à celui d'un éternel adolescent qui murmure des mots sur une existence qu'il n'a pas encore vécue. Mais la grande différence c'est qu'Alastair se l'est prise en pleine gueule, l'existence. Avec tout son florilège d'avilissiments. Sa chanson est trop intense, elle est trop crue dans les silences qu'elle aménage. Elle est tout ce que je cherche, tout ce que je guette, dans le noir. Mon visage se transfigure, lorsque mes paupières se rouvrent, le regard que je couche sur lui n'a plus rien de dédaigneux. Il y a au fond des prunelles plus que de l'intérêt. Plus qu'un compliment mutique. Plus qu'une reconnaissance d'artiste. Il y a cette convoitise qui déborde de ma personnalité, cette envie de plonger dans ses ténèbres et de les écarteler. De les nourrir jusqu'à ce qu'il s'accomplisse ou qu'il en crève. La dernière note se pose, se dissipe. Mais elle est encore partout, dans le ventre qui se creuse, sous le crâne qui renferme l'ignominie d'une nature qu'il vient de frôler. Je ne dis strictement rien. Strictement rien pendant de longues secondes mais je me redresse, mon t-shirt qui maquille mes clavicules saillantes tandis que je me penche en avant. J'ai toujours ce regard fixe posé sur lui et le dédain dont il use dans son constat rencontre mon mépris. Envers ceux qui osent le quitter. L'abandonner alors qu'il est si proche, si proche de devenir ce qu'il aspire à être.
_ Et alors ? Est-ce que c'est grâce à eux que tu as composé cette chanson-là ? Tes petits copains ils ne te ressemblent pas, il est grand temps que la rupture se consomme et que tu sois libre. Libre de partir. Ils ont choisi de rester. Rester dans leur vie ridicule. Resserrée.
Je trace un geste dans sa direction et j'ajoute de but en blanc :
_ Mais toi tu vas partir. Tu vas partir avec moi. En tournée. Et ce sera toi sur scène, pas eux, toi. Quitte à ce qu'on te trouve des musiciens pour t'accompagner. Quitte à ce qu'on le fasse nous-même, avec Ellis et Greg, ça nous changera de rester à l'écart. Je m'en tape, on trouvera. Je veux que tu viennes avec nous.
Avec moi. Avec moi. Je sais que l'évidence est là. Depuis le tout début, depuis que nous nous sommes croisés au hasard de son arrivée tonitruante au Viper. Je ne les aurais pas choisis s'il ne s'était pas pointé. Je ne les aurais jamais choisis. On le sait l'un et l'autre. Parce que les bons sentiments ce n'était pas ce que j'attendais.
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